lundi 9 octobre 2023

Un Peintre de la Modernité

 
Voilà,
j'ai donc vu, le premier dimanche suivant son ouverture, l’exposition Nicolas de Staël au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Si j'ai manifesté une certaine impatience, c'est qu'il était fait beaucoup de bruit autour de cette manifestation — le plan media est parfait — et que je redoutais qu'il fut très vite impossible d’y accéder en raison d'une trop forte affluence.
Je n'ai jusqu'à présent pas accordé un grand intérêt à ce peintre. En fait j’avais, jusqu'à présent, vu assez peu de vrais tableaux ; surtout des reproductions. Pour promouvoir cette exposition, on n'hésite pas affirmer que sa peinture a ouvert une voie nouvelle, à la lisière de la figuration et de l’abstraction. On pourrait en dire tout autant des premières œuvres de Kandinsky. On sent d'ailleurs son influence, ainsi que celle de Domela et Magnelli dans les premiers dessins, dans ses fusains et pastels datant des années 40.
Très vite il opte pour l’abstraction. Il utilise des outils de maçon, des truelles, des racloirs, des spatules et sculpte en quelque sorte ses toiles obtenant ainsi des reliefs avec des matières très épaisses aux couleurs dans un premier temps sombres, plus vibrantes par la suite. "Pour peindre, il faut travailler beaucoup, disait-il, une tonne de passion et 100 grammes de patience". Pas mal de kilos de peinture aussi. Il faut aimer les empâtements. Si on a un problème avec la matière comme c’est le cas pour moi, De Staël ne passe pas trop bien. Je comprends mieux d'où vient le terme péjoratif de croûte attribué autrefois à certaines toiles.
Je ne remets pas en cause la démarche et ne conteste pas l’authenticité de la recherche de cet artiste. Ni son exigence. Que cela soit clair, ce n’est pas un jugement de valeur. C’est juste que sa manière me déplaît. Que quelque chose dans ce rendu me heurte. L’épaisseur, la lourdeur. "Parc des Princes", une grande toile de 7 mètres carrés pèse d’ailleurs près de 200 kilos tellement elle est riche en matière.
Pour ma part, j’aime et j'ai toujours aimé le lisse. Voilà pourquoi certaines périodes de son travail me laissent totalement indifférent et ont même tendance à m’agacer un peu. 
D’autres au contraire m’ont passionné.
L’exposition chronologique et didactique s'avère très intéressante car elle montre le cheminement du peintre, en particulier ses aller-retour entre figuration et abstraction. En outre près de 70 œuvres proviennent de collection privées dévoilant une part méconnue de son travail.  
J'ai déjà évoqués ses pastels de petit formats à fait étonnants, datant des années 40. Mais ses dessins préparatoires, ses croquis et même des collages m'ont également réjoui. En fait, me plaît sessentiellement tout ce qui témoigne du travail d'élaboration, et aussi plus tard dans le courant des années 50, toute la période suivant son voyage en Italie, en Sicile. Il en ressort des toiles extrêmement colorées où le ciel est vert, le sol violet, la ville jaune, les routes rouges. C’est la joie insolente de la couleur. Ça décomplexe le daltonien que je suis qui a tendance à saturer les couleurs sur certaines photos. Il traduit la violence de la lumière en usant de couleurs comme jaune citron,  vert émeraude, aubergine, orange. Durant cette période clé, il change sa manière de peindre, revenant à des surfaces plus lisses.
Et puis comment ne pas être sensible au destin tragique de l'artiste, à son instabilité qu'il a autant que possible tenue à distance en se réfugiant dans un travail acharné, épuisant. Ses démons l'ont finalement rattrapé puisqu'il mit fin à ses jours. La dernière photo qu'il reste de lui, prise dans la rue, la veille ou l'avant-veille de son suicide, par son galeriste je crois, le montre pourtant souriant.
C'est toujours mystérieux ce genre de décision. Il faut en tout cas une grande force morale et un grand courage pour passer à l'acte. 
Pendant longtemps j'ai confondu la mort de Yves Klein et celle de Nicolas de Staël. Klein ne s'est pas suicidé, il est mort jeune d'une crise cardiaque. Mais il y a cette photo qui s'appelle l'envol, ou le saut dans le vide, je ne sais plus, que j'associe toujours au geste de Nicolas de Staël qui s'est jeté de sa terrasse de l'immeuble où se trouvait son dernier atelier.
Autre étrangeté que j'ai remarquée : parmi les premières œuvres de Nicolas de Staël, de nombreux tableaux représentant des mouettes. On retrouve celles-ci dans les toutes dernières toiles. Curieuse coïncidence.
Il est possible que j’en revienne ultérieurement à reparler de ce peintre. Je ne publie dans ce post aucune reproduction de son travail. J’encourage mes lecteurs à fureter sur le net.
À la sortie de l’exposition, je n’ai  pu m’empêcher de faire quelques photos. Sans doute ai-je repensé aux tableaux de la période grise. Ce ne sont pas ceux que je trouve les plus intéressants. Mais ils m’ont amené à considérer le muret qui longe l’avenue de Iéna d’un œil différent. Oui out à coup ce mur que j’ai aperçu de nombreuses fois près duquel je suis souvent passé m’est apparu d’une façon totalement autre, et j’ai eu envie de photographier quelques fragments. Celui-ci me semble particulièrement intéressant.
Après tout, n’est-ce pas une des vertus de l’art que de transformer notre regard sur les choses ? De leur restituer une puissance qui souvent passe inaperçue, d'agir comme un révélateur

