samedi 31 décembre 2011

A propos d'une photo de William Klein


Voilà
cette photo de William Klein prise en 1957 à Rome au pied de l'aqueduc de la via del Mandrione et de la via Porte Furba évoque ces scènes de genre que l'on trouve chez certains artistes du XVIIème et XVIIIème siècle lorsque les ruines deviennent un motif à la mode. On appelait "bambochades" ces représentations de la vie quotidienne avec des personnages du petit peuple se livrant à leurs activités dans un tel décor. Ce qui me touche c'est, malgré le poteau télégraphique, l'aspect ancien de l'image, souligné par le cheval et la porteuse d'eau... Il en existe une autre du même genre dans l'exposition : des enfants y jouent au foot près des ruines d'un palais de l'antiquité romaine. Ce que je vois, c'est moins la désolation de gens vivant parmi les vestiges que l'indifférence suggérée à ce qui reste d'une civilisation qui fut autrefois grandiose, indifférence nécessaire d'ailleurs pour survivre. Les tableaux eux, se présentaient en quelque sorte comme des "vanités monumentales", sortant du cadre de l'intime l'individu, le renvoyant cependant à sa finitude puisqu'il était condamné à se réduire en poussière plus vite que ces bâtiments. Ils rappelaient que les civilisations elles aussi sont mortelles, ou peut-être plus précisément qu'une civilisation païenne ne peut éternellement durer.

Ci-dessous une tableau de Pierre Patel (1604-1676), un de Giovanni Paolo Pannini (1691-1765), un autre de Marco Ricci (1676-1730), et enfin un dernier de Hubert Robert (1733-1808) le grand peintre des ruines.





Au moins y-a-t-il quelque chose de grandiose dans ces restes de Temples, d'Arènes, et d'ouvrages d'art. Du temple de l'argent que furent les Twin Towers et le WTC, il ne reste rien. Et du rêve prométhéen de l'humanité du XX ème siècle ceci : cette photo de David Guttenfelder de l'enceinte du Réacteur 4 de le Centrale de Fukushima, désormais une zone d'exclusion. Rien de bien spectaculaire somme toute, au regard du ravage qui s'y rapporte.


jeudi 29 décembre 2011

Un hasard providentiel



Voilà
peut-être parlait il trop fort dans la cafetaria presque déserte du musée. La femme qui lui faisait face tenait absolument à ce qu'il raconte ce qu'il était devenu durant de ces quatre années qu'elle avait passées comme journaliste dans les émirats du golfe, car disait elle "tu m'as trop fait causer, c'est ton tour maintenant". Il lui semblait pourtant qu'elle n'avait pas dit grand chose. Donc il s'essayait à donner un peu de relief à ce qui n'en avait guère, (le temps de sa splendeur était passé) sans pouvoir s'empêcher de jeter des coups d'œil furtifs vers cette jeune femme qui, attablée non loin en compagnie de son ami, semblait guetter son regard. A moins que ce ne fut qu'une impression ; ce visage qui lui semblait familier, peut-être ne l'était-il qu'à cause de sa  ressemblance avec celui d'une femme aimée et perdue dont le souvenir continuait de le hanter. Toutefois lorsqu'elle lui demanda s'il était bien Constantin Gouget il sentit une sorte de panique l'envahir. Il s'approcha donc de sa table pour la saluer ainsi que son compagnon. Elle eut, devinant son embarras, la délicatesse de décliner son identité, et de préciser les circonstances professionnelles qui les avaient réunis, une dizaine d'années auparavant, et aussi le poste qu'elle avait alors occupé. Il se souvenait parfaitement d'elle à présent, sans toutefois parvenir à se remémorer le nom de cette collaboratrice discrète et efficace qui l'avait à l'époque beaucoup impressionné et pour laquelle il avait éprouvé attirance et sympathie sans pour autant lui en faire part. Aussitôt, il évoqua deux ou trois choses qu'elle avait, au cours d'un repas, racontées au sujet de son enfance, ainsi qu'à propos d'un voyage qu'elle avait entrepris en curragh, ces vieux bateaux gaeliques, entre Ecosse et Irlande, histoire de lui signifier, qu'en dépit des apparences il ne l'avait pas vraiment oubliée. S'ensuivit une brève conversation ou chacun donna des nouvelles de soi mais aussi de ceux, parmi leurs collègues de l'époque avec qui ils étaient restés en relation. Ce n'étaient pas les mêmes. Son débit à lui était un peu précipité, car il essayait de donner le maximum d'informations dans un minimum de temps. Il lui faudrait retrouver celle qu'il avait délaissée à l'autre table et qui en profitait pour passer quelques SMS. A ce moment là, il aurait voulu rester avec ce couple, elle qu'il retrouvait et lui qu'il découvrait et semblait très sympathique. Plus tard dans la soirée, de nouveau seul, diverses questions l'assaillirent au sujet des cette ressemblance qu'il venait rétrospectivement de découvrir et qui suscitait en lui un trouble indéfinissable.

