dimanche 29 juin 2014

La Découverte du soir

Place Henri Mondor (Juin 2014)

Voilà,
tandis que tu fais une chose ou l’autre
quelqu’un est en train de mourir

tandis que tu brosses tes souliers
tandis que tu cèdes à la haine
tandis que tu écris une lettre prolixe
à ton amour unique ou non unique

et même si tu pouvais parvenir à ne rien faire
quelqu’un serait en train de mourir
essayant en vain de rassembler tous les coins
essayant en vain de ne pas regarder fixement le mur

et même si tu étais en train de mourir
quelqu’un de plus serait en train de mourir
en dépit de ton désir légitime
de mourir un bref instant en exclusivité

c’est pourquoi si l’on t’interroge sur le monde 
réponds simplement quelqu'un est en train de mourir

Longtemps j'ai cru que c'était un poème zen. En fait jusqu'à maintenant. En tapant les premières lignes sur un moteur de recherche pour en trouver l'hypothétique auteur chinois ou japonais, je viens de découvrir que c'est un poème de Roberto Juarroz datant de 1958. Je me souviens très bien dans quelles circonstances j'ai eu connaissance de ces vers. C'était en 1985 au Théâtre de la Tempête. Deux sœurs l'une qu'on surnommait Billie et l'autre prénommée Ghislaine tenaient le bar. C'étaient des filles vraiment sympathiques. Je crois que c'est Billie qui m'a montré ce texte qu'elle avait photocopié, et que j'ai recopié à la main, un soir, après une représentation du spectacle "Rêves de Kafka". Un jour je me suis décidé à le mettre dans mon ordinateur. Il m'est arrivé de lire de temps à autre et par hasard des textes de cet auteur, et à chaque fois je trouvais ça vraiment bien. Cette fois c'est sûr je vais considérer cette œuvre plus attentivement.

samedi 28 juin 2014

Notre affaire est de passer


Voilà,
quelque chose se brouille dans la mémoire se déforme se distord c'était alors un paysage familier le café "Le village" est encore là et "le bar des pipos" aussi mais le chinois où j'ai pour la première fois mangé des pâtisseries au glutamate a disparu la forme des voitures a changé je suis là je suis moi aussi encore là j'arpentais ces rues le soir dans mon lit j'écoutais cette cassette dont j'ai depuis reconstitué la playlist et il y avait "When?" ce morceau terriblement angoissant de Jimmy Castor Bunch des visions me venaient de ces imprécations nocturnes et j'imaginais que je serai un autre homme que celui que je suis devenu accablé de fatigue mais à présent le monde s'efface doucement pas simplement celui que j'ai connu mais celui dans lequel je vais encore au gré du hasard oui il disparaît peu à peu sans doute parce que je ne le comprends plus que je n'ai plus envie de faire l'effort de le comprendre oui il s'effrite se disloque pareil à cette idée de l'Europe qui était alors dans l'air et moi aussi je disparais m'efface doucement de ce monde gouverné par des somnambules qui nous mènent au désastre ou bien est-ce le monde qui m'efface car il n'y a guère plus de place pour les gens de mon espèce bof ce n'est pas si grave après tout seules importent les sensations éprouvées les émotions ressenties je parle des bonnes évidemment je pourrais me dire comme Machado "Il n'y a pas de chemin, rien que des sillages sur la mer. Tout passe tout demeure, et notre affaire est de passer, de passer en traçant, des chemins sur la mer" ouais mais vu d'ici putain quand même la marée est bien basse 

mardi 24 juin 2014

Touristes au pied de la tour Eiffel


Voilà,
c'est la photo du jour 
je ne suis pas complètement satisfait du cadre
mais elle me plaît bien quand même 
juste pour le cycliste et la petite fille
il fallait faire vite