*
 
J'avais autrefois écrit un texte intitulé "S'oublier". J'y repense bien évidemment aujourd'hui pour des raisons qu'il m'est pénible d'évoquer. Il a un rapport avec l'abstraction et les vertus que je lui trouvais alors. Seront elles encore secourables au regard de ce qui s'est introduit dans ma vie. Je l'ignore. Toujours est il que j'ai retrouvé dans mes affaires ces images réalisées un peu plus tard. Toujours dans le même style. Un peu obsessionnel.
 
 
 
 
Je suis encore étonné de les avoir conçues. Cela ressemble à ceci ou bien à cela qui accompagnait de jolis textes qui me plaisent encore à l'heure qu'il est. C'était mon époque deleuzienne (), j'étais fasciné par les plis. Je théorisais un peu la question. C'était une période tourmentée de ma vie. Autrement moins qu'elle ne l'est à présent. Je faisais de l'art brut numérique. Au lieu de couvrir des pages d'écriture asémique (quoique cela aussi il m'est arrivé de le faire à une certaine époque), je tordais des images

*
 
Sinon, je sais — comment ne pas le savoir on ne parle que de ça dans les journaux, à la radio, sur la toile — qu'il se passe en ce moment des choses atroces au Moyen-Orient, des actes terroristes qui dépassent l'entendement. Il arrive aussi des choses effroyables en Ukraine (cela risque de durer), dans le Haut-Karabakh, au Soudan, dans la société iranienne, en Afghanistan, au Congo, dans de nombreux pays d'Afrique et dans tant d'autres lieux dont on ne parle pas. Il y a des désastres écologiques qui affament des populations, les réduisent à la misère au dénuement en de nombreux endroits du monde. Mais, je ne peux pas y penser, car d'autres événements qui défient pour le moment ma capacité d'analyse occupent tout mon esprit.

6 commentaires:

  1. These paintings are very good. Another war added to the Talley.

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  2. Merci pour cette chronique personnelle sur l'expo.
    Je n'ai jamais vu "en vrai" aucun tableau de lui et j'ai toujours aimé les formes et couleurs de "Paysage Méditerranéen"; après t'avoir lu je me pose des questions sur les couches, les kilos de peinture, le relief....de peinture en sculpture?

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  3. I prefer the three abstracts at the bottom. I think some of your "state of mind" images remind me of his work-- but that could be faulty memory. The world is too much with us.

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  4. I love the three images side-by-side toward the end of your post - so lovely!
    Thank you for joining us this week at http://image-in-ing.blogspot.com/2023/10/the-teapot-show-cedar-creek-pottery.html

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  5. Beautiful images. Thanks for joining us at Tag Tuesday!

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  6. Lovely work! Thanks so much for sharing with us at Tag Tuesday.
    Pinky

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