mercredi 28 décembre 2011

Deux ans déjà



Voilà
... je cherchais alors dans cette étrange agglomération - tentative d'un futur rêvé qui jamais n'a eu lieu - les quelques rares traces subsistant de la ville anéantie. Où que j'aille j'en ressentais la présence fantôme. Ainsi avait-on voulu reconstruire une cité nouvelle et moderne sur les décombres de l'ancienne. Les quelques rares bâtiments non historiques qui avaient survécu à la guerre, et à la crise économique n'allaient pas tarder non plus à céder sous les pelleteuses des entreprises de démolition. M'éloignant du rivage, j'essayais de retrouver le Bouville de Roquentin, et comme lui à ce moment j'aurais pu dire "ma pensée c’est moi : voilà pourquoi je ne peux pas m’arrêter. J’existe parce que je pense…et je ne peux pas m’empêcher de penser". Quand même, 120 ha rasés, 12 500 maisons détruites, et 5000 morts m'avait on dit, ce n'était pas rien. Etait-il lié à cela le malaise lancinant que je ne cessais d'éprouver, ou bien à ce tournant que ma vie s'apprêtait à prendre contre mon gré ? Parfois il me semblait que des âmes en déshérence me frôlaient. Quelque chose en moi aussi était à l'agonie sans que je ne fus pour autant capable de m'y résoudre. Un vent froid et humide balayait les rues les rendant plus sinistres encore...
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lundi 26 décembre 2011

L'Apaisement


Voilà
Cette douleur il l'avait accueillie comme un hôte généreux aurait hébergé un lointain parent. D'ailleurs ne s'était-elle pas montrée discrète au tout début ? Il ne l'avait d'abord crue que de passage, mais peu à peu elle s'était révélée d'une familiarité préoccupante et pour finir s'était installée sans qu'il ne s'en rendît vraiment compte. Pendant quelques temps, elle avait déchiré la plupart de ses heures, accaparant tout, entravant sa capacité de mouvement, de pensée. Tout cela paraissait si lointain désormais. La morphine heureusement et l'écoute de Bach, Vivaldi, Mozart, Schumann, Britten, mais aussi Fauré et Debussy l'apaisaient à présent, offrant à son esprit l'opportunité non seulement de vagabonder mais aussi de constater que somme toute, ce n'était pas grand chose ce qui lui arrivait. La perspective de retourner au néant ne l'effrayait plus comme autrefois. Il s'en accommodait comme d'une chose nécessaire et salutaire, et tant pis s'il n'avait pas fait grand chose de sa vie. Guy-Pierre Mauzac remerciait la providence de lui permettre de se préparer, dans de relativement bonnes conditions, eu égard aux circonstances, à sa fin qu'il savait désormais proche. Et, qui sait, songeait-il parfois, si la mort ne s'ouvrirait pas à lui comme le ferait une douce et bienveillante amante.

vendredi 23 décembre 2011

Homeless in NYC

 
Voilà
La pluie de New York est une pluie d'exil. Abondante, visqueuse et compacte, elle coule inlassablement entre les hauts cubes de ciment, sur les avenues soudain assombries comme des fonds de puits. (...) Dans la brume grise, les gratte-ciels devenus blanchâtres se dressent comme les gigantesque sépulcres d'une ville de morts (...) ce sont alors les heures de l'abandon... (Albert Camus "Pluies de New York" in "Essais"). La lecture de ce passage me ramène à cette photo. C'était un triste mois de février, je déambulais dans les rues mon appareil photo et mon chagrin en bandoulière. Refaisant seul des itinéraires que j’avais empruntés deux ans auparavant alors accompagné, j'errais de musées en galeries avec en tête « Wild is the wind » dans la version de Nina Simone que j'écoutais souvent chez Pierre et Annie qui m’avaient hébergé. En repensant à cette époque où j’étais si malheureux je ne ressens plus rien. Je me souviens juste encore avec incrédulité d’une certaine nuit dans un appartement étroit et encombré, et d'un comportement aussi étrange qu'inattendu dont j'avais alors été le témoin.
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lundi 19 décembre 2011

