lundi 31 août 2015

Bonsoir Docteur


Voilà,
c'est dans "L'autre journal" publié par Michel Butel que j'ai, pour la première fois, lu le nom d'Oliver Sacks. C'était à propos de son livre "Awakenings" qui venait d'être publié en France, et qui bien des années plus tard a été adapté au cinéma par Penny Marshall avec Robin Williams dans le rôle du docteur et Robert de Niro qui fait une interprétation sidérante de Léonard un de ses patients. Plus tard il y eut "L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau" dont l'exergue est "Raconter la maladie comme un conte des mille et une nuits". Peter Brook en avait fait une mise en scène admirable d'intelligence et d'émotion. Je me souviens aussi de la lecture de "Sur une jambe" où il raconte une expérience personnelle de perte de proprioception. Vers la fin, il y évoque en quelques pages la sensation de convalescence avec une justesse et une acuité qui m'avaient alors beaucoup impressionné. Par la suite, je me suis réjoui de ses publications qui m'enchantaient à chaque fois et ses livres comptent parmi mes plus passionnants souvenirs de lecture. Ce neurologue doublé d'un  humaniste qui a su explorer avec une inlassable curiosité les dysfonctionnements du cerveau et leurs conséquences sur le comportement et la pensée, nous rappelle aussi que la médecine, à l'origine, était chez les grecs un art reposant sur l'intuition et basé sur l'écoute et l'échange. Il possédait un sens aigu du diagnostic.

dimanche 30 août 2015

Autoportrait au ciré rouge


Voilà,
j'en ai déjà fait un comme ça, il y a longtemps.
Finalement je n'ai pas trop changé, je trouve même que j'ai meilleure mine.

vendredi 28 août 2015

Fier et droit


Voilà,
Ce portrait c'est sûrement quelque chose d'important pour eux deux, surtout pour lui. La pose rigide, cet air sévère, suggèrent que l'homme veut à cet instant laisser une image définitive qui effacera les précédentes, l'image d'un patriarche fier et exemplaire qui, sa vie durant, n'a jamais plié devant l'adversité et dont le courage devra servir d'exemple aux générations futures. Et s'il se tient là, chez les anciens maîtres, c'est pour attester du chemin parcouru et donner forme à ce qui, peut-être, était une promesse qu'autrefois, il y a longtemps il s'était fait à lui-même.
première publication 28/08/2015 à 8:46

mercredi 26 août 2015

Obscur


Voilà,
"ce n'est pas en contemplant la lumière qu'on devient lumineux, mais en portant son regard sur sa propre obscurité, ce qui est beaucoup plus impopulaire parce que plus difficile". Je crois que c'est Jung qui a dit ça mais je n'en suis pas si certain. Enfin Jung ou pas Jung voilà une photo obscure d'une époque qui pour moi ne l'était pas moins. (Linked with the weekend in black and white)

mardi 25 août 2015

En songeant à une photo de Marcel Bovis


Voilà,
en écoutant une émission sur Simone de Beauvoir, il est à un moment question du café "Les mousquetaires" sur l'Avenue du Maine, où Sartre avait coutume de travailler lorsqu'ils habitaient dans un hôtel rue Cels. Je me souviens de ce café qui est aujourd'hui devenu un starbuck mais où demeure cependant la grande salle de billard au fond. Faisant une recherche pour savoir quand le café à changé de nom, je tombe sur cette photo de Marcel Bovis datant de 1935. J'ai essayé de refaire la même de nuit. Mais depuis 1935 le paysage a changé. L'avenue du Maine à cet endroit comporte quatre voies, de sorte que l'emplacement de la station de métro d'où ma photo â été prise se situe en fait une vingtaine de mètres en arrière. C'est pour cette raison que le café est moins visible.

