mercredi 31 juillet 2024

Un projet incertain

 
 
Voilà,
le metteur en scène italien me parle d’un projet qu’il souhaite produire et auquel crois-je comprendre il voudrait m'associer. Il me montre des bouts de charbon qu’il pose sur la table, et dit que ça serait génial de faire un spectacle à partir de ça, de cette matière, et moi je réponds “oui, génial génial enfin tout de même, n’exagérons rien....”. Il m'explique qu'il voudrait réaliser une "pièce géologique" — c'est bien la première fois que j'entends parler de ça — et s'embarque dans des explications très complexes et alambiquées, où il est question d'orogénèse hercynienne et de chaînes varisque. Pendant qu'il me cause je songe à tout autre chose, à ces menus bonheurs qui font le sel de la vie : un fin rideau qu'une légère brise agite quand dehors il fait beau et qu'on entend les enfants piailler dans une cour de récréation. Se laisser dériver sur un matelas pneumatique au bord d'une plage de la Méditerranée ou dans une piscine. Boire à l'ombre d'un platane un "Pacalo" ou un "Gambetta" sur une terrasse en Provence. Écouter le matin sur France-musique les émissions de Denissa Kerschova avec son délicieux accent tchèque qui me ravit. J'essaie toutefois de donner le change et de paraître intéressé, opinant quelquefois du chef. Derrière lui, des machinistes qui ins­tallent un rideau de scène esquissent, sans qu'il ne s'en rende compte, des pas de danse d'une drôlerie et d'une grâce incroyable. Soudain il me dit "à la fin on entendra par un matin pluvieux au cœur d'un été lourd de menaces la voix de Franck Sinatra chanter "What is this thing called love" de Cole Porter. Je suis un peu décontenancé, et je bredouille hésitant "ah oui cela pourrait être très beau et très émouvant". Mais je ne suis pas certain d'être bien convaincant. Depuis octobre dernier on corps me semble totalement désaccordé, en inadéquation avec la réalité. J'ai l'impression de me tenir mal, de parler faux, d'être en permanence à côté de la plaque.

lundi 29 juillet 2024

Je suis encore au lit


 
Voilà,
"une légère indisposition, un accès de vertige, m’ont empêché de me lever. Je suis encore au lit. Mais maintenant je me sens à nouveau frais et dispos. Je viens de sortir du lit. Encore un petit instant de patience ! Cela ne va pas encore aussi bien que je le pensais. Mais je me sens déjà tout à fait bien. Comme ces choses arrivent brusquement ! Hier soir, j’allais parfaitement bien, mes parents le savent. Ou plutôt, déjà hier soir, j’ai eu un petit pressentiment. On aurait dû s’en rendre compte. Pourquoi n’ai-je pas prévenu au magasin ? Mais on imagine toujours qu’on peut venir à bout du mal sans garder la chambre."  Franz Kafka in "La métamorphose"

dimanche 28 juillet 2024

Pêle-mêle avec indien d'Amazonie


 
Voilà,
je dois être émotivement bien fragile ces derniers temps. Les photos et la vidéo des mashco piro une tribu péruvienne jusqu'à présent isolée du reste de l'humanité, et rattrapée par la déforestation m'ont plongé dans une profonde mélancolie. 
 
*

Chacun est vissé à son malheur, incapable de comprendre le malheur de l’autre. Sagesse des vieux proverbe. Chacun voit midi à sa porte. Ce n’est pas un jugement, juste un constat. Je lis sur le quotidien Liberation le témoignage d’une gazaouie, Nour Z. Jarada qui évoque la douceur de vivre à Gaza, avant le 7 octobre. Et elle parle du 7 Octobre simplement comme le jour où les avions israéliens ont commencé à bombarder Gaza, sans évoquer le massacre perpétré par le Hamas.
 
*

Les quantités de HCFC, des substances destructrices de la couche d'ozone ayant une capacité de réchauffement deux mille fois supérieure à celle du CO2, sont en train de diminuer dans l’atmosphère. Cela m'a l'air d'une bonne nouvelle. Elles ne sont pas si fréquentes par les temps qui courent. 
 
*
 
Un pseudoliparis a pour la première fois été observé à 8.336 mètres de profondeur. Ces images ont été captées dans la fosse d’Izu-Ogasawara. Le poisson ne bénéficie d’aucune lumière et vit donc constamment dans le noir complet. A cette profondeur, il subit aussi une pression 800 fois supérieure à celle constatée à la surface. Son corps gélatineux est donc un avantage pour survivre dans ce milieu hostile. De telles découvertes sont réjouissantes je trouve. Elles signifient que malgré toutes les conneries que l'humanité continue de produire et d'accumuler en surface, la vie continue dans les profondeurs.

