Voilà,
pendant le grand confinement, par une douce fin d’après-midi je me suis,
conformément aux règles en vigueur, autorisé une petite virée dans mon
quartier en écoutant au casque « Dove » de Cymande, et c’était très
bien. C'est là que j'ai pris cette photo avec ces vers d'Apollinaire écrits sur le mur. A
l'époque on pouvait sortir une heure par jour, sans masque, puisqu'il
n'y en avait pas de disponibles ni dans les pharmacies ni dans les supermarchés
pendant le grand confinement j'ai appris le mot "ultracrépidarianisme" qui désigne le comportement qui
consiste à donner son avis sur des sujets sur lesquels on n'a pas de
compétence crédible ou démontrée. Même si on a déjà "Outrecuidance" qui est assez élégant.
pendant le grand confinement j'ai été content que mon impuissance à agir soit considérée comme une vertu et je suis donc resté à la maison à ne rien foutre sans aucun problème
pendant le grand confinement, tout au début, les Rolling Stones ont sorti un de leurs meilleurs morceaux depuis longtemps intitulé "living in a ghost town" qui collait terriblement à l'actualité.
pendant le grand confinement, je suis devenu retraité, et j'ai compris que ma vie basculait dans une plus grande précarité
pendant le grand confinement j’ai appris que notre économie s’effondre dès qu’elle cesse de vendre des trucs inutiles à des gens surendettés, qu’il est possible de réduire la pollution, et que ce sont les personnes les moins bien payées qui sont les plus nécessaires à la population,
pendant le grand confinement j'ai pour la première fois entendu parler de "la théorie du nudge" autrement nommée théorie du paternalisme libéral un concept des sciences du comportement, de la théorie politique et d'économie issu des pratiques de design industriel, qui fait valoir que des suggestions indirectes peuvent, sans forcer, influencer les motivations, les incitations et la prise de décision
des groupes et des individus, au moins de manière aussi efficace sinon
plus efficacement que l'instruction directe, la législation ou
l'exécution. C'est ainsi que les petites mouches peintes dans les urinoirs de certains cafés participent de ce concept pour inciter les mecs à pisser bien au milieu de l'urinoir
pendant le grand confinement j'ai sensiblement amélioré ma culture musicale et considérablement mon tour de ventre
pendant le grand confinement j'ai appris que Maurice Martenot l'inventeur des ondes, dispensait gratuitement ses cours, qu'il donnait aussi des cours de yoga, et qu'il organisait des séances d'écoute ayant permis à des musiciens de découvrir le son du gamelan
pendant le grand confinement un jour en fin de journée j'ai poussé à pied jusqu'à Saint Germain-des-prés. Dans la lumière déclinante un parfum de violette se répandait sur la place Furstemberg déserte. Des pétales de fleurs secouées par la pluie tapissaient le sol encore humide au pied des quatre grands paulownias qui, lorsque le soleil est au rendez-vous dispensent, au passant qui s'attarde dans les parages leur ombre bienveillante et chargée de senteur. Les fantômes de Delacroix, de Monet de Bazille qui eurent leur atelier ici, rôdaient peut-être aux alentours, maintenant que la ville était rendue à un silence de couvre-feu
pendant le grand confinement, j'ai assez peu écouté les nouvelles à la radio et encore plus rarement à la télévision, mais bon cela m'arrivait tout de même parfois. On y voyait des journalistes dispenser leurs analyses leurs points de vue, parfois même des leçons de savoir-vivre depuis chez eux, et l'on pouvait s'apercevoir à quel point ils vivaient, dans des endroits raffinés parfois luxueux, et combien ces gens là, toutes tendances confondues, constituent une aristocratie bien éloignée du populo auquel ils s'adressent
pendant le grand confinement, j’ai beaucoup regardé instagram, et facebook
linked with monday murals
C'est charmant comme une balade dans Paris, votre prose, j'ai l'impression d'entendre une ritournelle de baloche à l'accordéon, une petite voix lancinante à la Piaf qui court dans les ruelles. Une nostalgie grinçante d'orgue de Barbarie qui dépeint notre ère, comme s'il nous était donné de consommmer depuis son passé le calme qui suit les explosions. Cela résonne avec Le Dernier Métro, de Truffaut, que je viens de revoir.
RépondreSupprimerComme un étrange privilège de voir ce qui s'est déjà passé alors que ce n'est pas encore arrivé. Vous me parlez d'un monde englouti, mais je sais où il est, c'est celui de demain, quand nous ne serons plus là pour donner du sens à ce qui est arrivé, ce qu'ils ne pourront pas faire parce qu'ils n'ont pas connu "avant", le temps de Delacroix.
Il faudrait mettre cela en musique, à la Boris Vian...
RépondreSupprimerNobody is more glad than I am that Mick and his Moss-Rejecters are still at it-- but there's more than a little similarity to the tune of "No One To Depend On" by Santana. A marvelous description of the mood of the great confinement, mon ami. One of the greatest benefits of these blogs is that I am exposed to what you let us see through your eyes.
RépondreSupprimerPendant le grand confinement j'ai tout fait et rien fait... Great writing, Arnaud, and I love the new word, ultracrépidarianisme. Applies to most politicians, and many more.
RépondreSupprimerGreat writing. Everything is strange and foreign, too many people with too many opinions and we no longer know who to believe.
RépondreSupprimerThanks for participating in Monday Murals.
You make it sound almost pleasant. Personally, I don’t mind the inner life but I like a change of scene sometimes. I want to see glaciers and jungle, not just riparian forest.
RépondreSupprimerstay safe (or maybe be wild?)... mae at maefood.blogspot.com
Boa tarde meu querido Kwarkito parabéns pela matéria.
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