lundi 24 août 2015

Dancers in the dark


Voilà,
au moins aurais-je tiré ça de cette soirée où je n'étais manifestement pas à ma place.
Ma visite dans la journée au musée Picasso m'aura aussi été très profitable pour cette expérimentation

dimanche 23 août 2015

Transpiration


Voilà,
le jeune homme porte un paquet plutôt encombrant, contenant semble-t-il une machine à café. Sans doute sort-il du magasin d'électroménager tout proche. Marchant deux pas derrière lui, les bras ballants, une femme beaucoup plus âgée, peut-être sa mère s'exclame "comment ça se fait que tu transpires comme ça, c'est nouveau ?!" Il fait quand même 26°, il est midi, et en plus cette connasse (oui il n'y a qu'une mère pour faire une réflexion aussi conne) semble ignorer quelques détails sur l'époque. Non mais franchement il y a des tartes dans la gueule qui se perdent. Un peu plus tard, me voilà face à ce mur. Je me souviens alors des Polaroïds qu'on prenait il y a une trentaine d'années quand on faisait des repérages. Ce mur, ce pauvre mur me paraît tout à coup digne d'intérêt, sans doute à cause de cette mauvaise herbe, seul signe de résistance dans cet univers minéral absurde. En même temps je m'aperçois que moi aussi je transpire beaucoup 

samedi 22 août 2015

Ces Temps modernes


Voilà,
sur ce cliché nombre de signes de notre modernité occidentale : la machine au centre qui propose des produits à consommer, sur la gauche un écran, une caméra en haut à droite, ces chaussures de sports utilisées dans la vie de tous les jours avec leur design très profilé. Ce qu'elle ne peut montrer : la possibilité de plus en plus envisageable que la folie meurtrière fasse soudain irruption. Ce qui là semble une banale et très ordinaire scène sur un quai de gare de banlieue, advient dans une région où la guerre a déjà commencé et où se fomentent de sombres et sanglants projets. Le massacre miraculeusement évité hier soir  dans un train grâce au sang-froid de deux marines en vacances en est la parfaite illustration. Il n'est désormais de déplacement qui ne soit sans danger. La terreur des "attentats aveugles" qui m'a saisi, enfant, pendant la guerre d'Algérie, et qui sans doute est restée, mais plus ou moins enfouie, je la sens de nouveau bien présente depuis quelques années.
Shared with The weekend in black and White

vendredi 21 août 2015

En sirotant un mojito


Voilà,
ce jour là, bronzée, splendide, vêtue simplement d'une robe légère rouge, ce fut comme une Apparition. Une autre fable s'est alors jouée : celle du grand chaperon rouge. J'étais le petit loup je l'ai dévorée des yeux. Ensuite j'ai regardé autour ce que le monde avait d'autre à m'offrir : seulement des images et des reflets. "Où que je sois je suis ce qui manque" ai-je alors pensé en sirotant mon mojito. Il me semblait avoir lu quelque part je ne sais quand, un poème qui commençait ainsi.

jeudi 20 août 2015

À l'abandon


Voilà,
il y a des larmes dans les choses, disait Virgile.
Je me souviens avoir éprouvé une certaine mélancolie 
à la vue de cette aire abandonnée du Jardin botanique de Belem

mercredi 19 août 2015

Fresque


Voilà,
cette magnifique fresque sur un mur près de chez moi,
à l'endroit même où j'avais autrefois remarqué celle-ci 

mardi 18 août 2015

Le Guetteur


Voilà,
Benjamin Grolleau ne peut s'empêcher de revenir de temps en temps sous cette fenêtre, juste pour l'apercevoir. Certaines fois elle est là, d'autres non. Mais il y a souvent cette blonde dont il ne sait d'où elle sort. C'est elle qui désormais s'assied sur la chaise où il avait coutume de prendre place (c'est fou comme on se fabrique des habitudes). Il ne l'a jamais vue parmi ses copines lorsqu'ils étaient plus ou moins ensemble. Un soir alors qu'il était venu lui rendre visite, au moment où il lui avait parlé à l'interphone, elle avait gueulé "casse toi sale connard, vas retrouver ta poufiasse". Et elle n'avait pas tardé à balancer par cette fenêtre ses affaires entassées dans un sac poubelle. Il les avait retrouvées toutes lacérées et déchirées, et son téléphone fracassé. Il ne faut jamais, quand on est un peu volage, oublier son portable chez une copine jalouse. Il se demande si cette blonde et elle sont ensemble. Tout est possible bien sûr, et il a bien l'impression que oui. Pourtant elle faisait des pipes extraordinaires. Et vraiment elle avait l'air d'aimer ça. Un mec n'aurait pas mieux fait. Il en garde un souvenir ému. En plus vers la fin, comme elle avait décidé d'arrêter de fumer et qu'elle faisait une considérable consommation de nicorettes à la menthe, ça lui picotait légèrement le gland, quand elle le prenait dans sa bouche. C'était rafraîchissant et ça prolongeait le plaisir qu'elle lui prodiguait. "J'ai tiré le Grolleau" plaisantait-elle parfois après qu'ils aient fait l'amour. Oui c'était bien. Qu'est-ce qu'il avait eu besoin d'aller fourrer sa queue ailleurs. Tout ça pour un peu d'exotisme, peau douce et sombre, âcres senteurs. Maintenant, il est là, dans la nuit chaude, allumant clopes sur clopes, à mater comme un con, à se demander si son ex n'a pas viré de bord. La petite robe noire qu'elle porte ce soir lui rappelle tant de souvenirs qu'il sent monter les larmes. Putain, manquerait plus que ça, qu'il se mette à pleurer maintenant. Ah et puis son dealer qui ne rappelle pas !