*
 
 
Quand vient le mois d'Août, pourquoi le cacher, j'ai toujours un peu les jetons. L'Europe a depuis longtemps un mauvais karma avec les périodes d'été. Les tensions, les déclarations de guerre, tout ça... mais aussi les incendies, les canicules. Avec les Jeux Olympiques et la situation tendue en France, j’appréhende les semaines à venir.
 
*
 
L'histoire qui court sur les réseaux sociaux "Interrogé sur les raisons de son retrait de l'élection Joe Biden a répondu "quelle élection ?". On n'a quand même pas tant que ça l'occasion de se marrer ces derniers temps.
 
*
 
 Je constate qu’autrefois un antisémite était quelqu’un qui n’aimait pas les juifs. Aujourd’hui, en France, c’est quelqu’un que n'aiment pas les juifs soutenant la politique de Netanyahou.
 
 *
 
Dans l’océan Pacifique, à quatre kilomètres de profondeur et dans l’obscurité la plus totale, des scientifiques ont découvert avec stupéfaction de l’oxygène provenant non pas d’organismes vivants mais de galets composites contenant des métaux créant une sorte d'électrolyse ayant pour effet de séparer les composants de la molécule d'eau. Cela questionnerait la théorie des origines de la vie sur Terre.
 
 *
 

La fastueuse cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris ne peut faire oublier que dans ce pays, 30 % des votants de la dernière élection nationale ont accordé au premier tour leurs suffrages à un parti néo-fasciste, xénophobe et pro-russe, allié, dans le parlement européen au parti de Viktor Orban qui approuve l'invasion de l'Ukraine. Elle est aussi advenue dans une nation en crise où, faute de coalition crédible au parlement, il est pour le moment impossible de constituer un gouvernement. Et puis n'oublions pas que l'envers du décor c'est aussi ça.

jeudi 25 juillet 2024

Liste des découvertes hasardeuses (1)


Voilà,
après une année 2023 inédite en terme de chaleur, juin 2024 a été le mois de juin le plus chaud jamais mesuré. Il s'agit du treizième mois consécutif à battre un record de température moyenne sur les mois équivalents. C'est Copernicus un programme de l'Union européenne qui collecte et restitue des données de qualité portant sur l'état de la Terre, actualisées en permanence, qui en fait état. Son directeur, lorsqu'il a commenté ces éléments, a jugé cette situation "particulièrement stupéfiante". Les experts constatent que le changement climatique, provoque d'ores et déjà, à l'instar des vagues de chaleur et des inondations, auxquelles 2024 n'a pas échappé, des événements météorologiques extrêmes à la fois plus longs, plus forts et plus fréquents
Mais on ne s'attardera pas là-dessus. Je ne veux pas fatiguer mes quelques lecteurs. J'ai tant et tant maugréé à ce sujet que rien ne sert de continuer. Le climat, la biodiversité, nos dirigeants s'en tapent. On envoie même en prison des gens, comme Paul Watson pour complaire à des états écocidaires
Assouvissant ainsi mon goût pour les listes,  je partagerai plutôt mes trouvailles hasardeuses au cours de ces dernières semaines.
ainsi
j'ai découvert il y a peu que le morceau intitulé "prélude" dans la musique de Fahrenheit 451 composée par Bernard Hermann pour le film de François Truffaut est très inspiré de l'aquarium de Camille Saint-Saens dans Le carnaval des animaux 
 
j'ai découvert il y a peu, que le célèbre air "greensleeves" aurait été composé par le Roi Henry VIII en l'honneur d'Ann Boleyn qui portait une robe aux manches vertes à l'époque où il la courtisait. Cela n' a pas empêché ce délicieux mélomane de la faire décapiter à la hache quelques années plus tard.

J’ai découvert il y a peu l’existence du terme point nemo qui désigne l’endroit sur terre le plus éloigné de toute présence humaine. Il se situe bien évidemment dans le pacifique sud. Cet endroit est si éloigné du continent et des îles, que les humains les plus proches sont des astronautes. Plus précisément, il s'agit des occupants de la Station spatiale internationale qui orbite autour de la planète à une distance maximale de 416 kilomètres. Tandis que la terre habitée la plus proche est à près de 2 700 kilomètres sur la côte chilienne. Dans cette zone, le fond de l'océan est parsemé de débris spatiaux. Beaucoup d'engins de retour de mission y sont largués volontairement car, selon les agences spatiales, la vie sous-marine y serait guère développée.
 
