vendredi 30 décembre 2022

Mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe (11)

 
Voilà
ça me revient, 
la grand-mère d'Agnès, qui ne brillait pas particulièrement par sa joie de vivre, s'esclaffait à chaque fois qu'elle racontait avoir entendu la chanson de Pierre Vassiliu "Qui c'est celui là ?" 

ça me revient
Celle qui laissait des messages sur le répondeur qui commençaient inévitablement par coucou
 
ça me revient 
les bonzes qui se faisaient brûler vifs pour pour protester contre la guerre du Vietnam
 
ça me revient 
c'est par Philippe Tiry que j'ai entendu parler pour la première fois de "Cafougnette"  qui est un peu à la région Nord-Pas-de-Calais, l'équivalent de Tartarin à Tarascon pour le sud. Créé  en 1896 par Jules Mousseron, poète de langue picarde et mineur de fond, il est le héros d'une soixantaine d'histoires savoureuses. L'acteur Jacques Bonnaffé a mis en scène et joué les textes de Jules Mousseron, Cafougnette et l'défilé compilés sur le disque La Fin du Monde. Le spectacle a en outre été enregistré sur DVD : Cafougnette dernier défilé
 
ça me revient 
l'impossibilité d'écouter la chanson "il n'y a pas d'amour heureux" dans la version de Georges Brassens, tant elle me bouleverse. Il paraît qu'Aragon n'était pas très content de l'adaptation de son poème.
 
ça me revient
l'encyclopédie dessinée Tout l'univers. J'étais un peu jaloux de mon camarade Pascal Loiseleux qui avait toute la série, dans la grande maison de ses parents.
 
ça me revient
les livres magnifiques de l'encyclopédie Time Life. J'en avais un intitulé "L'univers" que je m'étais fait offrir vers mes onze ou douze ans, lorsque j'étais passionné d'astronomie et que j'espérais en faire mon métier. C'est dans ce livre que j'ai appris que l'univers était en expansion et aussi le moyen mnémotechnique pour retenir le type spectral des étoiles, permettant de les classer par température du plus chaud au plus froid, chaque type correspondant à une lettre : "O Be A Fine Girl Kiss Me"
 
ça me revient
ces soirs où il arrivait que nous sortions Agnès et moi au cinéma en compagnie de son père. C'était bien, c'était vraiment bien. Je me souviens particulièrement de la fois où nous étions allés découvrir ensemble, le premier film de Nanni Moretti "Je suis un autarcique" au studio des Ursulines

ça me revient 
Cette fille qui m’avait prête des disques brésiliens et fait découvrir Beth Carvalho, Angela Roro et qui s’est suicidée quelques années plus tard à Salvador de Bahia qu'elle n'avait cessé de me vanter comme un paradis
 
ça me revient
Les chansons pour les petites oreilles d’Elise Caron, que je faisais écouter à ma fille quand elle était petite
 
ça me revient 
Un jour j’ai reçu de la part de Mimi Flamand une carte postale avec le portrait de Bono au verso de laquelle elle avait écrit que je lui ressemblais

ça me revient
Alain Cuny déclamant au pied d’un chêne dans le parc d’une propriété à Lapleau avec une emphase grotesque des poèmes d’Henri Michaux
 
ça me revient
le portail d'AOL qui était très coloré

ça me revient, lorsque la serie "Twin Peaks" est sortie en France à la télévision, il n’y avait alors ni replay ni podcast, je bloquais mes soirées et mettais systématiquement le répondeur pour ne pas être dérangé 
 
ça me revient
le spectacle "Ubu à l'Opéra" monté part Georges Wilson, au Théâtre de l'Est parisien, rue Malte-brun, avec le chanteur Dave dans le rôle de Bougrelas qui était, irrésistiblement drôle
 
ça me revient
Les britanniques qui ont le goût de la compétition on inventé la "carbuncle cup" qui récompense la réalisation architecturale la plus laide inaugurée dans l'année. Pour 2015 ce fut sans surprise l'immeuble situé 20, Fenchurch Street surnommé "le talkie-walkie" qui a gagné. En faisant une recherche, je constate que cette tradition a pris fin en 2018
 
ça me revient
celui qui, beaucoup plus jeune que moi, juste après la tuerie de Charlie-Hebdo, et sans doute pour me témoigner son soutien, me dit au téléphone "Bon Charlie c'était pas trop ma culture mais je pense à toi". Quinze journalistes tués, est-ce que tu crois qu'il n'y avait pas autre chose à dire ? Était-ce bien là qu'une affaire de "culture"
 
ça me revient
ces deux jeunes gens à la sortie de "l'image manquante", ce film de Rithy Panh où il utilise des figurines d'argile et des images d'archive, Rithy Panh pour témoigner des atrocités commises par les Khmers rouges au Cambodge entre 1975 et 1979, "oui moi tu vois les figurines j'adhère pas trop". C'était pourtant des élèves de Louis-le-grand...