lundi 17 août 2015

Cristo Rei


Voilà,
est-ce parce qu'elle me manque terriblement ce soir ? Je repense à ce dimanche paisible où après une longue marche sur l'autre rive du Tage, et comme il nous semblait disposer d'un peu de temps, ma fille a eu envie de pousser la promenade jusqu'au monument du Christ-Roi. Le chemin était plus long que je ne l'avais supposé, et j'ai craint un moment que nous ne soyons en retard pour le match de football opposant le Sporting Portugal au club de Gil Vicente FC de Barcelos, auquel elle se faisait une joie d'assister (c'est comme ça elle aime le foot). Je me souviens avoir photographié ces touristes au pied du monument dans une certaine précipitation et avec un léger sentiment d'inquiétude. Mais finalement par la suite tout s'est bien passé : arrivés dans les temps, il fut très facile d'obtenir des billets et la soirée se révéla très agréable (il y eut des buts). Cette journée reste imprimée dans ma mémoire comme un moment d'enchantement de complicité et d'échange. Je m'étonne toujours d'être père, et aussi de cet amour-là.

dimanche 16 août 2015

En attendant les sushis


Voilà,
il n'y a pas si longtemps en attendant les sushis à emporter, il y avait cette fille près de moi  — elle avait une valise à ses pieds, j'ai supposé qu'elle revenait de vacances —, elle aussi patientait sur un tabouret pendant qu'on préparait sa commande. Malgré son look gothique, elle portait tout de même un short en jean. "Bigre, cela fait bien longtemps que je n'ai pas photographié de tatouages" ai-je alors pensé. (linked with Signs2)

samedi 15 août 2015

Née Rostopchine (un autre regard sur l'enfance et sur De Gaulle)


Voilà,
"Les vacances étaient tout près de la fin, les enfants s'aimaient de plus en plus". Il paraît que le Général de Gaulle tenait cette phrase de la Comtesse de Ségur qui ouvre l'avant-dernier chapitre du livre intitulé "Les Vacances" pour la plus mélancolique de la littérature française. Ça se discute.

vendredi 14 août 2015

Soft Machine Fifth


Voilà,
ces derniers temps je réécoute en boucle le cinquième album de Soft Machine. Celui dont la pochette d'origine représentait un cinq noir, sur fond noir (procédé qui a été réutilisé par Art Spiegelman en couverture du New-Yorker au lendemain de l'attentat du 11 Septembre). Cet album je l'ai découvert en 1973 parce qu'Agnès l'avait dans sa chambre de la rue de Vaugirard. Il est aussi associé à un souvenir très heureux du 22 mars 1974. C'était un bel après-midi ensoleillé pour commencer le printemps.



Cet album m'a toujours fasciné, surtout à cause du son du saxello qui fait la singularité de ce disque. Je ne connaissais rien au jazz moderne à l'époque, mais le climat de cet album excitait mon imagination, suscitait des images mentales, alimentait mes tendances contemplatives, stimulait les rêveries éveillées. Si j'essaie de me mettre dans de semblables dispositions aujourd'hui, je ne parviens pas à avoir la même disponibilité, Sans doute cette musique me ramène-t-elle trop loin en arrière vers quelqu'un que je ne suis plus et qui rêvait de devenir quelqu'un que je n'ai pas su être. Pourtant cet album me fait encore du bien et cette musique me saisit toujours. J'en aime le tempo, la cadence des morceaux, l'accord parfait qui existe entre les instrumentistes, qui tient souvent de la grâce et j'entends par ce mot quelque chose qui allie tout à la fois le charme et l'élévation.