j'ai découvert il y a peu, que l’adagietto de la cinquième de Malher est très inspiré on peut même dire que c’est une adaptation de l’adagietto de l’Arlésienne de Bizet

j'ai découvert il y a peu que le modèle du personnage de Carl dans "Jours tranquilles à Clichy" d’Henry Miller, s’appelait Alfred Perlès, un juif autrichien né à Vienne en 1897 d'une mère française et d'un père tchécoslovaque et qu'il travaillait à l'époque à Paris pour le "Chicago Tribune". Juste avant que la guerre ne se déclare il se réfugia en Angleterre et prit la nationalité britannique. Il s'engagea pour la durée du conflit dans une compagnie composée pour l'essentiel d'émigrés juifs allemands

j'ai découvert il y a peu que Pierre Boulez (excellent chef d'orchestre, compositeur pénible, et homme d'une grande fatuité) détestait Erik Satie qu’il considérait comme un piètre compositeur du dimanche "un talent mineur et inexistant" (ce qui n'est pas très français du point de vue du sens)
 
J'ai découvert il y a peu qu'on doit l’invention de la souris, à un chercheur américain du nom de Douglas Engelbart qui en fit la démonstration en décembre 1968. Il dirigeait alors un laboratoire au Stanford Research Institute, en Californie. C’est lui, et l’équipe qu’il dirigeait, qui ont eu l’idée géniale de créer un petit appareil, équipé de deux roues perpendiculaires, relié par un fil à l’ordinateur, pour faire bouger un curseur sur l’écran selon des coordonnées X et Y

J’ai découvert il y a peu que Frida Kahlo avait été la maîtresse de Trotski et avait aussi couché avec Marcel Duchamp

J'ai découvert il y a peu que c'est aussi Henri Mancini qui a composé la musique de "Aventures dans les îles", qui est le premier feuilleton que j'ai regardé à la télévision quand j'étais tout seul le jeudi après-midi à Châlons sur marne
 
J'ai découvert il y a peu qu'un nouvel animal marin jusque là inconnu à été identifié et aussitôt baptisé Promachocrinus fragarius en raison de sa ressemblance avec une fraise. Il possède vingt bras et réside entre 100 et 1150 mètres de profondeur  dans les eaux de l'océan austral. 
 
J'ai découvert il y a peu qu'une équipe de chercheurs a récemment mis au point un nouveau matériau poreux capable d’absorber non seulement le CO2, mais aussi d’autres gaz à effet de serre ayant un impact significatif sur le réchauffement climatique.

J'ai découvert il y a peu cette incroyable version de Moon Indigo par Duke Ellington qui date des années 50

J'ai découvert il y a peu que les trompettes que l'on entend au début des spectacles du Festival d'Avignon et qui ont été proposées il y a longtemps par Maurice Jarre, sont quasiment les mêmes que celles qui introduisent l'œuvre de Aaron Copland "Fanfare for the common man" composée en 1942
 
J'ai découvert il y a peu que même dans la nature, la beauté peut tenir en trois couleurs.

Qui dira encore que la curiosité est un vilain défaut ?

mercredi 24 juillet 2024

Complexité


 
Voilà, 
"Les choses les plus simples, les plus réellement simples, que rien ne saurait rendre à demi-simples, deviennent d'une complexité extrême du seul fait que c'est moi qui les vis. Dire bonjour suffit parfois à m'intimider. Ma voix s'éteint subitement, comme si proférer ce mot à voix haute était d'une audace incongrue. C'est une sorte de pudeur d'exister, je ne vois pas d'autres nom "(Pessoa 135 LI-)
Je me reconnais tout à fait dans ces lignes de l'auteur du "Livre de l'Intranquillité". 
Quant à cette image, elle reflète bien mon état mental alors que j’attends l’anesthésiste.
On aimerait mieux paresser dans son plumard en écoutant la radio.
shared with  wordless wednesday

dimanche 21 juillet 2024

Fin de partie

Voilà,
le festival est fini.
Cette étrange parenthèse se clôt.
Il a plu le dernier jour


Il n’y a plus rien à voir.
Shared with monday murals

vendredi 19 juillet 2024

Question de Temps

 
Voilà
"Jusqu'à ces derniers mois, il ne s'était jamais autant mépris sur son intime conviction selon laquelle ce qui devait lui arriver prendrait du temps, et peu importait qu'il estimât en avoir ou non. Vraisemblablement, il ne l'avait pas, ou ne l'avait, pour ainsi dire, que dans une mesure infime — de sorte que, assez tôt, à la façon dont les choses se passaient pour lui, il n'y eut d'autre déduction que celle à laquelle devait se résoudre sa vieille obsession : et ne l'aidait pas en cela, l'apparence de plus en plus confirmée qu'il ne restait plus guère de marge pour que s'éclaircisse l'ombre du grand flou sous lequel il avait vécu. Puisque c'est dans le Temps qu'il devait rencontrer son destin, c'est donc dans le Temps que son destin devait agir".
 
