Voilà,
l'image est très cliché. Au loin on distingue la tour Eiffel. C'est l'un des lacs du bois de Boulogne. Les gens canotent, bronzent sur les berges. L'apparence de l'insouciance. Pourtant il fait anormalement chaud. Jamais il n'y a eu de tels pics de chaleur à cette époque depuis qu'on enregistre les températures. Et puis toutes ces tensions : l'obstination suicidaire de la commission européenne où une junte économique veut dicter sa loi au mépris du droit des peuples ; le risque de pousser la Grèce hors de la communauté et l'inciter à nouer une alliance avec la Russie belliciste qui manque de port d'attache en Méditerrannée ; la guerre qui couve en Ukraine prête à se répandre sur le continent, attisée par l'Otan et le lobby militaro industriel états-unien "ready for fight" ; l'expansion de Daesh soutenu par l'Arabie Saoudite et le Qatar avec lesquels les puissances occidentales continuent de commercer, pétrole oblige – ainsi la France y dépose une part de son patrimoine (deux annexes du musée du Louvre à Abu Dhabi et au Qatar) pendant que les émirs rachètent grands hôtels et magasins de luxe à Paris sans parler des clubs de football – ; la Turquie menant des opérations militaires contre les courageux kurdes qui se battent pour leur survie contre Daech ; le désordre qui gagne peu à peu les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ; le désir de revanche des populations issues des anciennes colonies qui après trois générations se sentent ostracisées et ne se reconnaissent pas dans les valeurs de la culture européenne ; les bateaux entiers de migrants de toutes origines continuant à s'échouer sur différents rivages du sud du continent. Comme le dit mon ami Thierry F. On a l'impression de relire nos vieux livres d'histoire, de constater impuissant, une sorte d'enchaînement implacable des faits, comme si soixante-dix ans de paix relative sur ce continent (il y a eu les Balkans et l'Irlande et le terrorisme basque) avaient engendrés trop d'intérêts contradictoires, de tensions et de rancœurs larvées au point que les alliances les plus absurdes pourraient, au prix d'un chaos que cette trompeuse image dissimule encore, se nouer et se dénouer entre des communautés uniquement préoccupées de leurs intérêts particuliers. Je voudrais bien évidemment avoir tort sur toute la ligne. Mais ces tensions ajoutées à la sensation que tant d'urgences écologiques ne sont tellement pas prises en compte, me rendent maussade. Parfois je voudrais tant croire en quelque chose. Mais il y a si peu de raisons d'espérer. Oui cette image ne me semble pas celle d'un temps de paix, mais bien plutôt une image d'avant la catastrophe. En attendant, pour ne pas trop y songer, on s'occupe à des choses futiles, avec des manières d'autruche, comme si au fond le temps n'était pas compté.