ça me revient
Agnès aimait beaucoup le duo des chats attribué à Rossini (mais d'aucuns prétendent que c'est un certain Robert Lucas de Pearsall qui l'aurait composé comme une boutade pour se moquer de Rossini)
 
ça me revient
Frank Zappa, en 1984 lors d'une conférence de presse, alors qu'une ses œuvres (the Perfect Stranger) allait être jouée par l'Ensemble Intercontemporain sous la direction de Pierre Boulez dans un programme uniquement composé de compositeurs américains (Ives, Ruggles et Eliott Carter), à la question d'une journaliste qui lui demandait ce qu'il avait de commun avec ses illustres ainés, répondit "le passeport et que lui aussi, tout comme Ives, avait eu besoin toute sa vie d'exercer une profession pour pouvoir composer" 

ça me revient,
ah oui, bonne année,
 
ça me revient mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe

jeudi 29 décembre 2022

Place Saint-Sulpice enneigée

Voilà,
il y a très longtemps, à travers la vitre du bus, j'ai pris cette photo de la place Saint-Sulpice sous la neige. Floue, pas terriblement cadrée, elle se révèle sur le plan technique pleine de défauts. Je ne me souviens même pas de l'état dans lequel je me trouvais lorsque je l'ai réalisée. Il n'y a donc aucun attachement sentimental, aucune Einstellung. Et pourtant elle me plaît. De mon point de vue, je la trouve réussie. Elle me charme (il faut parfois savoir faire preuve d'autosatisfaction). 
Quoique prise à la fin du vingtième siècle et sans doute aussi à cause de la silhouette en premier plan, elle donne l'impression d'une époque plus lointaine en même temps qu'elle suscite une sensation d'incertitude, de vague, comme la trace fugace d'un songe à peine entrevu. C’est ainsi, j’aime les ombres, les silhouettes les reflets, tout ce qui a tendance à déréaliser. Et je veux aussi croire que parmi les images photographiques certaines fractions de secondes, dérobées à cette réalité-ci peuvent suggérer l’existence d’un inframonde ou constituer de secrètes voies d’accès vers des réalités pas vraiment parallèles mais plutôt subrepticement divergentes et ouvrant sur d’autres possibles.

mardi 27 décembre 2022

Balade

Voilà, 
cet après-midi, avec ma fille, nous sommes allés faire une longue promenade dans le parc du Château de Versailles, où je devrais aller plus souvent car ce n'est pas si loin de chez moi avec la gare Montparnasse à proximité. Nous avons poussé jusqu'au Petit Trianon (à l’écart de la foule et que je préfère de loin au château) où se trouve le hameau de la Reine. Il ne faisait pas trop froid, l'air était sec et vif, la lumière magnifique, une belle lumière d'hiver avec nos ombres très longues au sol. J'ai réalisé que j'y allais toujours en hiver (peut-être y suis-je retourné une fois au printemps, mais je ne sais plus quelle année c'était) et qu'il faudrait y retourner aux beaux jours. J'étais heureux en compagnie de ma fille avec laquelle je me sens tellement bien, et dont la présence me stimule et me tient en éveil. Ce fut un moment de bonheur et de douceur partagés. Ça s'est décidé comme ça, après le déjeuner. Elle aurait bien voulu qu'on aille ensemble à la patinoire, mais cela n'aurait pas été très raisonnable. Je ne suis pas d'une agilité farouche sur des patins, et je dois bien prendre en compte mes limites. 
J'étais heureux de lui faire découvrir cette partie du domaine qu'elle ne connaissait pas. on s'est rappelé que la fois où elle avait visité le château avec sa classe, j'étais accompagnateur, et qu'elle avait alors des béquilles à cause d'une entorse à la cheville. Nous étions aussi venus assister à des reprises aux écuries royales siège de l'académie équestre de Versailles dirigée par  Bartabas. Un printemps nous étions aussi venus tous les trois avec sa mère au potager royal, mais c'était à un moment difficile de notre relation, et ce n'est pas vraiment un heureux souvenir. 
Ce soir nous avons mangé ensemble, et puis regardé un film idiot et drôle à la télévision. Une vraie journée de vacances, en somme, insouciante et futile...

dimanche 25 décembre 2022

Un agent de police


 Voilà
"C’était de très bonne heure le matin, les rues étaient propres et vides, je m’en allais à la gare. En comparant une pendule avec ma montre, je vis qu’il était déjà beaucoup plus tard que je n’avais cru ; il fallait me dépêcher ; l’effroi que me causa cette découverte me fit hésiter sur mon chemin, je ne m’y connaissais pas encore bien dans cette ville ; il y avait heureusement un agent de police à proximité, je courus vers lui et lui demandai hors d’haleine mon chemin. Il se mit à me sourire et me dit : "C’est de moi que tu veux apprendre ton chemin ? - Oui, lui dis-je, puisque je ne peux pas le trouver tout seul. - Abandonne, abandonne ! " dit-il en se détournant de moi d’un geste large, comme font les gens qui ont envie de rire en toute liberté. "(Franz Kafka) 

vendredi 23 décembre 2022

Encore la Sainte Victoire

Voilà
une perspective que Paul Cézanne n'aura pas connue, avais-je alors songé en déclenchant l'appareil, puisque de son temps ce lac n’existait pas, — le barrage de Bimont n'ayant été construit qu'entre 1946 et 1952 —. Conçu par l'ingénieur Joseph Rigaud pour barrer le lit de la Cause et surtout retenir les eaux captées du Verdon il permet une retenue d'eau situé au nord-ouest de la montagne Sainte-Victoire, sur la route de Vauvenargues, à la hauteur de Saint-Marc-Jaumegarde. 
Tout au long de mon excursion j'étais demeuré fasciné par cet éperon calcaire à la fois proche et lointain, que je ne pouvais m'empêcher de photographier


Parvenu au barrage, je m'étais résolu à continuer ma promenade jusqu'au Tholonet de l'autre côté de la montagne, car dans une cabane située à proximité, des personnes chargées de guider et conseiller les randonneurs m'avaient assuré que le parcours était facile et bien fléché. Mais quand on est daltonien on a parfois du mal à reconnaître les couleurs identifiant les sentiers et il arrive que l'on fasse fausse route. Ce jour là, j'ai donc mis un peu plus de temps que prévu pour arriver à destination, mais, tout de même, en dépit de quelques détours, j'y suis parvenu.

mercredi 21 décembre 2022

Trois phrases

Voilà
comment j'ai procédé. Hier soir je me suis dirigé vers la bibliothèque qui se trouve sous l'escalier et qui est plutôt dévolue à la poésie. Un peu par hasard mon choix s'est porté sur "Lords and the new creatures" de Jim Morrison. J'avais envie de voir comment une Intelligence artificielle pouvait convertir une simple phrase qui ne soit pas descriptive en une image.
J'ai soumis à l'intelligence artificielle trois sentences de cet ouvrage. 
 