Et puis c'est tout un cortège d'images lointaines que charrient ces notes. Ce fut la découverte d'un autre monde, de sensations nouvelles, d'émotions inconnues, la rencontre de gens ouverts et bienveillants, attentifs, aimants, préoccupés d'art et de culture, œuvrant à des tâches généreuses bien éloignées des rêves médiocres que l'on faisait pour moi et dont on cherchait à me convaincre qu'ils étaient salutaires pour mon avenir. Sans doute ma vie aurait-elle été bien plus pénible s'ils n'étaient pas devenus mes tuteurs. 
Tout semblait alors possible. Tout était expérience...

mercredi 12 août 2015

O Inglês



Voilà,
Cet endroit il l'a toujours connu. Il ne l'a jamais quitté que pour aller pêcher en mer, et à chaque fois c'était bon d'y revenir. C'est ici qu'il a fait ses premiers pas, à l'ombre des filets séchant sous de grands arceaux d'osier. Enfant, il a couru après les chats et les chiens, joué à cache-cache avec les copains parmi les barques bariolées en cale sèche. Plus tard, ici, jeune homme, il a dansé les soirs de fête, et c'est là, derrière la jetée, qu'il a échangé son premier baiser avec celle qui deviendrait sa femme. Pendant quelques jours, il y avait eu sur le belvédère ce gros et riche anglais avec son chevalet et sa palette dont personne n'osait s'approcher. La rumeur disait que c'était un grand chef de guerre et les anciens en parlait avec respect. Qu'un si grand homme portât autant d'intérêt au village qui les avait vus naître les rendait plus fiers encore. Un soir alors que l'anglais rangeait ses pinceaux et pliait son attirail, le père de Cesar Verdhelo — il devait avoir alors une dizaine d'années — l'avait prié de lui remettre le poisson frais qu'il lui tendait, emballé dans du papier journal. O Inglês l'avait accepté en riant et pour le remercier avait dessiné son portrait au crayon sur une petite feuille de papier qui demeura longtemps cachée entre les pages de son vieux missel. Comme si c'était un cadeau du Bon Dieu.
(Linked with Skywatch friday)

mardi 11 août 2015

Recopiée il y a bien longtemps


Voilà,
retrouvée dans un carnet, une citation recopiée il y a bien longtemps, bien avant l'apparition des ordinateurs domestiques. "L'angoisse muette de notre temps : est ce que les machines serviront les buts de l'homme, ou sont elles en train de fonctionner sans but. Question plus décourageante encore : travaillent elles à des fins qui leurs sont propres ou à des fins que nous ne contrôlons plus ?" (Bruno Bettelheim)

lundi 10 août 2015

L'Ineffable


Voilà,
depuis qu'il s'est cogné à la porte vitrée du magasin d'alimentation, le monde lui paraît plus indistinct, et son corps presque poreux, traversé de sensations jusque-là inconnues. Souvent Pablo Perdea se sent comme une feuille qui frémit sous le vent, et cette fragilité ne lui est pas désagréable. Il lui plaît de devenir peu à peu inconsistant, de se distraire de lui même, des souvenirs, et de toutes ces choses qui lui semblaient autrefois si importantes et auxquelles il n'accorde désormais qu'une attention distante voire de l'indifférence. L’instant qui passe n’est rien par lui-même mais il réunit tous les temps, le jadis le présent et l'avenir. Et, fugitif, labile, insaisissable dans sa toute puissance et sa fragilité il lui donne l'impression d'appartenir lui aussi à tous les temps, à la fois détaché de lui et immensément relié au monde. La vie n'a aucune obligation à son égard, il le sait, il pourrait aussi bien ne plus y être déjà. Un jour il avait commencé à rédiger la liste de toutes les fois où la mort l'avait frôlé, mais bien vite cette comptabilité lui avait paru absurde. Ce qui est sûr c'est que le bonheur de vivre n'aura tenu qu'à ces émois furtifs, ces moments de presque-rien où la pensée vagabonde avec les nuages, avec l'effluve d'un parfum, s'oublie dans la soudaine densité d'une lumière sur un paysage, se dissipe dans le chant du premier merle au matin ou la douceur de caresses prolongées et sans but que prodigue une amicale et bienveillante présence. Tout se mêle à présent : ces deux silhouettes assises face à l'océan et le mouvement de cette femme ramenant brusquement ses cheveux en arrière, une conversation récente où quelqu'un lui a appris que la lumière des toiles de Turner était due à l'explosion du volcan Tambora en Indonésie, une phrase lue dont il a oublié l'auteur : "un homme labyrinthique ne cherche jamais la vérité mais son Ariane", les bribes d'un rêve où Meudon était une station balnéaire...  Et dans la lumière de l'été, le jour est là offert comme le sourire d'un enfant rencontré par hasard.