He had never, till within these last few months, been so false to his conviction as not to hold that what was to come to him had time, wether he struck himself as having it or not. That at last, at last, he certainly hadn't it, to speak of, or had it but in the scanties the measure – such, soon enough, as things went with him, became the inference with such his old obsession had to reckon : and this it was not helped to do by themore and more confirmed appearance that the great vagueness casting the long shadow in which he had lived had,to attest itself, almost no margin left. Since it was in Time that he was to have met his fate, so it was in Time that his fate was to have acted (Henry James)

Ça me parle bien finalement ces quelques lignes. Je me les répète et, devant cet improbable et fascinant reflet sur le mur, m’étonne du sens que mon état leur donne à présent....

mercredi 17 juillet 2024

Négligence de l'État


Voilà,
"plus de la moitié des droits fondamentaux, comme la santé, l’accès à l’éducation ou à un logement digne sont menacés en France par la "négligence de l’Etat" en matière d’adaptation au changement climatique, un sujet auquel le nouveau gouvernement "devra s’attaquer d’urgence", estime Oxfam.
"Le sujet du climat […] a été totalement éclipsé pendant la campagne des législatives mais il ne peut être ignoré plus longtemps", dénonce ce lundi 15 juillet un rapport d’Oxfam France, alors que le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc-3), fondé sur l’hypothèse d’un réchauffement de 4 °C en France d’ici 2100, se fait toujours attendre.
Selon l’analyse de l’ONG, proche du Nouveau Front populaire (NFP), au moins 26 des 50 droits humains fondamentaux "sont directement menacés en  France […] du fait de l’improvisation des pouvoirs publics en matière d’adaptation » qui "attendent que les catastrophes se produisent pour tenter de les réparer".
Les impacts seront particulièrement importants pour "les plus précaires, les femmes, les enfants, les minorités, les personnes âgées ou isolées", prédit le rapport. 
 

 
Ainsi, 1,3 million d’écoliers de maternelle pourraient être exposés en classe à une chaleur excédant les 35 °C d’ici 2030, menaçant le droit à l’éducation, selon Oxfam qui s’appuie sur une étude du cabinet EcoAct. Plus d’une classe sur deux est concernée dans le pays, et même 100 % dans quatre départements (Bouches-du-Rhône, Seine-Saint-Denis, Paris et Gironde).
Dans une France à +4 °C, les jours de vague de chaleur seront multipliés par au moins cinq. En Ile-de-France, ils pourraient atteindre 94 jours, soit un quart de l’année, selon des projections de Météo-France.
Oxfam dénonce l’inadaptation du droit du travail à cette réalité dangereuse pour les travailleurs, dont 36 % sont déjà exposés aux chaleurs, notamment dans le bâtiment, l’agriculture ou chez le personnel soignant.
D’ici 2100, 5 % des hôpitaux seront menacés de fermeture car inadaptés aux évènements climatiques extrêmes (canicules, inondations ou incendies), selon une projection de l’administration (Cerema).
Selon Oxfam, "il faudrait plusieurs dizaines de milliards d’euros a minima par an" pour adapter la France aux effets du changement climatique.
Mais aujourd’hui, en plus de "jeter l’argent public par les fenêtres" en finançant des infrastructures qui « ne seront plus adaptées dans vingt ou trente ans », "67 milliards d’argent public […] subventionnent toujours des activités contribuant au dérèglement climatique", notamment dans les énergies fossiles, dénonce Quentin Ghesquière, chargé de plaidoyer climat chez Oxfam France.
L’ONG réclame donc des financements importants et des investissements publics "conditionnés à des critères d’efficacité et de réduction des inégalités", ainsi que de rendre le Pnacc "opposable et contraignant" en justice.  (Article du Nouvel Observateur 15 Juillet 2024). Avec un gouvernement démissionnaire chargé d’expédier les affaires courantes, alors que depuis quelques mois, tout revêt plus ou moins un caractère d’urgence, on n’est pas près de voir des améliorations sur ce point.