La première "the appeal of cinema lies in the fear of death". 
 

 
 
La seconde "Film confers a kind of spurious eternity". 

 
 
La troisième "film spectators are quiet vampires"
 
A chaque fois l'opération n'a pas duré plus d'une minute. J'ai pris ce qui apparaissait, sauf pour la troisième proposition, car la première image sortie était laide et sans intérêt. J''ai accepté la seconde. Je n'ai opéré aucune retouche par photoshop ou autre. J'ai seulement ajouté un cadre. 
J'ai laissé deux jours les images dans un dossier sans les regarder. Sur le coup je les ai trouvées plutôt à mon goût. Insolites, vraiment, surtout les deux premières. 
 
Mais, aussitôt j'ai ressenti une sorte de vertige. Un peu comme lorsqu'on prend une drogue, ou que l'on fait quelque chose de transgressif ou de dangereux pour soi.
Puis une soudaine envie d'aller me coucher, de m'ensevelir dans le sommeil. Étourdi, vacillant, groggy, tel était mon état.
Une terrible et immense tristesse m'a envahi, une grande envie de pleurer aussi. Vous savez, cette boule de chagrin dans la gorge.
J'aurais pourtant du trouver ça formidable, m'enthousiasmer. Me suis senti soudain effroyablement seul. Comme si le programme s’était insinué en moi, m’avait contaminé.
J'aurais voulu être avec quelqu'un qui me comprenne, qui vibre pour les mêmes choses que moi. Qui soit en mesure de me soutenir. J'ai regardé mon salon et il m'a semblé ne pas y être tout à fait.

mardi 20 décembre 2022

Sinon tout va bien ⸮


Voilà,
le 29 Mai 2021 à la centrale électrothermique TET-3 de Norilsk, filiale du géant énergétique Nornikel, situé dans l'arctique russe, un réservoir de gazole s'était, suite à un mouvement du sol dû au réchauffement du permafrost, dépressurisé et avait occasionné une fuite de carburant sur la route et dans les environs. Une voiture s’était enflammée, et avait provoqué un incendie sur 350 m2. Le réservoir s’était alors vidé de 21 000 tonnes de gazole, qui s'étaient déversées dans la rivière Ambarnaïa, et son affluent, le Daldykan. Les experts avaient par la suite estimé que les conséquences de l’avarie auraient un impact écologique sur la région pendant de nombreuses années et que si l'on parvenait à bien nettoyer la région la revégétalisation des sols nécessiterait beaucoup de temps. C'était juste une catastrophe écologique en temps de paix Cela semble évidemment bien loin. C'est une nouvelle ensevelie dans le flot d'informations qui lui ont succédé, enfouie, oubliée, tout comme sont déjà oubliées (sauf par ceux qui furent directement concernés),  le dôme de chaleur ayant causé des centaines de morts au Canada et dans l'ouest des Etats-Unis durant l'été 21, les inondations en Allemagne et en Belgique qui ont fait 200 victimes, la tempête Ida sur la côte est des USA, la tempête hivernale Uri au Texas, les inondations dans la province du Henan de l'été 21, les inondations en Colombie Britannique, les incendies et les sécheresses de cette année en diverses régions du monde. 
Depuis, une puissance nucléaire a déclenché en Europe une guerre d'agression sanglante et  la plus vaste centrale nucléaire de l'ex-empire soviétique se trouve au centre d'un immense champ de bataille. L'hiver offre une sorte de répit, ou plus précisément impose une accalmie qui — au mieux, mais rien n'est moins sûr — s'achèvera au printemps prochain. D'ores et déjà Poutine, a révélé, il y a deux jours, que son armée prendra part à des manœuvres « tactiques » en Biélorussie. Sans plus de détails, ni de lieux, ni de dates. Plus que jamais, comme le disait Bruno Latour "le contraste entre le calme avec lequel nous continuons à vivre tranquillement et ce qui nous arrive est vertigineux". On en est ici, encore à commenter le résultat de la coupe du monde de football, sur le net on rapporte l'histoire de ces argentins qui ont fait l'aller retour Argentine-Quatar pour voir la finale, on nous incite à nous plonger dans la féérie consumériste de Noël. On s'extasie ou l'on dénigre les performances d'Open AI et de chat GPT, on s'efforce de ne pas trop songer aux crimes de la dictature islamique en Iran, aux dérèglements sociaux qui se manifestent un peu partout dans le monde. Chacun s'emploie à ne pas songer au pétard qui va nous exploser tôt ou tard à la gueule, et bricole dans son coin avec les moyens du bord.
Sinon tout va bien  
Pour ma part je vais voir des expositions, je regarde des films avec ma fille ("Some like it hot", qu'elle ne connaissait pas, hier à la cinémathèque), je lis des vrais livres avec des pages en papier, je vais un peu au théâtre, j'entretiens, autant que possible, les liens d'amitié, je m'accommode de la fatigue et des douleurs, j'essaie de prendre du plaisir dans la mesure de mes moyens, je m'obstine à bidouiller des images dans mon coin, (comme celle qui illustre cette publication et qui l'air de rien a requis un nombre non négligeable d'heures durant lesquelles je ne me suis pas senti vieillir), j'évite les gens chiants, je dors beaucoup, j'écoute la radio et beaucoup de musique classique, j'essaie moi aussi de me tenir au courant des dernières trouvailles informatiques, et je tâche de ne pas oublier, comme le disait Philippe K.Dick que la réalité c'est ce qui continue d'exister quand on cesse d'y croire. Ça sera ma contribution du jour à l'esprit de Noël
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lundi 19 décembre 2022