Bric-à-brac

Rue des Orteaux, Paris 2011

Voilà
le mystère des choses se réduit ici au disparate mais poétique agencement des objets usés, anciens, qui par leur présence et leur état de conservation témoignent d'un monde aboli. Ils sont la survivance des rêves des fantaisies et des futilités de ceux qui nous ont engendrés. En ce lieu où le temps semble s'être arrêté, s'abîmer dans la contemplation muette de ce qui autrefois agrémentait le quotidien, se réfugier dans le bric-à-brac des résidus d'existence réconforte et rassure celui qui de plus en plus souvent s'interroge sur la nécessité de s'attarder en ce monde. Choses naguère tenues, passées de mains en mains, attendant là, désormais, d'être reprises.'Linked with signs2

mercredi 14 décembre 2011

Sur le point de dire au revoir

Voilà
soudain comme ça, alors que nous sommes sur le point de nous dire au revoir, lui que je connais à peine me confie que jamais il ne s'est senti aussi bien, et qu'à soixante-quatorze ans il trouve la vie légère, même s'il ne touche qu'une maigre retraite. Mais comme, il a monté une petite affaire, il donne des cours de dessin et que ça marche plutôt bien, il a de quoi vivre. Il m'apprend qu'il avait un fils qui a contracté le sida à dix huit ans et a mis quatorze ans à mourir (je n'ose pas lui demander quand c'est arrivé), et que ces années là ont été pesantes. Il s'est même marié il y a dix ans - et il me montre son alliance -avec la mère de ses deux filles qui dit-il sont devenues des sortes de pigeons-voyageurs. "Je mène une petite vie bourgeoise je vais à la campagne tous les week-end chez mes beaux-parents qui sont plus jeunes que moi". Ça l'amuse visiblement et dans son sourire et son œil malicieux on peut deviner ce qui a pu charmer sa femme d'une trentaine d'années sa cadette. Quelque chose de durablement adolescent, en dépit des épreuves ...

jeudi 8 décembre 2011

Possédé

You know what I mean
 
Voilà
cette nuit, l'éprouvante sensation d'être possédé, occupé par une force, une puissance hostile dont je ressentais l'emprise intérieure et que je ne parvenais cependant pas à dissoudre ou à évacuer en dépit de l'espèce d'auto-exorcisme que je tentais sur moi. J'avais aussi l'impression confuse d'être en train de pousser des cris des grognements, sans pour autant savoir si je les poussais réellement dans la vraie vie ou seulement dans mon cauchemar. A l'heure où j'écris ces lignes, je me dis que je suis peut-être encore possédé sans être toutefois en mesure de deviner précisément la nature de ce qui me hante. Bien sûr, j'ai quelques hypothèses à ce sujet et certaines ne manquent pas de m'inquiéter. J'espère que cela va passer...
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mercredi 7 décembre 2011

Bobby le petit autocar


Voilà
"Bobby le petit autocar" fut l'un des tous premiers livres que j'ai lu. Je ne me souviens plus de l'histoire, même si parfois, sans que je ne sache pourquoi, furtives, quelques illustrations ressurgissent, entre paupière et regard avec des façons de spectres. Mais ce dont je me rappelle, c'est qu'un jour de l'été 86 dans le nord de la Corse, je l'ai vu pour de vrai. Il était bien fatigué certes, un peu repeint mais toujours de ce monde. Peut-être en fait m'attendait-il...
(7/12/2011)

mardi 6 décembre 2011

Dernier métro


Voilà
je ne sais pas si cet homme est né sous une bonne étoile, mais moi à cette heure tardive, en ce lieu de fatigue et de résignation, cette étoile je l'ai trouvée bonne à prendre. Elle était là, légère comme un rêve, comme un bout d'enfance attachée au bagage de son propriétaire qui, absorbé dans la lecture de nouvelles déjà obsolètes, semblait presque en avoir oublié l'existence. (Linked with weekend reflections)