mardi 16 juillet 2024

Modeste contribution


 
Voilà,
je ne sais pas si cela tient à la disposition particulière où je me trouve pour des raisons très personnelles ou bien au fait que j’évolue depuis maintenant trois semaines dans une sorte de bulle où je ne croise que des gens obsédés par les jauges de leurs spectacles, le nombre de professionnels de critiques et d’acheteurs potentiels qui y assistent, mais ma perception du temps et des événements me paraît particulièrement altérée. Tout se révèle absurde, incohérent et chaotique. Je ne comprends rien, ni à ce que je vois ni à ce que j’entends. Dans "The dictionnary of obscure sorrows", John Koenig désigne par le mot Wytaï ce sentiment utilisé pour décrire l’étrangeté, l’absurde ou le grotesque ressenti face aux phénomènes de la vie moderne. À mesure que je lis la presse, la confusion ne cesse de croître. Je ne perçois que désaccords, dissonances. Pas seulement en France, mais un peu partout dans le monde. C’est comme si les gens n’étaient plus en mesure de faire communauté. L’humanité se trouve confrontée à des périls de tous ordre qu’elle a elle même générés  — guerres, désastres écologiques, maladies de plus en plus nombreuses liées aux substances toxiques absorbées par tout la chaîne alimentaire —, mais aucune volonté commune ne semble émerger pour endiguer cette tendance. Les idées de toutes parts se dressent comme des herses, plus acérées les unes que les autres. Chacun y va de ses menaces, de ses invectives.  Tout se passe comme si un grand désir d’abîme et de naufrage s’était emparé de notre espèce. Je ne vois pas beaucoup d’intelligence et de générosité dans le spectacle du monde, plutôt des gens, des groupes qui cherchent à tirer profit de toute cette confusion. Il en a sans doute été ainsi de tout temps, mais nous vivons une époque où tout est plus visible. Ce spectacle sidère autant qu’il effraie. Et aussitôt il se perd, il s’oublie. Un événement chasse l'autre. La situation intérieure par exemple. C’est à cela que je songeais en commençant cette rubrique. Il y a une semaine, on parlait beaucoup du péril politique auquel nous étions supposés avoir échappé. Certains se congratulaient d'avoir été en mesure de s'unir pour dresser un front républicain. Aujourd'hui c'est la foire d'empoigne entre les anciens alliés de tous bords. L'intérêt du pays, l'amélioration du bien-être des citoyens, semble le cadet de leurs soucis.
 
 

 
Je vais aller "jouer". Je vais juste essayer de faire en sorte que les spectateurs qui seront venus ressortent contents, émus, heureux d'avoir assisté à un événement certes mineur, mais cependant singulier. Ce sera ma manière de dispenser un peu de bien, de sourire de poésie, de réflexion aussi, par ma présence et celle de mes camarades sur scène. C'est le moins que je puisse faire. Après tout, c'est pour cela, pour ce partage, pour cette communauté éphémère que nous constituons à chaque représentation, que je suis ici. Pour représenter, c'est à dire remettre, chaque jour au présent, ces petits signes noirs disposés par un auteur sur une page blanche. Pour leur donner de la chair et du corps. C'est ma modeste contribution à la lutte contre la dégradation générale de la situation ambiante. Tant que je peux encore le faire.

dimanche 14 juillet 2024

Pêle-mêle avignonnais

Voilà, 
les merveilleux et certainement très vieux platanes du jardin des Doms. Havre de douceur et de paix en période de festival. Coins d'ombre et de végétation au-dessus de cette ville si minérale.


De cette ville surpeuplée pendant l'été, où l'offre des spectacles est insensée, comme en témoignent non seulement la foule mais aussi les affiches accrochées sur tous les murs de la ville.
 

Parfois au détour d'une rue on tombe sur une grande fresque murale évoquant le monde du théâtre et de la scène. Les auteurs de cette opération « fenêtres-festival » sont Marion Pochy et Dominique Durand

vendredi 12 juillet 2024

Si je regarde la vie qui passe...



Voilà
"Je vois les paysages rêvés avec la même précision que les paysages réels. Si je me penche sur mes rêves, je me penche sur quelque chose de bien réel. Si je regarde la vie qui passe, je rêve tout autant.
On a dit de quelqu’un que, pour lui, les personnages de ses rêves avaient autant de relief et de netteté, que ceux de la vie réelle. En ce qui me concerne, je pourrais comprendre qu’on m’applique une phrase de ce genre, sans toutefois la faire mienne. Les personnages de mes rêves ne sont pas, pour moi, semblables à ceux de la vie. Ils leur sont parallèles. Chacune de ces deux vies – celle des rêves, celle du monde – possède une réalité propre, aussi vraie que l’autre, mais différente. Il en va de même pour les objets proches et les objets lointains : les personnages de mes rêves se trouvent plus proches de moi, mais…
"(Fernando Pessoa LI 96)
photo Avril 2012 