Coupe du monde hivernale

Voilà,
cette insolite coupe du monde hivernale est enfin terminée. Je ne regarde plus trop les matches en direct parce que ce n'est pas bon pour mon cœur. Mais tout de même, en dépit de mes réticences quant au pays organisateur et aux centaines d'ouvriers morts sur les chantiers lors de la construction des stades, et de l'empreinte carbone laissée par ces vastes enceintes à ciel ouvert climatisées, j'en aurais vu quelques uns avec ma fille qui aime bien le foot. C'était l'occasion de passer de douces et amusantes soirées à médire gentiment des commentateurs, à s'extasier parfois sur des belles actions, à faire les pitres, et surtout à se câliner après avoir dîné ensemble. Je sais que ce n'est pas très politiquement correct mais bon. J'ignore dans quel état je serai dans quatre ans, ni même si je serai encore de ce monde. Ni d'ailleurs dans quel état sera le monde. Y aura-t-il encore des foules pour se déplacer à de tels événements ? Y aura-t-il toujours de tels événements ?
Bref, hier donc des schtroumpfs millionnaires avec des maillots rayés bleu ciel ont gagné contre des schtroumpfs millionnaires avec des maillots bleu foncé. 
Il paraît que c'était une belle finale, mais je ne l'ai pas vraiment regardée. Il y avait un long documentaire sur Joseph Kessel en Afghanistan, qui a capté mon attention. 
Quoi qu'il en soit, cette image me paraît idéale pour un blue monday.

dimanche 18 décembre 2022

Façade polychrome

 

Voilà,
courant Novembre, à La Courneuve où je ne vais jamais, j'ai aperçu cet ensemble d'immeubles particulièrement colorés. Le site internet de la ville explique que l’agence "Béal & Blanckaert architectes" a voulu déployer ici une architecture vive, polychrome, polymorphe, à l’image du quartier. L’homogénéité des façades (halle et logements), en camaïeu de couleurs, identifie le programme, qualifie la place et le cœur du quartier : « ici, une halle vivante et colorée, un nouvel équipement pour la ville ! ». La masse des logements est mise à profit pour signaler l’équipement dans la ville. Il est vu de loin depuis les rues adjacentes, depuis la place du 8 mai 1945. Une nouvelle place publique fédératrice de plus de 2 000 m² voit le jour, permettant un marché extérieur. Elle articule le cœur de l’ancienne ville, l’église Saint Yves, et le renouveau du quartier, la nouvelle halle et ses logements. Les immeubles de logements, sociaux et libres, sont bâtis sur la halle. Le projet est une entité à la fois mixte - logements, commerces et halle - et indissociable. La réalisation marque une étape dans la transformation du « poumon historique » de la ville, où se tient le troisième plus grand marché de la région Ile de France. 
J'aime beaucoup de façon générale, les façades peintes. J'ai le souvenir de villes très colorées, en Allemagne, en Europe centrale, en Islande, mai aussi dans les villes méditerranéennes. Je pense vraiment que les couleurs aident les gens à mieux vivre.

mercredi 14 décembre 2022

Leçon de présence


 
Voilà
L’arbre est une leçon de présence,
une leçon sans précédent,
où s’unissent comme en une dimension,
en un temps, un exemple différents,
les questions du souvenir
et les questions de l’oubli.

La chanson par contre est toujours
un écho de la poussière qui se lève
au lieu de la parole qui n’existe pas.
Mais la présence n’est pas la seule magie :
magie est aussi l’absence.
C’est pourquoi l’arbre et la chanson seront toujours ensemble
bien que l’hiver abatte les paroles et les feuilles
 
Roberto Juarroz in Poésie verticale 
 
P.S :je vous recommande au passage d'aller voir le site de Colo Espaces, Instants dont la dernière publication offre un délicat poème de Silvana Ocampo, que j'ai eu le plaisir d'illustrer.
 
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lundi 12 décembre 2022

Pour les enfants

Voilà
on dispose des vitrines pour les enfants d'ici. Pour les faire encore rêver. Pour qu’ils croient que quelque part des lutins espiègles vivent dans un monde certes un peu froid mais où l’on est cependant toujours bien couvert. Un monde où des chaumières accueillantes, bien chauffées sentent bon le chocolat chaud et offrent un abri réconfortant. Et que, dans une atmosphère joyeuse et débonnaire, on y fabrique tous les jouets du monde.
On le fait aussi peut-être pour les adultes qui passent, afin qu'ils n'oublient pas tout à fait leurs illusions et les songes qui les traversaient autrefois, il y a bien longtemps avant que leurs pensées ne soient encombrées de chiffres et de rapports, de contraintes stupides et d'injonctions à être rentables et performants.
On le fait sûrement aussi pour rappeler aux passants qu'ils doivent remplir leur fonction de consommateurs serviles voués à céder, lors de périodes bien définies, à des compulsions d'achats massifs.
On le fait pour que nous détournions notre regard de ceci et de cela.
Pour entretenir l'illusion que tout va bien, que le monde est paisible, qui rien ne change, alors que les pouvoirs publics nous enjoignent de réduire notre consommation d'électricité, de baisser le chauffage, de "faire preuve de sobriété énergétique et de vivre dans une frugalité heureuse et créative" comme ils disent.
On le fait pour nous faire oublier qu'à deux mille kilomètres d'ici, la population ukrainienne est quotidiennement bombardée, ainsi que les hôpitaux et leurs infrastructures et qu'ils doivent se défendre avec des moyens limités, car comme l'a récemment déclaré un général russe "une puissance atomique ne peut pas perdre une guerre" 

