Voilà,
je ne vais pas le cacher. Je suis comme nombre de mes amis, momentanément soulagé. Tout le monde craignait pire. Mais on sent bien que c'est un répit.
Je partage cette publication de l'écrivain Eric Pessan sur sa page facebook. Elle me semble assez pertinente : On se réjouit, j’ai dansé hier soir, j’ai trinqué à l’annonce du résultat surprise, on se réjouit, c’est normal, c’est humain, après toute cette tension, après ces semaines la boule au ventre, on se réjouit, mais de quoi exactement ? On se réjouit que la catastrophe ne soit pas un cataclysme ? Il faudrait une échelle de la peur en politique comme il y a une échelle de la puissance des cyclones. Jamais l’extrême-droite n’est passée aussi proche, jamais l’extrême-droite n’a bénéficié d’un tel soutien des électeurs, d’une telle place à l’Assemblée nationale. Ce matin j’ai la gueule de bois, pas à cause de l’alcool, la boule dans mon ventre est montée jusqu’à la tête, elle nidifie, elle a trouvé sa place, elle va y rester longtemps. On se réjouit, c’est une évidence, mais la peur est encore là. Hier soir, le restaurateur du village où j’habite postait "Les putains de gauchos passe (sic) au national, fait chier va falloir que j’aille demain chez gam vert acheter pelle, pioche et huile de coude". Hier soir, dans plusieurs villes, les gens spontanément descendus dans la rue fêter la victoire se sont heurtés aux forces de l’ordre. Alors, on se réjouit, mais les déçus du résultat sont encore là, le syndicat Alliance reste l’un des plus puissants au sein de la police, cette même police dont on a pu constater la violence ces dernières années. Nous vivons dans un pays où les déçus d’hier soir se tiennent sur le seuil de la violence. Nous vivons dans un pays où l’extrême-droite continue de progresser, même dans ses défaites. Les forces de gauche ont une responsabilité : ne plus nous décevoir. Hier soir, déjà, des voix individuelles s’élevaient là où nous espérions une voix commune, un nous qui nous rassemble et nous donne de l’espoir. On
se réjouit, on ne peut pas tout le temps vivre dans la peur, une amie
raconte sur ce réseau qu’en quittant la place de la République hier, les
yeux en larmes à cause des lacrymos, un CRS lui a dit « rendez-vous en
2027 ». D’ici là, le nous reste à construire. Pas un nous assemblé à la
va-vite, pas un nous de barrage, un nous d’adhésion, d’espoir, une
force, un nous idéal et rêvé.
Pour ma part, dès l'annonce des résultats il m'a paru que cette
alliance nouée à la hâte aura du
mal à tenir. Les résultats à peine énoncés les ego, les calculs
mesquins sont repartis de plus belle. Personne ne semble disposé au
centre et à gauche à faire des compromis, alors que nombre des
députés de ces formations doivent justement leur mandat à un compromis.
Des gens épris des valeurs de la république ont souvent offert leur
suffrage à des candidats dont il ne partagent pas les opinions pour
faire barrage au parti national-raciste. Ne pas perdre de vue pourtant que 10 millions de français, au premier tour ont donné leur adhésion à ce dernier.
Il
est étrange de constater que tant de citoyens de ce pays, et j'inclus
dedans — en vertu de l'adage "qui ne dit mot
consent" — ceux qui se sont abstenus de voter, souhaitent que leurs
intérêts soient gérés par les membres d'une
même famille, d'un clan dont on a pu souvent voir comment le linge sale
s'y "lavait" en
public. La violence et l'indélicatesse des uns et des autres, la soif de
pouvoir et l'absence de scrupules caractérisant les divers membres de la constellation Le Pen laissent facilement augurer des méthodes dont ils
useront quand ils auront en main les affaires du pays.
Mais de cela il
n'est guère tenu compte. Comment pourrait-il en être autrement quand on
constate le faible niveau d'instruction qui caractérise la majeure partie de l'électorat du rassemblement national. Ainsi que son inculture et son intolérance. Sans
parler de ces candidats recrutés à la hâte d'une bêtise et d'une incompétence crasse. Sans parler de ceux qui tiennent, sans retenue, des propos ouvertement racistes. Me revient en mémoire cette affligeante discussion amorcée dans une manif des gilets jaunes avec un jeune qui clamait
ouvertement son admiration pour Hitler. Ou il y a quelque année cette sortie
d'un élu du FN contre la mémoire d'Erik Satie dans lequel il voyait un
musicien gauchiste. Pendant des années les médias mainstream ont bien aimé parler des Le
Pen,
et de leur entourage. Ils les ont invités sur les plateaux, leur ont permis de propager impunément leurs idées pour augmenter
leurs taux d'audience. Ces derniers temps, ils ont semblé s'étonner du
péril qui les menaçait et les menace encore. Je ne sais pas s'ils s'en souviendront encore dans les mois à venir...
Mais bon, le ciel est bleu à Avignon, et les vieilles pierres de la cité papale invitent à les admirer en silence.