dimanche 4 décembre 2011

Rue Oberkampf


Voilà
de contretemps en contretemps j'ai fini par errer dans un quartier que je fréquente peu, avec pour objectif de meubler au mieux l'heure qui me séparait du moment où je rejoindrais des amis dans un restaurant. A la tombée de la nuit cet endroit m'est apparu, m'offrant la douce illusion d'être ailleurs et une vague sensation d'irréalité. Je suis resté un moment dans l'impasse, et j'ai tenté l'image malgré le peu de lumière. Voilà. Plus tard, j'ai aussi eu l'heureuse surprise de retrouver quelqu'un que je n'avais pas vu depuis longtemps et très vite ce fut comme si les années n'avaient jamais passé. 

samedi 3 décembre 2011

Entr'acte



Voilà
Une vieille connaissance depuis longtemps perdue de vue, mais que je reconnais néanmoins malgré ma prosopagnosie récurrente (je suis content de le placer ce mot là je viens tout juste de le découvrir) me dit, au cours de l'entr'acte que je dois souffrir. Je suis un peu déconcerté, la rumeur va vite. Comme je ne sais pas de quoi il s'agit je réponds "pas plus que d'habitude". Puis elle m'explique que le spectacle que nous sommes en train de voir, ressemble beaucoup au spectacle sur les "rêves de Kafka" auquel j'ai participé il y a fort longtemps, (autant dire dans une autre vie) et dont elle garde un souvenir si intense. Ce qu'elle vient de voir est tellement moins bien dit-elle. Pour ma part, je ne vois pas trop le rapport. Je suis tenté par un peu de provoc'... Lui dire que de toute façon les gens qui sont dans la salle ne savent même pas que le spectacle qu'elle évoque a existé. Et aussi que ce n'est pas ce qu'on voit qui est moins bien mais nous probablement. Parce que nous n'avons plus la jeunesse qui anime ces acteurs sur le plateau, nous n'avons plus non plus pour les uns les couilles bien pleines, pour les autres les ovaires au top, ni les muscles tendus la peau fraîche et souple et tous nos cheveux. On ne peut plus danser des heures d'affilée, on a besoin de lunettes pour lire les programmes et on a perdu l'insolence de cet âge où on imagine que tout est possible sans savoir que le temps passe vite, envie de lui dire qu'à notre époque aussi il devait y avoir des vieux cons pour trouver que ce qui se faisait avant était mieux, mais bon, je n'ai même pas envie de polémiquer... Est-ce la sagesse ou bien la fatigue ? 
Une chose est sûre, c'est bien dans ces années-là que j'ai fait cette photo de gens très intéressés par une sculpture hyperréaliste de John de Andrea où on voit très distinctement je m'en rappelle une petite veine bleue sur l'un des seins du modèle. Une autre chose est certaine : dans vingt cinq ans ni la spectatrice croisée à l'entr'acte ni moi ne serons plus là pour parler de ce que nous avons vu aujourd'hui. 
Il y a toujours trop d'escaliers dans les théâtres.
première publication 3/12/2011 à 23:50

jeudi 1 décembre 2011

Qui est Kazimir ?

Fondation HCB

Voilà
je ne sais pas qui est Kazimir, je sais seulement d'où il m'écrit. Sans doute se méprend-il sur mes propos me prêtant un statut et des intentions que je n'ai pas. Lui et moi vivons sous des latitudes différentes, dans des réalités ayant sans doute peu en commun. Sauf peut-être l'illusoire et trompeuse neutralité des écrans qui, si elle uniformise la représentation du Réel, nous permet aussi, à défaut d'échanger vraiment des impressions, de juxtaposer au moins des malentendus, et c'est toujours ça de pris. Kasimir m'est pour le moment aussi immatériel que cette ombre reflétée hier sur une des vitres de la Fondation Cartier-Bresson où, profitant de la gratuité du mercredi soir, je suis allé voir en voisin l'exposition Lewis Hine. Je ne désespère pas d'avoir encore de ses nouvelles et qu'il m'en dise un peu plus sur lui.

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