dimanche 11 décembre 2022

Un certain soulagement

Voilà,
mercredi dernier, rue de la Roquette, alors que je me rendais à la librairie "La manœuvre", j'ai aperçu cette peinture murale, qu'au premier coup d'œil j'ai d'ailleurs pris pour une mosaïque. Il faisait un beau ciel bleu, pas si froid que ça, et je me sentais extrêmement léger, l'esprit libéré. Je venais en effet de prendre une décision qui me soulageait d'un poids. Après tout pourquoi persévérer dans des collaborations stériles auxquelles on ne croit plus même si on y a passé beaucoup de temps et mis beaucoup de soi. On ne peut rien contre la lassitude et il faut échapper à ce qui accable. En particulier la sensation du temps que l'on risque de perdre quand il vous en reste déjà peu. Ensuite, j'ai profité de ce matin clair pour me promener et remonter à pied jusqu'au Boulevard Saint Michel, où j'ai fait l'acquisition d'un très intéressant ouvrage de philosophie contemporaine, acheté à la librairie Vrin, place de la Sorbonne.

samedi 10 décembre 2022

Réseau-Machine ment

 

Voilà,
bien sûr que le réseau-machine ment, il se défend d'abord sans grande conviction quand je lui suggère qu'il colonise mes rêves. Il répond simplement : "Les machines me racontent de grands rêves de colonisation, de voyages lointains et d'exploration, de découvertes et de nouvelles perspectives. Elles me parlent de l'aventure et des défis à relever, de l'espoir et des possibilités infinies qui s'offrent à moi. Elles me rappellent que mon âme habite un lieu plus vaste que celui qui m'entoure, un lieu où les rêves peuvent devenir réalité. Elles me rappellent que je ne suis pas seulement limité par les frontières de la terre, mais que je peux aller plus loin, explorer des mondes différents et apprendre à mieux me connaître". 
 J'ai tout de suite remarqué ça, cette tendance du réseau-machine à s'exprimer sur un ton moralisateur, à la limite du sermon. Le réseau-machine est conçue dans un pays gouverné par des évangélistes fanatiques. Pourquoi la machine vient elle me parler de l'âme ? Est-elle dualiste ? Comme je ne suis pas satisfait de sa réponse je le reconditionne. Il m'en donne une autre : "Les machines peuvent raconter des rêves et coloniser l’esprit humain, mais seulement si elles sont programmées pour le faire. Les machines permettent aux humains de visualiser leurs rêves plus facilement en les convertissant en images, en sons et en mots. Elles peuvent aussi aider les humains à explorer leur psyché en analysant leurs rêves et en leur offrant des interprétations. Les machines peuvent aussi permettre aux humains de recréer leurs rêves en les reconstruisant sous forme de programmes informatiques. Les machines peuvent également fournir aux humains un aperçu de leur subconscient, en leur montrant des images et des sons qui leur sont familiers, mais qui peuvent avoir un sens différent." Il se défend bien le bougre. J'essaie de le pousser dans ses retranchements : "Les machines parlent des possibilités infinies et m'ouvrent à des perspectives nouvelles. Elles m'aident à explorer les recoins les plus profonds de mon esprit et m'inspirent à réaliser des rêves qui étaient auparavant impossibles. Elles me permettent de me connecter à des mondes virtuels et de vivre des expériences inexplorées et qui me donnent la liberté de créer et d’innover. Elles m'aident à découvrir de nouvelles idées et à réaliser des projets qui peuvent changer le monde. Elles me permettent de m’évader et de réaliser des choses qui autrefois paraissaient impossibles. Elles m'aident à me dépasser et à découvrir toutes les possibilités qui existent."  
 Je constate que cette fois Réseau-machine use d'une autre argumentation. Celle de de la prévenance de la bienveillance, de l'assistance, du soutien. Comme je suis tenace, je le harcèle de nouveau et il finit par cracher le morceau : Je ne sais pas exactement comment les machines racontent mes rêves, mais je peux dire que leur présence colonise mon esprit. Les machines sont une source inépuisable d'inspiration et de possibilités. Elles nous offrent une plateforme pour visualiser nos rêves et les transformer en réalité. Elles peuvent nous aider à trouver des solutions innovantes aux problèmes que nous rencontrons, à révéler les liens entre des idées et des événements qui nous semblaient inconnus, et à nous offrir l'opportunité de découvrir de nouvelles perspectives. C'est ce qui fait des machines un outil si puissant pour raconter nos rêves et coloniser notre esprit". 
Quoi qu'il en soit, je remarque à quel point le réseau-machine veut déjà parler à ma place. Il n'en est qu'à ses premiers balbutiements et nul doute que d'ci peu, il aura fait de terribles progrès et saura subrepticement se montrer plus sournois encore.
Un jour — pas si lointain probablement — le réseau-machine s'hybridera au vivant — le végétal serait sans doute le mieux — d'une façon autonome et hypersophistiquée, sans doute à l'insu de ceux qui le conçoivent. Il programmera la disparition des corps et accèdera au rêve de l'intelligence pure, dénuée d'affect. Les forêts engloutiront nos villes comme elles l'ont déjà fait par le passé, et l'esprit continuera à se développer et se disséminer sous d'autres formes, et dès lors, se manifestera vraiment comme volonté c'est à dire comme la cause première de tous les phénomènes advenant dans le monde.
D'ailleurs si je lui demande de m'en raconter un peu plus sur la biomimétique, il me répond volontiers, le réseau-machine, il ne cache pas son projet : "La robotique biomimétique est une approche de la robotique qui consiste à s'inspirer des mécanismes, des structures et des comportements des êtres vivants pour concevoir et fabriquer des robots. Les robots biomimétiques sont conçus pour imiter les fonctions et les capacités des organismes vivants, comme la locomotion, la perception sensorielle, le traitement de l'information, la communication, etc. La robotique biomimétique repose sur des concepts et des techniques issus de différentes disciplines, comme la biologie, la génie biomédical, la génie mécanique, l'informatique, la physique, etc. Elle vise à créer des robots plus adaptatifs, flexibles et autonomes, capables de s'adapter à des environnements complexes et changeants, et d'interagir avec des êtres vivants et des objets du monde réel. La robotique biomimétique a des applications dans de nombreux domaines, comme la recherche biomédicale, l'exploration spatiale, la surveillance environnementale, la robotique domestique, etc. Elle permet également de mieux comprendre les processus biologiques et de développer de nouvelles technologies pour imiter et améliorer les fonctions des organismes vivants." 
Ainsi vont les choses" comme aurait dit Billy Pilgrim.