lundi 23 juin 2014

Exposition Martial Raysse


Voilà,
il y a la silhouette de ce type vu à plusieurs reprises photographiant des toiles pendant sa visite. J'émets des hypothèses : regarde-t-il sur l'écran de son appareil numérique les photos qu'il a accumulées au cours de l'expo ? Ou plus simplement celles qu'il vient tout juste de prendre ? Peut-être est-il seulement en train de lire ses SMS ou consulter sa messagerie... Et puis il y a ces personnages enfermés dans la toile qui, surgis de la vision d'un poète, se tiennent là au bord d'un autre monde... Et encore ce grand vide entre la peinture, l'homme de dos et moi qui suis là par hasard. Je ne sais pas, tout à coup l'instant exige de ne pas sombrer dans l'oubli. Je déclenche. (Linked with the weekend in black and white

jeudi 19 juin 2014

La vision d'un idiot


Voilà,
ce détail, il fallait vraiment l'apercevoir. Il était bien caché à peine visible. Au ras du sol. Mais il m'est apparu tout à fait digne d'intérêt et de considération. Oui, j'ai pensé qu'il devait prendre tout le cadre, que ça méritait bien plus qu'une furtive attention. Un jour je ne m'intéresserai plus qu'à ça, je crois. Aux menues choses, aux broutilles, aux bagatelles, aux anomalies. Je ne raisonnerai plus. Je ne dirai plus rien qui veuille avoir du sens. Je ne dirai plus rien. Je suis trop fatigué. Je ne supporte plus toutes les conneries que j'entends de la bouche d'hommes et de femmes qui ont des grandes responsabilités nationales ou bien aspirent à en avoir et qui sont d'une inculture crasse, d'une sottise à bouffer du foin. Parfois cela me donne des envies de meurtre. Alors tant pis si l'on me regarde comme un idiot. Si l'on pense que j'en suis un. Je préfère mon idiotie à leur connerie. Mon idiotie cherche à trouver de la beauté là où ordinairement on ne la distingue pas. Leur connerie souille et avilit tout ce qu'elle touche. Parce qu'il y a souvent beaucoup de méchanceté dans la connerie. 

mercredi 18 juin 2014

Un graffiti qui résiste


Voilà,
un graffiti resté gravé dans une impasse du quinzième arrondissement. Je ne sais pas de quand il date. Je l'avais photographié il y a quatre ans. J'ignore s'il y est encore.

samedi 14 juin 2014

Tout fait signe rien ne fait sens


Voilà,
ces visages effacés, ces bouts de corps, ces inscriptions vouées à disparaître sous d'autres images, ces agencements hasardeux de traces de fragments, ne sont pas simplement pour moi des constructions graphiques, non,  ils me racontent aussi quelque chose de ce monde, de la misère de ce monde où rien n'est pérenne, où un slogan chasse l'autre, où  comme disait Baudrillard "tout fait signe et rien ne fait sens". Ces compositions éphémères et aléatoires rappellent aussi que nos fragiles existences sont pour la plupart à l'image de ces bribes. Du monde on ne perçoit que des éclats. On ne retient que des bouts, et c'est en lambeaux déjà qu'on s'obstine à y durer dans le vain espoir d'en comprendre quelque chose.

mercredi 11 juin 2014

L'écho


Voilà,
"j'ai crié dans la nuit que la vie est méchante et l'écho m'a répondu chante" 
(Baudelaire)

lundi 9 juin 2014

La force des choses


Voilà,
malgré la vue qui baisse, ou peut-être justement à cause de cela
ce qu'on se refuse à voir, un jour on le perçoit.
 Clairement. Nettement.
Et l'on en n'est pas pour autant plus léger ni plus heureux

mercredi 4 juin 2014

Une sculpture monumentale de très mauvais goût


Voilà,
c'est con d'avoir une si grosse bite et même pas toutes sa tête et pas de bras non plus 
pas pouvoir se la tenir pour pisser ni se faire une petite branlette