dimanche 9 août 2015

L'Équation


Voilà,
il y a cette fille seule un peu plus loin au bord du Tage. Sa présence donne une couleur singulière au paysage et à cet instant une densité qui l'étourdit légèrement, lui qui la regarde. Son cœur bat soudain un peu plus fort parce qu'il la trouve émouvante comme ça, appuyée contre la colonne. Il se demande à quoi elle songe, ce qui a bien pu la mener là à cette heure, si elle est heureuse. Ou bien absorbée comme lui par une équation pénible à résoudre. Des hypothèses, il en entrevoit, il sent bien qu'il n'est pas loin de toucher au but, mais quelque chose lui paraît encore bancal dans sa démonstration. S'il regarde assez longtemps le paysage et la silhouette, il pourrait être en mesure de trouver quoi. Oui, une solution se cache sûrement dans l'émotion qui l'étreint. C'est quelque chose qu'il a déjà éprouvé. Et ça peut s'écrire en mathématiques. Il en a la certitude. Cette fille, il l'associe à une possibilité qu'il a seulement entrevue et qui s'est dérobée. Mais il ne parvient pas à se rappeler à quel endroit du raisonnement. Ça va revenir, oui. Il suffit de rester là. Si ça se trouve, elle est juste en train de téléphoner. (linked with skywatch friday)

samedi 8 août 2015

Dans le vague


Voilà,
"let me renew myself in the the midst of all the things of the world which cannot be connected". C'est Léonard Cohen qui écrit ça quelque part je ne sais plus où. Je m'y efforce, mais j'ai du mal à me concentrer. Je commence une action, je passe à autre chose et puis je m'égare. Le regard flotte. Je m'absente. Je ne suis ni là, ni ailleurs. Indifférent à ce qui m'entoure. Je ne trouve pas ça désagréable. Je vagabonde, je vagalame c'est tout. Je n'ai plus besoin de parler. Et la journée s'écoule sans que je n'ai fait grand chose. Parfois, entre pupille et conscience, des mondes flottent.

vendredi 7 août 2015

L'Emprise


Voilà,
de nouveau étreint par cette sensation d'urgence et de nécessité. Comme si dire et montrer étaient la seule issue possible la seule forme d'exorcisme pour évacuer ou plus exactement amadouer l'angoisse, qui d'ailleurs n'en est plus tout à fait une, puisque dit-on l'angoisse est sans objet. Or devant le faisceau de trop de signes concordants, une panique mêlée d'effroi vient au jour, une peur grandissante comme celle que provoque depuis la côte encore ensoleillée la vision lointaine d'un ciel lourd où s'amoncellent de sombres nuages que le vent portera bientôt dans votre direction. Et tout à coup cette stratégie semble ne plus être vraiment la bonne et cette volonté de mots et d'images paraît dérisoire, sinon vaine et inutile. Tant et tant de phrases de dessins de photos accumulés ces cinq dernières années. Certes, j'ai ainsi acquis l'estime de quelques inconnus, l'affection discrète et bienveillante de certains autres. Parfois se sont esquissés des correspondances, des échanges... Mais au fond, c'est toujours la même solitude, la même impression d'égarement et le même sentiment de perdition que j'éprouve à chaque fois, devant l'écran où s'alignent ces petits signes, comme autant de misérables gredins. Jamais me semble-t-il je ne connaîtrai de façon durable la paix intérieure. Jamais non plus mon prochain. Que vais je faire désormais ? Je me disperse dans l'infinie variation des formes à la recherche de significations pour annuler l'emprise despotique d'une tristesse qui me hante comme un amour fantôme.

jeudi 6 août 2015

Le quatrième envoi de Pierre

Voilà,
en fait Pierre a été très rapide à répondre aux propositions que je lui ai faites. Je lui ai suggéré d'en faire autant avec ses photos, mais pour le moment je n'en ai légendées que deux. Oui je crois vraiment que j'ai un problème avec les mots. Ils ne viennent pas facilement à la pensée dont ils sont trop souvent qu'une sorte d'anamorphose.