jeudi 11 juillet 2024

Besoin de temps

 
Voilà,
au moment de prendre cette photo, un type au pied du crucifix dressé, devant Notre-Dame des Doms à Avignon fumait tranquillement un joint. Ces effluves ont fait remonter des souvenirs de jeunesse, me rappelant les premières années où j'étais venu ici, et que j'avais toute la vie devant moi, sans imaginer comment et de quoi elle serait faite.
C’est passé trop vite et moi j’étais beaucoup trop lent. J’avais besoin de temps pour sentir frémir les choses autour de moi, pour ferrer les fantasmagories cachées, les images indécises plus ou moins enfouies ou qui ne demandaient qu’à prendre forme, quelque part en moi ou à travers moi. 
Oui vraiment cela n’allait pas de soi de s’abandonner d’être comme la feuille au vent ou la brindille au fil de l’eau, de se mettre à disposition du monde sans pour autant de certitude que le monde s’en accommoderait. Comme le disait Pessoa (LI 343), "en fin de compte, il reste d’aujourd’hui, ce qui est resté d’hier et restera de demain : le désir insatiable, innombrable d’être toujours le même, et d’être toujours un autre". Cela doit être une des raisons pour laquelle j'ai du vouloir faire l'acteur...
 
 
 
@iokoni_lens
 
C'est tellement étrange d'être encore là, ou même d'en être encore là. J'ai tout fait en dilettante, jamais  rien à fond. J'ai fait ce que j'ai pu. Mais bon, je ne boude pas le plaisir de jouer devant des salles combles en dépit de l'heure matinale. Vraiment ce festival est une bien étrange chose. A propos dans la rue, j'ai fait cet étrange plan.


lundi 8 juillet 2024

Répit


Voilà, 
je ne vais pas le cacher. Je suis comme nombre de mes amis, momentanément soulagé. Tout le monde craignait pire. Mais on sent bien que c'est un répit.
Je partage cette publication de l'écrivain Eric Pessan sur sa page facebook. Elle me semble assez pertinente : On se réjouit, j’ai dansé hier soir, j’ai trinqué à l’annonce du résultat surprise, on se réjouit, c’est normal, c’est humain, après toute cette tension, après ces semaines la boule au ventre, on se réjouit, mais de quoi exactement ? On se réjouit que la catastrophe ne soit pas un cataclysme ? Il faudrait une échelle de la peur en politique comme il y a une échelle de la puissance des cyclones. Jamais l’extrême-droite n’est passée aussi proche, jamais l’extrême-droite n’a bénéficié d’un tel soutien des électeurs, d’une telle place à l’Assemblée nationale. Ce matin j’ai la gueule de bois, pas à cause de l’alcool, la boule dans mon ventre est montée jusqu’à la tête, elle nidifie, elle a trouvé sa place, elle va y rester longtemps. On se réjouit, c’est une évidence, mais la peur est encore là. Hier soir, le restaurateur du village où j’habite postait "Les putains de gauchos passe (sic) au national, fait chier va falloir que j’aille demain chez gam vert acheter pelle, pioche et huile de coude". Hier soir, dans plusieurs villes, les gens spontanément descendus dans la rue fêter la victoire se sont heurtés aux forces de l’ordre. Alors, on se réjouit, mais les déçus du résultat sont encore là, le syndicat Alliance reste l’un des plus puissants au sein de la police, cette même police dont on a pu constater la violence ces dernières années. Nous vivons dans un pays où les déçus d’hier soir se tiennent sur le seuil de la violence. Nous vivons dans un pays où l’extrême-droite continue de progresser, même dans ses défaites. Les forces de gauche ont une responsabilité : ne plus nous décevoir. Hier soir, déjà, des voix individuelles s’élevaient là où nous espérions une voix commune, un nous qui nous rassemble et nous donne de l’espoir. On se réjouit, on ne peut pas tout le temps vivre dans la peur, une amie raconte sur ce réseau qu’en quittant la place de la République hier, les yeux en larmes à cause des lacrymos, un CRS lui a dit « rendez-vous en 2027 ». D’ici là, le nous reste à construire. Pas un nous assemblé à la va-vite, pas un nous de barrage, un nous d’adhésion, d’espoir, une force, un nous idéal et rêvé.
Pour ma part, dès l'annonce des résultats il m'a paru que cette alliance nouée à la hâte aura du mal à tenir. Les  résultats à peine énoncés les ego, les calculs mesquins sont repartis de plus belle. Personne ne semble disposé au centre et à gauche à faire des compromis, alors que nombre des députés de ces formations doivent justement leur mandat à un compromis. Des gens épris des valeurs de la république ont souvent offert leur suffrage à des candidats dont il ne partagent pas les opinions pour faire barrage au parti national-raciste. Ne pas perdre de vue pourtant que 10 millions de français, au premier tour ont donné leur adhésion à ce dernier. 
Il est étrange de constater que tant de citoyens de ce pays, et j'inclus dedans — en vertu de l'adage "qui ne dit mot consent" — ceux qui se sont abstenus de voter, souhaitent que leurs intérêts soient gérés par les membres d'une même famille, d'un clan dont on a pu souvent voir comment le linge sale s'y "lavait" en public. La violence et l'indélicatesse des uns et des autres, la soif de pouvoir et l'absence de scrupules caractérisant les divers membres de la constellation Le Pen laissent facilement augurer des méthodes dont ils useront quand ils auront en main les affaires du pays. 
Mais de cela il n'est guère tenu compte. Comment pourrait-il en être autrement quand on constate le faible niveau d'instruction qui caractérise la majeure partie de l'électorat du rassemblement national. Ainsi que son inculture et son intolérance. Sans parler de ces candidats recrutés à la hâte d'une bêtise et d'une incompétence crasse. Sans parler de ceux qui tiennent, sans retenue, des propos ouvertement racistes. Me revient en mémoire cette affligeante discussion amorcée dans une manif des gilets jaunes avec un jeune qui clamait ouvertement son admiration pour Hitler. Ou il y a quelque année cette sortie d'un élu du FN contre la mémoire d'Erik Satie dans lequel il voyait un musicien gauchiste. 
Pendant des années les médias mainstream ont bien aimé parler des Le Pen, et de leur entourage. Ils les ont invités sur les plateaux, leur ont permis de propager impunément leurs idées pour augmenter leurs taux d'audience. Ces derniers temps, ils ont semblé s'étonner du péril qui les menaçait et les menace encore. Je ne sais pas s'ils s'en souviendront encore dans les mois à  venir...
Mais bon, le ciel est bleu à Avignon, et les vieilles pierres de la cité papale invitent à les admirer en silence.

