Voilà
Le rêve m'a déporté aux abords d'une maison qui aurait pu être familière, mais qui dans la réalité, se trouve désormais réduite, autant que ses occupants, à l'état de souvenir. Jeune peut-être, en tout cas sûrement sous l'emprise d'une drogue puissante, qui multiplie les états de conscience et rend la perception de l'événement d'autant plus confuse, je me sens en totale perdition, égaré dans une obscurité toujours plus vertigineuse, croyant cependant que la maison est dans les parages, mais persuadé que cette proximité la rend encore moins accessible. Pris au piège d'un agencement inextricable de temporalités aussi furtives que changeantes où la maison n'est qu'une succession d'idées dans un champs d'hypothèses non résolues, tour à tour ruine à l'abandon sous une nuit de cendres, râle porté par la ténèbre, horloge éventrée, tas de coquilles d'huîtres, regard de chien en agonie, impact soudain de la balle qu'on ne voit pas venir, et tant d'autres choses encore, incongrues saugrenues et aussi énigmatiques que le mystère de la masse manquante ou le boson de Higgs, seul en tout cas, irrémédiablement seul et plus perdu que jamais, je dois continuer, sans repère, m'appuyant sur l'ombre, et toujours reconfigurant l'espace à la limite de la chute. Chaque pas augmente mon effroi, le moindre arrêt avive ma terreur. Et soudain, comme happé par une force invisible, me voilà dans le vestibule où se tient ma parentèle (mais dans quel état je n'en dirai pas plus). Tout tremblant, sûr d'avoir échappé au gouffre et aussi à la noyade dans la mare voisine, pas convaincu cependant d'être tout à fait sorti d'affaire, doutant de la véracité du moment présent mais sauf toutefois, sauf, j'ouvre un œil, puis l'autre et me rendors aussitôt. Pour une fois je n'ai pas laissé la radio allumée.