lundi 2 juin 2014

L'avenir radieux


Voilà
donc le job c'est ça. Mettre un costume, se rendre dans le quartier d'affaires. Y rencontrer régulièrement des inconnus dans des salles impersonnelles et climatisées. Payer de sa personne pour obtenir leur confiance un jour ou deux et d'une certaine façon, veiller sur eux, les accompagner sur un chemin qu'ils ne pratiquent plus depuis longtemps, le chemin qui conduit vers l'autre. Les encourager à retrouver un peu de tact dans les relations professionnelles qu'ils entretiennent avec leurs subordonnés, d'ailleurs appelés "collaborateurs", pour leur donner l'illusion d'être ainsi associés aux tâches qu'ils ont mission d'exécuter. Les conseiller afin qu'ils se rendent plus pertinents dans la transmission de messages imposés par leur hiérarchie et dont bien souvent le sens et la nécessité leur échappent. Ce n'est pas qu'ils soient stupides. Au contraire, pour la plupart, ils comprennent que le dispositif de la vaste et tentaculaire organisation qui les salarie a quelque chose d'absurde et d'incohérent. Le simple fait de sa perpétuelle réorganisation est d'ailleurs pour eux un symptôme dont ils n'hésitent pas à parler à demi-mots. Nombre d'agents restent d'ailleurs en attente de réponse sur les choix stratégiques de leur société. Segmentée en entités concurrentes à l'intérieur d'une même enseigne, l'Entreprise, au fur et à mesure que se révèle l'incapacité de ses dirigeants à rassembler les talents, mobiliser les énergies et les compétences sur un projet fédérateur, suscite un sentiment d'insécurité croissant dans sa population. Le déficit de communication le manque de transversalité, les surcharges de travail, l'absence de reconnaissance génèrent des souffrances psychologiques chez les salariés tributaires de ce que ces derniers appellent des "décisions politiques" sur lesquelles, selon eux, ils n'ont aucune prise. Tout est managé selon des normes de résultats, des indicateurs et des chiffres qui sont la plupart du temps truqués. C'est que chacun a peur de sauter s'il rend compte, à son échelle de la réalité de la situation. Aussi l'information, en interne, ne remonte pas, ou difficilement. D'où un malaise croissant. Par l'intermédiaire de prestataires externes l'Entreprise organise donc des formations comportementales aux titres martiaux où il est question d'affirmer ses positons, de communiquer pour convaincre, d'optimiser son potentiel. Là on dispense aux collaborateurs, l'art d'être assertif c'est à dire d'être patient envers ses subordonnés et poliment soumis à ses supérieurs. Ces formations pourtant commandées et validées par la Direction des Ressources Humaines, sont néanmoins en parfaite contradiction avec la logique et la pratique managériale des hauts-responsables de l'Entreprise. Aussi le job finalement se résume à requinquer un peu - afin qu'ils ne soient pas prématurément usés -  ces cadres qui disposent de trop peu de temps pour avoir ne serait-ce que l'opportunité de penser. Il faut à la fois former, mettre en forme, formater tous ces salariés entrevus et dont les visages s'effacent généralement aussitôt la session achevée. Romain Gramon est formateur. C'est son métier, c'est pour ça qu'on le rétribue. Il fait le job. 

dimanche 1 juin 2014

Un dimanche solitaire


Voilà,
c'était il y a quelques semaines un dimanche, je me souviens. Après m'être promené en vélo une partie de l'après-midi depuis les Invalides jusqu'au quai de Javel, j'avais eu l'envie de visiter le musée de la manufacture de Sèvres où je n'étais encore jamais venu. Une exposition sur Picasso et la céramique s'y tenait et j'avais aimé déambuler dans ce lieu nouveau pour moi. Une fois de plus j'avais pensé à Gérard Tiry, me demandant s'il connaissait cet endroit. A un moment saisi par une vive sensation de solitude (l n'y avait personne auprès de moi avec qui partager) j'avais éprouvé le besoin de partir. Ensuite, un peu maussade je m'étais attardé sur les bords de Seine au niveau de Meudon, face à l'île Seguin où désormais il ne reste plus rien des anciennes usines Renault. Ce type en train de téléphoner (désormais il y a toujours quelqu'un en train de téléphoner où que l'œil se porte). avait attiré mon attention et je n'avais pas immédiatement vu les canards apparaître au premier plan.

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