dimanche 7 juillet 2024

Tu me fends le cœur

Voilà,
sur un mur d'Avignon, rue de la Campane, ce portrait de Raimu, évocation de la merveilleuse partie de cartes du film "Marius" de Marcel Pagnol. On préfère ne pas penser à demain.
 
 

Sinon, toujours la foule des festivaliers, spectateurs qui badent de-ci de-là entre deux spectacles, acteurs qui tractent et vous dérangent pendant que vous êtes en train de boire un verre ou de manger. Je perçois tout cela dans une vague confusion mentale. J'ai le sentiment d'être ici depuis un mois. Et puis cette sensation aussi que tout ce petit monde ne semble en rien concerné par la situation politique. Me revient en mémoire cette phrase de Kafka "J'avais honte de moi quand j'ai réalisé que la vie était une fête costumée ; et j'y ai assisté avec mon vrai visage."

*
 

Donc on y est. L'impensable, l'incompréhensible est entré dans notre vie collective. On a réellement affaire à un événement, en cela qu'il constitue une rupture dans l'ordre de l'intelligible. Même si on s'était plus ou moins fait à cette hypothèse depuis quelques temps, on ne parvenait pas trop à y croire. Les loups sont désormais dans la place. Si dans ce pays la plupart des syndicats de salariés se sont prononcés  (un peu tard) pour un front républicain en vue d'empêcher l'accès du Rassemblement national au pouvoir, — à l'exception notable de quelques syndicats de la police qui soutiennent ouvertement ce parti — aucune organisation patronale ne s'est opposée à ce dernier. Ce n'est pas une surprise. Le capital s'est toujours bien accommodé du fascisme. Aujourd'hui le parti raciste qui dans la législature précédente s'est opposé aux résolutions contre la Russie, à voté contre l'augmentation du smic, contre l'indexation des salaires sur l'inflation, contre la limitation des polluants éternels, contre l'exploitation minière sous la mer, contre l’interdiction du glyphosate, contre les quotas de médecins dans les déserts médicaux, pour les durcissements des critères d'immigration, pour la limitation de l'aide médicale aux étrangers, contre la création d'un délit de harcèlement scolaire, contre la loi de fin de vie aide à mourir, qui s'est abstenu sur toutes les propositions de loi de justice fiscale, ce parti donc, a plus que doublé son nombre de voix et devient le premier parti de l'assemblée nationale. Preuve que les votants ne lisent pas les programmes électoraux. Pour autant il ne dispose pas d'une majorité, car le barrage républicain a permis d'endiguer sa progression. Mais pour combien de temps encore ? Le président sort affaibli après son coup de poker, puisque son parti a perdu des sièges et que la gauche en a gagné. Il dispose de peu de crédibilité, même dans ses rangs. Quant à trouver une majorité de gouvernement, cela va être particulièrement difficile. Au vu des résultats, la France risque d’être ingouvernable. Il faudrait que les politiciens des partis républicains soient en mesure de faire des compromis et des alliances de circonstances. C’est au fond le sens de ce vote. Mais à entendre les réactions des responsables de ce front républicain on est loin du compte. Le soulagement des foules célébrant comme une victoire ce qui n’est qu’un répit a quelque chose de pathétique.
 