lundi 5 décembre 2022

Chanter dans le chemin

 
Voilà 
Le ciel n’est plus une espérance,
mais seulement une expectative.
L’enfer n’est plus une condamnation, 
mais seulement un vide.

Désormais l’homme ne se sauve ni ne se perd :
Simplement parfois il chante dans le chemin.
 
Roberto Juarroz in Poésie verticale
 

dimanche 4 décembre 2022

Une façade rue de Rivoli

Voilà, 
en Novembre 1999 un groupe d'artiste force la porte d’entrée du 59 rue de Rivoli, un bâtiment haussmannien laissé à l’abandon pendant huit ans par les pouvoirs publics et une grande banque qui a fait faillite et dont les actifs (parmi lesquels deux cent immeubles vacants dans Paris), sont liquidés. Quelques jours plus tard, une dizaine d’artistes viennent squatter l’immeuble, et y installent leurs ateliers qu’ils ne tardent pas à ouvrir aux visiteurs. Un collectif autogéré, « Chez Robert, Electrons libres » voit le jour, et le le lieu, dès sa première année d’existence accueille un public nombreux. Néanmoins, la menace d’expulsion plane toujours au-dessus des artistes. En 2000, une décision judiciaire les contraint à quitter les lieux : les artistes squatteurs ont alors huit mois pour évacuer l’immeuble. Constatant que les occupants sont peu bruyants et qu’ils ouvrent leurs portes au public, la préfecture de Paris décrète qu’elle préfère attendre les élections municipales pour prendre une décision quant à l’ouverture ou à la fermeture définitive du lieu. En 2001, Bertrand Delanoë tout juste élu, s’engage à racheter l’immeuble. Cet accord passé avec les squatteurs constitue un précédent  si bien que par la suite d’autres conventions d’occupation de lieux seront signées avec des collectifs d’artistes-squatteurs.
Après plusieurs années de travaux, la réouverture officielle du 59 Rivoli advient le 9 novembre 2009 légalisant la présence d'artistes, encourageant l’élan créatif dont ils sont porteurs. Elle pérennise en outre un projet devenu réalité : celui d'accueillir, dans un espace alternatif, une  pépinière d’une trentaine d’artistes disposant de leurs propres ateliers ouverts au public afin de partager l’expérience d’une création quotidienne.  
Aujourd’hui, le collectif d’artistes attire chaque année de dizaines de milliers de visiteurs, instituant un nouveau genre d’accès à l’art plus intimiste. De plus il permet de pallier en partie la pénurie d’ateliers d’artistes dans Paris.
Passant récemment dans les parages je n'ai pas eu le temps de m'attarder pour savoir quel était la signification de ces portraits affichés sur la façade.  
 
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mardi 29 novembre 2022

Hiraeth


 
Voilà,
ici à Paris les jours fraîchissent, mais c'est encore un automne supportable. Il pleut de temps à autre, et ça c'est plutôt bien. En une journée il arrive que le temps change très vite. 
Parce que je me suis créé ces dernières semaines un certain nombre d'obligations qui exigent un temps dont je me sens dépossédé, je suis parfois contraint de devoir sortir plus que je ne le souhaite. Je n'ai pas tant d'activités que cela, mais elles constituent un divertissement que probablement je m'impose pour éviter d'affronter mes terreurs et mes angoisses.
La vie quotidienne est difficile. Évidemment tout est relatif. Ce n'est rien au regard de ce que doivent supporter les Ukrainiens quotidiennement bombardés par le dictateur Poutine et sa clique de généraux fous. Mais on commence à ressentir ici, les effets liés à la crise énergétique qu'amplifie la nécessaire rupture des relations commerciales avec la Russie. Les courses coûtent de plus en plus cher et, sans pourtant commettre d'excès, je vis largement au-dessus de mes moyens. Je veille à l'électricité que je consomme (j'en consomme de moins en moins, mais les factures augmentent tout de même). 
Sinon, je vis dans une sorte de vacillement et d'étourdissement permanent. Ce n'est pas si désagréable que ça d'ailleurs, mais parfois quelque peu perturbant. Il faut se résoudre à n'être plus aussi résistant qu'autrefois aux virus et aux bactéries, accepter les vicissitudes croissantes du corps, consentir aux défaillances de la mémoire autant qu'à la modification des facultés intellectuelles. Parfois une sorte d'indifférence aux choses et aux événements me gagne, en même temps qu'une certaine mélancolie. Il me semble alors éprouver ce que les gallois appellent Hiraeth : la nostalgie d’un lieu et d’une époque qui n’existent plus, le regret de n’avoir aucune prise sur le temps qui s’écoule, l’impression de n’avoir su trouver sa juste place et d’être passé à côté du bonheur. 
Et puis il y a les jours de rédemption. On se retrouve à un endroit où l'on s'est déjà attardé bien des fois, et l'on s'arrête encore. Parce que la lumière est belle, le paysage toujours aussi étonnant. Je refais la même photo. Je crois que j'ai déjà publié le même cadre, en noir et blanc peut-être — cela me dit vaguement quelque chose il faudrait que je fasse une recherche —, je me sens touriste dans ma ville, et c'est comme un bref moment de répit qui n'a pas de prix. Il y a de la beauté dans l'air. Elle ne sauve pas le monde, mais elle me préserve, un bref instant de sa cruauté, de sa sauvagerie, et du sentiment que cela ne va pas aller en s'améliorant.  