"Hors champ, un homme âgé. Il porte une casquette claire, des lunettes de soleil, des Rayban à grosses montures, un pull en laine bleue sur une chemisette à petit carreaux ; sa braguette est ouverte. Appuyé sur son déambulateur, Il regarde son fils qui regarde la mer. Sa vue est trouble, le temps calme. Il voudrait poser la main sur l’épaule de son fils. Quelque chose l’en empêche. Il ne sait pas quoi. Il n’a jamais su…" (Pierre Carrive)

mercredi 5 août 2015

Le troisième envoi de Pierre

Voilà,
je continue la publication des textes de Pierre Carrive. C'est étrange de se déposséder ainsi d'images associées à des moments rappelant des souvenirs précis bien que lointains. Et cela m'intrigue que l'on puisse y raconter autre chose que ce que j'ai vu. Ce qui me plaît dans ces vignettes, c'est qu'elles font exister le hors-champ, ou comme dans la précédente quelque chose d'invisible parce que trop lointain dans l'image. Bravo Pierre, ton inspiration ne tarit pas. Reviens quand tu veux.


"Hors-champ, le ventilateur est en panne. la pluie claque. Dehors, sous le porche, un homme attend. Il est vêtu tel Bob Morane dont, enfant, il était si friand des aventures : costume d’alpaga beige, semelles de crêpe. Il fume ; une camel sans filtre bien sûr. Il attend que cesse l’averse. Il n’est pas très sûr de revenir…" (Pierre Carrive) Linked with the weekend in black and white

mardi 4 août 2015

Le deuxième envoi de Pierre

Voilà,
je continue la publication des vignettes que Pierre a aimablement accepté de rédiger à mon intention, pour légender quelques photos que je lui ai envoyées. Août : il devrait faire du surf en ce moment. Mais un mal de dos l'en empêche. Alors en attendant il s'occupe. Plutôt bien à mon goût :-)


"Tout au fond, loin dans l’image, il y a un homme qui trime au coeur du cargo. Ce mécanicien vient des Philippines. il aime son métier. Seul avec ses machines. Sa salopette est couverte de graisse. Le bruit est lancinant. Il pense au petit hydravion de plastique blanc qu’il a acheté pour son fils lors de sa dernière escale…." (Pierre Carrive)

lundi 3 août 2015

Le premier envoi de Pierre

Voilà,
comment ça s'est passé : sur un réseau social de couleur bleue, j'ai vu des publications d'un ami qui légendait des photos, avec des petits textes qui me plaisaient beaucoup, concis et poétiques. J'ignorais qu'il avait ces talents d'écriture. Il faut dire que même si l'on se connaît depuis bientôt quarante ans – et on a vécu ensemble en ce temps-là quelques aventures artistiques joyeuses – nous ne nous voyons qu'une ou deux fois l'an. Je me suis mis donc en relation avec lui et je lui ai proposé de légender quelques images que je lui enverrais. C'est une chose dont j'ai envie depuis longtemps. Dans les années quatre-vingts j'avais eu envie de proposer ça à quelques auteurs et amis, mais par timidité je ne l'ai pas fait. Et puis les moyens de communication n'étaient pas aussi développés que maintenant. J'ai réessayé un peu plus tard avec A.L. qui tient un blog, mais il a décliné ma proposition. Donc cette fois-ci, ça marche, d'autant plus que Pierre, aussitôt reçues les images, a très vite réagi. Tout ça me plaît bien. D'une part ça me fait des vacances, parce qu'en ce qui me concerne, mon rapport aux mots est laborieux et conflictuel, ou du moins tendu. D'autre part ça me permet de prendre un peu de distance avec ce que je photographie ou fabrique et de sortir de mes gamberges un peu maussades. Enfin, ça me permet de partager, comme autrefois les improvisations que nous faisions avec d'autres sous le regard joyeux et bienveillant de Didier Flamand où nous donnions le meilleur de nous-mêmes. Et puis il y a quelques moments qui restent bien imprimés dans ma mémoire. Ceux que je nomme les moments poignants : un après midi printanier, nous sommes assis sur la pelouse de l'université de Censier avec Pierre et Elisabeth et on parle de théâtre, on a vingt ans... Un peu plus tard on passe des vacances à Hendaye en Juin 1982 dans la maison de ses parents. C'est de le début de la coupe du monde de Football en Espagne. Parfois le soir je vais voir des matches dans les bars. Il essaie de m'initier au surf... D'ailleurs à Paris il circule en skateboard alors que ce n'est pas encore la mode...
Donc ça c'est le premier envoi


