Voilà,
Karl Marx considérait que l’histoire se répète d’abord comme tragédie puis comme farce. Ce qui arrive aujourd'hui Outre-Atlantique est pire qu'une tragédie parce que c'est justement un redoublement de la farce. Personne ne pourra dire qu'il n'a pas été prévenu. On a vu le lascar à l'œuvre durant quatre ans, on a pu constater son ignorance crasse (notamment durant la crise du Covid), sa bêtise, ses incohérences, sa démence mentale, il y a eu les événements du Capitole et sa tentative de sédition, les 34 chefs d'accusations en justice pour des motifs divers. Tous les anciens présidents américains, même les plus cons comme Bush, des vice-présidents, des anciens leaders républicains, les chefs d'états majors, des anciens collaborateurs de Trump ont appelé à voter contre lui. Et pourtant le voilà réélu avec les pleins pouvoirs puisque les républicains sont désormais largement majoritaires au Sénat et peut-être même à la chambre des représentants. Ce n'est pas seulement la défaite du camps des démocrates, c'est la défaite de l'intelligence de l'humanisme, des valeurs qui ont fondé la démocratie américaine il y a presque 250 ans, c'est surtout le triomphe du populisme, de la force brute et obtuse, de l'égoïsme de la bêtise, de la misogynie de la vulgarité et de la haine.
C'est la récidive qui est consternante. Que le système électoral américain soit obsolète et absurde, c'est un fait, mais tout de même, plus de la moitié des votants ont apporté leurs suffrages à une canaille qui ne cache pas son jeu et revendique avec arrogance sa crapulerie. C'est cette adhésion qui questionne et stupéfie. Mais sans doute l'individu est-il, dans l'iconographie américaine un objet de fascination, comme le suggérait le photographe Andres Serrano. Dans son exposition "Portraits de l'Amérique" au musée Maillol, il y avait cette installation consacrée à Trump. "The apprentice" a pris sa revanche.
La servitude volontaire que j'évoquais il y a huit ans se confirme. L'empire romain a eu ses Caligula, ses Commode, ses Néron. L'empire américain a Trump. La différence, c'est que le peuple qui l'a choisi.
Hegel mettait l'accent sur la rationalité de l’histoire (on a le droit de rire de ce postulat) en ce sens que chaque étape, même tragique, permet à l’Esprit d’apprendre et de progresser. Apparemment une majorité des citoyens de États-Désunis est inapte à l'apprentissage. Mais peut-être qu'un hégélien verra l'émergence du néo-fascisme américain comme un moment de crise qui, par la négation de ses excès et la prise de conscience collective, permettra une évolution vers des systèmes politiques et éthiques plus équilibrés ⸮ C'est de l'ironie bien sûr. C'est hier que ce pays avait la possibilité d’un stimulant rendez-vous avec son Histoire. Au lieu de cela il a choisi de se perdre sur un chemin bien sombre, bien ténébreux.
J'ai souvent — quitte à passer pour un pessimiste dépressif — été plutôt lucide quant à la marche du monde, durant toutes ces années où j’ai tenu ce blog. Je n'en tire aucune fierté. Je préfèrerais être l'idiot du village et dessiner avec mes doigts. Je
ne me suis jamais fait beaucoup d’illusions sur la nature humaine. Je
me range à l'avis de Jean Rostand pour qui "L'humanité est une maladie de la terre. Sur les planètes saines il n'y a pas d'homme". Pourtant je n'imaginais pas que cette réélection se produirait. Je ne pensais pas que le choix délibéré de la connerie fut possible. Surtout après ce débat où il s'était couvert de ridicule. Mais bon, les gens qui votent pour Trump ne sont pas dans le domaine de la rationalité de l'intelligible et de l'argument, ils sont dans celui de la croyance. Et les faits ne pénètrent jamais le monde des croyances.
Et de plus, tout cela advient au pire moment de l'histoire de l'humanité, celui où sa survie est pour des raisons écologiques et climatiques, plus menacée que jamais, et que sa responsabilité dans cette situation n'est plus à démontrer . On pourrait penser qu'on a atteint le fond, mais non apparemment il sera toujours possible de creuser un peu plus, et l'on peut décemment redouter que le pire soit à venir.
Jamais autant d'ordures patentées et de crétins notoires n’ont accédé en même temps au
pouvoir en différents endroits du monde. A la différence des
dictateurs de la fin des années trente, ils sont nombreux aujourd’hui à
posséder en plus l’arme nucléaire. Bref, on n’a pas le cul sorti des ronces.
Cela va être difficile d’avoir l’esprit léger dans les années qui
viennent. Difficile aussi de s'en tenir aux préceptes du maître de Kopan.
Le weekend dernier, le dramaturge Wajdi Mouawad s’exprimait ainsi dans un entretien au journal Le Monde, : "Avec la probable victoire de Donald Trump,
disait-il nous allons entrer dans une ère où la violence comme mode
d’expression va se dessiner comme un droit allant de Washington à
Moscou, de Tel-Aviv à Téhéran, de Pékin à Washington. Le cercle se
referme sur notre époque. Entre la crise climatique et la crise
géopolitique, la faillite de cette époque est d’autant plus abyssale que
nous élisons ceux qui voient cette faillite comme une victoire. Comme il est chrétien et qu'il croit au salut de l'humanité et à la rédemption, il ajoute "Nous
allons devoir faire preuve d’une grande solidarité pour passer à
travers le cloaque qui approche et continuer à poser des gestes, si
petits soient-ils, pour sauvegarder notre rapport à l’autre. Un rapport
où la bonté et l’affection, comme des insectes en voie de disparition,
devront être préservées pour être repollinisées plus tard. Sans doute
pas de notre vivant. Pour nous, je crains qu’il soit un peu trop tard."
En exergue de cette publication, j'ai mis une photo du buste de Stefan Zweig, dont j'ai déjà parlé il y a quelque mois. Je crois qu'aujourd'hui, il ne prendrait même pas le temps d'écrire un livre avant de se suicider.
Violence as a fashion of expression. Well said
RépondreSupprimerYou are right. I can't think clearly at this point. I read Macron's message of congratulations. One can't expect one leader to express anything close to the truth to the President-Elect, That's enough. I need to sleep. Or I need to wake up..
RépondreSupprimerYes, it is a discouraging state of affairs. All we can do now is try to rescue our planet. If we fail to turn the climate crisis around, I fear that civilization is doomed.
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