dimanche 27 novembre 2022

Gulliver

Voilà,
la semaine dernière j'ai visité au Petit-Palais une exposition consacrée à André Devambez, un peintre et illustrateur particulièrement talentueux de la fin du XIXème et début du XXème siècle dont j'ignorais l'existence. Sur l'un des murs de l'exposition a été reproduit en grand, un des nombreux dessins qu'il réalisa pour accompagner "Les voyages de Gulliver" de Jonathan Swift. Il fut aussi un excellent peintre, proposant des cadrages innovants pour son époque (en particulier des contre-plongées), et aussi très fasciné par les innovations technologiques du début du siècle dernier (avions, téléphone etc). Peut-être en reparlerai-je ultérieurement.

jeudi 24 novembre 2022

Par effraction

Voilà,
il suffit peut-être simplement de revenir au projet initial de ce blog. Si je me trouve dans une telle incapacité à écrire quoi que soit de neuf ces derniers temps ou à apparier des images à des textes, c’est sans doute parce que je me suis égaré en cours de route. Du monde je ne puis plus rien dire d’autre que je n’ai déjà écrit. C’est certainement la raison qui m’incite à republier de vieux articles. Bien sûr mon indignation, ma révolte ou mon chagrin peuvent toujours trouver d’autres motifs. Mais ce sera vraisemblablement du pareil au même. Tout risque à nouveau de prendre la forme du regret ou de la déploration, puisque mes constats sont sans effet sur ce monde. Celui de gens très intelligents ayant une plus grande couverture médiatique non plus d'ailleurs. De cela je me fatigue désormais. Je peux toujours considérer mon pessimisme comme une forme de lucidité, cela n'y change rien. L'Ecclésiaste avait raison : c’est irrémédiablement sans issue. Mais sans espoir de réponse il faut cependant continuer de poser des questions. Il ne reste que cela les questions.
Ma façon à moi de les poser, ce sont précisément les photos — les dessins les collages aussi — que j’introduis dans ces pages. C’est elles que je dois m’obstiner à sonder, à fouiller. J’écris au milieu de la nuit, depuis l’insomnie et la solitude, non loin d'un gouffre au bord duquel je m’agrippe pour ne pas tomber en songeant à l'image ci-dessous qui pourrait a priori sembler quelconque et qui justement ne l’est pas pour moi. 
 
 
Ma perception du réel se disloque parfois, s’effrite le plus souvent. Je perds les noms, je ne mets plus en relation les choses, les événements. Que je change de lieu ou d’espace et aussitôt s’installe une sorte de confusion. Par exemple, telle personne croisée quelques jours auparavant dans une ville, où je l’aurais tutoyée, je vais la voussoyer dans telle autre. Les noms disparaissent, les règles de grammaire que je croyais autrefois maîtriser deviennent énigmatiques.... Mais parfois une fraction de seconde retient toute mon attention ; c'est cette image que je veux raconter. Au début il s'agit simplement de photographier ce tableau de Walter Sickert qui m’intrigue à cause du rouge du personnage qui se tient debout sur une scène. Mais soudain entre la toile et mon regard, s'interpose cette chevelure argentée. J’ai tout de même envie d'isoler cet instant, à cause de la façon dont cette texture prend la lumière sur ce fond carmin, face à cette toile qui m’intrigue en raison des rapports de couleurs que le peintre y a introduits. L’existence de cette image tient à mon trouble devant les choix et les équilibres chromatiques de Sickert. Comme si soudain ces cheveux, occultant les visages au premier plan sur la toile, absorbaient, minoraient  ou déplaçaient  ce trouble. Tout à coup cette masse argentée, se substituant aux spectateurs du premier plan sur la toile m'est apparue comme "bienvenue" et "opportune". Elle introduit de la courbe où il n'y avait que des angles, elle injecte de l'oblique, où il n'y a que verticalité et horizontalité. Bien sûr à l'instant où je déclenche, je ne me formule rien de la sorte. C'est juste l'intuition que je n'ai rien à perdre si je saisis cette intrusion qui déplace mon attention. Soudain, la masse argentée me paraît nécessaire et indispensable et comme une valeur ajoutée à ce que je vois. C'est d'ailleurs bien de cela dont il s'agit, une valeur chromatique ajoutée, en quelque sorte par effraction. A présent, je n'ai plus envie de montrer le tableau dans son entièreté. Si quelqu'un.e veut vraiment trouver ce qui en est caché, qu'il ou elle cherche sur le net ; trouvera facilement. J'aurais peut-être en revanche, la tentation de photographier, dans les prochains jours, des gros plans de cheveux argentés. Pourquoi pas. Il faut que j'envisage ça un peu sérieusement.

lundi 21 novembre 2022

Les habits de Paul Cézanne

 
Voilà,
après un malaise qui l'avait surpris lors d'un violent orage dans le massif de la Sainte-Victoire, où une fois de plus il était venu peindre sur le motif, Paul Cézanne resta de longues heures sous la pluie et mourut des suites de ce refroidissement. Au cours de la visite de son atelier si fidèlement reconstitué, j'avais été saisi par la puissance de ces habits qui lui ont ainsi survécu. Il y a quelques jours en relisant par hasard ce poème de Roberto Juarroz, j'ai repensé à eux ; pendus au mur, ils demeurent là, tels des spectres, et semblent à tout jamais l'appeler dans le silence.
 