"Hors champ, quelques vedettes, de petit bateaux de pêche côtière. Aujourd’hui il ne les regarde pas. Son regard a été happé par cette jeune femme à l’anorak clair, une écharpe autour du cou. Ce pourrait être sa fille…" (Pierre Carrive)

dimanche 2 août 2015

Dormir pour oublier (19)


Voilà,
parfois j'ai quelque scrupule à photographier les clochards, les sans-abri et tout ceux qui s'épavent sur les trottoirs. Mais Henri Cartier-Bresson en a fait de même après tout. Alors pourquoi s'interdire ce que les grands maîtres se sont autorisés. Celle-ci ne date pas d'hier. Je me souviens que c'était à la sortie du métro. Je regrette que la silhouette en arrière-plan ne soit pas plus au centre, mais il a fallu faire vite, quelqu'un entrait dans le champ par la droite et j'aurais perdu mon lecteur. Le regard est à la hauteur de celui d'un chien. Ça me plaît. D'ailleurs j'étais moi-même alors un chien. Errant et abandonné. Mais je n'en laissais rien paraître.

samedi 1 août 2015

Taper le carton


Voilà,
une photo volée à Funchal de deux chauffeurs de taxi jouant aux cartes sur un rebord de fenêtre en attendant le client. J'ai passé peu de temps dans la capitale de l'île. Il faudrait y revenir, y demeurer plus longtemps, trouver une pension paisible pour écrire... Mais ce ne sont là que des fantasmes. Écrire quoi d'abord ? Suis-je vraiment capable d'autres chose que de mes petites chroniques ? Et puis il est vraisemblable que tout au long de l'année des hordes de touristes se déversent sur la ville. Et que ce sera de pire en pire. Peut-être les Açores sont elles encore relativement préservées et que c'est plutôt par là que je devrais aller. On sent bien qu'ici à Madère les choses ont changé très vite. Le désenclavement est récent. L'argent de la communauté européenne acquis avec l'entrée du Portugal en 1988 a permis de gigantesques travaux d'infrastructure, à commencer par la piste aéroportuaire dont les colonnes qui la soutiennent sont impressionnantes. En trente ans, l'île à été creusée de tunnels routiers, sillonnée de voies rapides. Des viaducs traversent des vallées encaissées reliant des endroits autrefois difficilement accessibles, même si des régions comme l'ouest sont encore peu desservies. Des canaux pour contenir l'eau des montagnes abondante en hiver ont été aménagés, des écoles bâties. C'est spectaculaire et vaguement effrayant, car c'est aussi un bouleversement géologique considérable. Le béton, matériau assez peu usité voilà trente ans à peine, y a massivement été introduit. On a fait trembler ces montagnes à coup de dynamite pour y faire passer des tunnels, et l'on voit bien que ce n'est pas sans conséquence puisque l'ancienne route de la corniche qui permettait d'accéder à Porto Moniz par exemple, est interdite à la circulation à cause de chutes de pierres. Pour le moment, les habitants semblent contents puisque le retour sur investissement est considérable. Enfin peut-être pas tous. Certaines maisons qui donnaient sur la mer se sont retrouvées tout à coup devant une voie rapide, au pied d'un viaduc, sous un téléphérique, des propriétés ont été amputées, des terrasses sont devenues inutilisables, plongées dans l'ombre. Mais bon le tourisme est une manne en temps de prospérité. Rien ne dit que la prospérité va durer. On voit aussi dans les comportements que ce qui va avec le progrès n'a pas complètement été assimilé. Les chauffeurs roulent ici fenêtres ouvertes dans des tunnels routiers surpollués. D'ici quelques années ils s'interrogeront peut-être sur l'épidémie de cancers du poumon qui les accablera. En tout cas tout semble être allé très vite pour cette île. C'est pourquoi j'aime la photo de ces deux hommes qui semblent d'un autre temps

Publications les plus consultėes cette année