vendredi 5 juillet 2024

Mal à la tête

 
Voilà,
"J’ai mal à la tête et à l’univers entier. Les douleurs physiques – plus nettement douleurs que les souffrances morales – entraînent, en se reflétant dans notre esprit, des tragédies qui leur sont étrangères. Elles provoquent une impatience à l'égard de tout qui, concernant tout, n'exclut aucune étoile" Pessoa "Le livre de l'Intranquillité (331)"

mardi 2 juillet 2024

Tant que c'est encore possible


 

Voilà,
les choses n'arrivent jamais comme on l'imagine et rien ne sert de faire des prédictions, mais,  vraisemblablement des temps fort obscurs sont devant nous. Des temps de grande confusion. Les rancœurs accumulées favorisent les bas instincts, et nul ne peut dire ce que seront les prochaines semaines sous nos latitudes. Pourtant, il arrive qu’au détour d’une de ces rues d’Avignon, où je traîne mon spleen, je puisse être ému, sans trop comprendre pourquoi. Ou plus exactement sans vouloir m'avouer pourquoi. Depuis huit mois, je suis en quelque sorte totalement désaccordé. Je suis en totale inadéquation avec cette réalité. Mais la réalité elle-même a depuis quelques semaines pris un tour délirant. On ne pouvait, ne voulait imaginer que la folie, l’incompétence l’immaturité d’un homme persuadé de son destin et de la pertinence de ses décisions, et peu enclin à tenir compte de l’avis des autres, enchaîne autant de choix absurdes qui ébranlent à ce point nos institutions. C’est comme un temps suspendu. Un temps de sidération. Les choses, les lieux sont là, mais plus rien n’a la même saveur. Je m'étonne d'être de nouveau, dans l'insupportable microcosme du théâtre qui tient ici son rendez-vous annuel. J'y suis un peu malgré moi, car mes partenaires tenaient à ce que nous y retournions ensemble cette année. J'ai cédé à la pression du groupe. J'ai du plaisir à jouer ce spectacle, certes, mais je n'aime pas cette ambiance. Toutefois cette année, le contexte est si étrange, que cela rend l'affaire un peu plus piquante. 
Quel paradoxe, ce festival qui se tient dans une région chaque année un peu plus gangrénée par l'extrême droite nationaliste. 
Quoi qu'il en soit, hors du festival officiel, chacun est là pour vendre son produit. C'est le règne de l'ultralibéralisme culturel. On retrouve les réflexes habituels, chacun cherche à contacter spectateurs, programmateurs, tourneurs. Mais cela n'a aucun sens désormais. Ce secteur d'activité va être un des premiers à subir les foudres de ceux qui s'apprêtent à nous gouverner. On le sait depuis longtemps, ce ne sont pas vraiment des amis de la culture. Ils s'efforceront très vite de mettre au pas nombre de ces gens qu'ils considèrent comme de dangereux perturbateurs. 
  

 photo Guillaume Samama

Ce genre d'image et de propos n'aura sans doute plus cours d'ici quelques mois. Il faudra juste distraire le public, et surtout ne pas, en même temps, lui donner matière à réflexion. De tels spectacles deviendront tout simplement indésirables. Alors, profitons, tant que c’est encore possible du peu de liberté qu'il nous reste, et partageons cette pièce de Laurent Gaudé, « Cendres sur les mains » qui donne un peu à rire de notre misérable condition. Et gardons en mémoire ces mots de Kafka né un 3 Juillet qui sonnent si étrangement depuis peu : “Quand une fois on a accueilli le Mal chez soi, il ne demande plus qu'on lui fasse confiance. ”

lundi 1 juillet 2024

Comme si de rien n'était (2)

Voilà, 
dimanche soir, à Avignon, sur la petite place du cloître, si charmante.
Comme si rien ne s'était passé.

Publications les plus consultėes cette année