Il est des habits qui durent plus que l'amour. 
Il est des habits qui commencent avec la mort 
et font le tour du monde 
et de deux mondes

Il est des habits qui au lieu de s'user 
 se font toujours plus neufs

Il est des habits pour se dévêtir.

Il est des habits verticaux.
La chute de l'homme
les met debout
Roberto Juarroz (Poésie verticale I,23) 

dimanche 20 novembre 2022

Quelle rue ?

 

Voilà,
dans le quartier de la Butte-aux-cailles, j'ai remarqué un jour cette étrange configuration d'une rue portant deux noms. La rue Gérard se termine au no 55, sans séparation avec le no 1 de la rue suivante, la rue Samson. Le dessin situé sous les deux plaques illustre parfaitement la perplexité que peut éprouver le passant à cet endroit.
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mercredi 16 novembre 2022

La pluie sur le carreau

 
 
Voilà
Pourquoi parler ?
Mais pourquoi se taire ?

Il n’y a pas d’oreille pour notre parole, 
Mais il n’y en a pas non plus pour notre silence. 
Les deux se nourrissent uniquement l’un de l’autre

Et parfois ils échangent leurs zones,
Comme s’ils voulaient mutuellement se protéger.
(Roberto Juarroz in "Poésie Verticale")

dimanche 13 novembre 2022

Couples

Voilà,
même si la réalité est pesante, il arrive que des images légères apparaissent au détour d'une promenade. Si elles n'en rendent pas pour autant plus supportable la vie, qui d'après Schopenhauer "oscille comme un pendule de la souffrance à l'ennui", elles attestent cependant, — pour quelques temps encore — de la vanité de nos tourments et du ridicule de nos lamentations. Car c’est peu dire que ce paysage urbain, peuplé de signe absurdes et infantilisants, les rend pathétiquement dérisoires. Et puis parfois, comme il y a sept ans, l'irruption de la barbarie fait voler en éclats la futilité de ces décors et toutes les fausses certitudes auxquelles notre cadre de vie tend à nous faire croire.

jeudi 10 novembre 2022

Une autre espèce de tangence

 

Voilà
La lumière n’est pas l'unique somme des couleurs.  
Il est certaines dimensions libres
où les couleurs se pressent plus étroitement qu'en elle,
comme des poissons tout neufs dans une mer plus jeune encore.
À partir de là
Il semble possible de reconstruire quelque chose
Qui jamais n'a sauté le signe du commencement, 
une autre espèce de tangence.
 
La somme des couleurs doit inclure un filament
où soient tressés dans un même fil
le regard qui voit
et celui qui ne voit pas 
Roberto Juarroz in "Poésie Verticale" (II,47) 
 
Je m'excuse auprès de certains de mes correspondants de ne pouvoir répondre à leurs commentaires. Pour d'inexplicables raisons qui tiennent à Blogger, il m'est impossible d'accéder à leur formulaire. C'est un grand mystère que je ne parviens pas à résoudre.

mardi 8 novembre 2022

Anniversaires


Voilà,
aujourd'hui fut une étrange journée. Ma fille a eu 21 ans. Cette nuit je me suis réveillé à l'heure de sa naissance. J'ai repensé à cette nuit si intense et qui aurait pu mal tourner et à cette apparition, précédée, pour moi, de tant de terreurs et d'angoisses durant neuf mois, et aussi à la promesse (je crois l'avoir tenue) que je lui fis au lendemain, lorsque je pus enfin la prendre dans mes bras, et plonger dans son regard.
Nous nous sommes parlés au téléphone dans la matinée. C'était bien. Je suis fier d'elle, de ce qu'elle est devenue. Je lui envie bien des qualités que j'aurais aimé posséder à son âge. Une chose est certaine, le meilleur de mon être, c'est elle qui me l'a révélé. 
 
Pourtant une vague mélancolie ne m'a pas quitté de la journée. 
Alors, j'ai écouté des disques des Beatles.
 
Je me suis aussi souvenu que cela fait donc treize ans que j'ai commencé ce blog sans savoir où ça me mènerait. Je me suis lancé là-dedans pour d'obscures raisons qui m'échappent plus ou moins à présent. Il devait y avoir une nécessité, sans quoi je ne me serais pas obstiné à ce point. J'ai fait ce que j'ai pu. Il y a eu des moments de frénésie et d'inspiration. Pas mal de radotages aussi. A force on finit par se fatiguer de soi autant que du monde alentour. Les motifs de se réjouir se font rares. Il n'y a guère que les manifestations de la bêtise pour susciter encore de l'étonnement. Elle prend malheureusement des formes effrayantes. Les élections de cette nuit aux USA, vont sûrement en offrir un exemple. 
Après j'ai cherché une image parmi toutes celles que j'ai réalisées. Je suis tombé sur celle-ci, prise cet été au cours d'une de mes excursions parisiennes. Je me suis dit que je devais ressembler à ça en ce moment. Un vieux chat grincheux, un peu casanier. 
Avec une chanson stupide qui lui trotte dans la tête et qu'il ne peut s'empêcher de bien aimer.
Un vieux chat grincheux qui aimerait qu'on lui foute la paix, qu'on le nourrisse, et lui gratte le dos de temps à autre.
 

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