Voilà,
ce matin-là de lents troupeaux de nuages traversaient le ciel d'automne. On eût dit que la lumière elle-même s’était
éteinte comme si la ville entière, vidée de ses passants, n’avait
conservé qu’un seul signe de vie, mais une vie déjà retenue, contenue,
immobilisée. Un scooter, garé là évoquait dans son attente muette, un animal condamné à ne
jamais bouger. Non loin, sur un pan de mur il y avait cette peinture de Seth représentant une petite fille de trois quarts dos, le
cou légèrement incliné, absorbée dans la contemplation d’une petite
maison de poupée ou peut-être d’un abri d’oiseau. Objet dérisoire pour l’adulte
que j’étais, cette fresque suggérait que pour la fillette il constituait tout un monde.
Ce refus muet qu’elle semblait opposer à mon regard, réveilla en moi, sans que je l’aie convoqué, un souvenir ancien, trop longtemps enfoui. Je n’aurais su dire s’il m’appartenait en propre, ou
si je l’avais rêvé. Je me revis, enfant, à la campagne dans le jardin étroit de mon
grand-père, accroupi devant une cabane improvisée que
j’avais construite de planches disjointes et de pierres branlantes. Inutile et fragile, pour l’enfant que j’étais, cette cabane représentait l’espace d’une souveraineté totale, un royaume secret, où
je pouvais accueillir l’attente d’un oiseau, ou simplement la secrète promesse d’un mystère pour lequel je n’avais pas de mots. Je revis le
vert pâle de l’herbe humide, l’odeur de la terre qu’un crachin d’octobre avait assombrie. Surtout je retrouvais ce sentiment alors éprouvé dans cette position accroupie, que le temps, ne m’entourait plus de sa contrainte mais se
dilatait à l’infini, comme si chaque seconde contenait un monde.
Et ce souvenir, enfoui depuis des années, s'offrait avec une netteté
d’autant plus poignante qu’il ne surgissait pas juste sous la forme d’une
image isolée. Il avait aussi la densité d’un état de disponibilité absolue propre à l’enfance : celui où toute chose ne prend sens
que par sa seule présence parce que l'on n’attend rien d’autre que ce qui est là, et que chaque chose – le moindre bruissement
d’aile, une goutte tombée d’une feuille – semble chargée d'une infinité de possibles. La petite fille de la
fresque, dans son silence obstiné, me signifiait que ce que nous appelons le passé ne s’éteint pas mais qu'il se
tient tapi, prêt à se relever au moindre signe, pareil à un oiseau blessé, qui reprend soudain son vol au premier appel, alors que le ciel lui semblait à jamais interdit.
Sous le jour incertain et changeant, je restai
longtemps immobile. Debout dans cette rue déserte, rempli de gratitude pour le moment présent, je ne songeai plus à ce que j’avais perdu, ni même à ce que je pouvais encore espérer. C'était comme si le temps s'étirait et s'effaçait à la fois. Vaguement hagard, un peu étourdi, je réalisai, que tout ce qui fut jamais, tout ce que nous avons cru retenir, toutes les années et les gestes et les instants que nous pensions achevés, tout cela ne cesse jamais vraiment de flotter, impalpable et léger comme une invisible brume, dans l’air que nous respirons.
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Wonderful photo.
RépondreSupprimerGreat shot, fascinating post. I suppose we all have some inner world that no one else can see.
RépondreSupprimerWonderful photo. I really like the mural, and overal feel of the photo. Well done!
RépondreSupprimerI like this photo and reading about your inner perspective. Thank you for linking up.
RépondreSupprimerFantastic photo.
RépondreSupprimer(Ah---- that's better) I really like the image--- and your words are rich with meaning.
RépondreSupprimerI love your image and your words. Sometimes a memory comes alive suddenly to me as well from deep in my early childhood. Don't remember when or where but it's very vivid.
RépondreSupprimerNothing ever ends if it lives in our memories. Great photo.
RépondreSupprimerChouette mural
RépondreSupprimer...a beautiful composition, I like thew scooter in the foreground.
RépondreSupprimerThe figure in the mural looks to me a wee bit out of proportion. Perhaps it’s just me
RépondreSupprimerWhat a fantastic shot. I really love this photo.
RépondreSupprimerWorth a Thousand Words
An interesting photo! My eyes couldn't decide what to look at first, the motor bike or that mural!
RépondreSupprimerMy attention went straight to the mural on that building. It is wonderful with its trompe l'oeil affect, and the mirror affect of the painter. Lovely photo.
RépondreSupprimerYou composed the image so well! That's a beautiful mural!
RépondreSupprimerThis piece is beautifully haunting. I love how you capture the quiet magic of memory and the way childhood perception lingers, shaping how we see the world even years later. The imagery of the mural and your own recollections make the ordinary feel profoundly alive, like the city itself is holding its breath alongside you.
RépondreSupprimerwww.melodyjacob.com
Great captured
RépondreSupprimerYour little essay reflects a child’s world just wonderfully! Also, the mural that inspired you is very fascinating.
RépondreSupprimerLovely. Is this in the 12th? If we can't get into Musee des Arts Forains, I am thinking I might drag my fam out on the street art walk....
RépondreSupprimerLove the Black & White photo. This is a beautiful mural by French artist Seth. Thanks for participating in Monday Murals Kwarkito.
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