lundi 28 février 2022

Puissance maléfique



Voilà,
les réactions à un précédent post, que l'on trouvait sombre et pessimiste — il s'agissait d'une évocation de l'espèce humaine par Jacques Sternberg — n'ont pas manqué de me surprendre. Non seulement l'Histoire, mais aussi l'actualité la plus récente nous prouvent quotidiennement que l'humanité n'est pas très reluisante. Il est désormais évident qu'elle s'épanouit plus fréquemment dans la manifestation du mal que dans l'expression de la bonté. Le tropisme suicidaire et destructeur qui la caractérise paraît en outre se confirmer de jour en jour. Qu'on s'étonne du contraire me déconcerte. D'ailleurs même les religions, qui ne l'oublions pas sont une invention de l'homme, ont considéré que celui-ci, d'emblée avait quelque chose à expier.
Est-ce parce qu'elle s'est elle-même supposée porteuse d'une faute originelle que l'humanité s'est comportée comme une puissance maléfique ? A-t-elle a compensé sa faiblesse initiale qui, dans ses premiers âges, la rendait particulièrement vulnérable par un exceptionnel sens de l'adaptation et une singulière capacité à formuler et donc à transmettre sa pensée ? En cela, pour sûr, elle constitue une exception dans le domaine des vertébrés. Mais comme elle a perçu la Nature comme une puissance hostile et menaçante, elle s'est acharnée — non sans génie, comme lorsque dans l'île de Madère, elle a construit, à flanc de montagne ces canaux d'irrigation qui ont dû coûter bien des vies — à la domestiquer parfois, le plus souvent à l'asservir. 
La volonté de puissance est au principe même de l'espèce humaine. À présent elle est sans limite. Depuis qu'il est parvenu à plus ou moins maîtriser l'atome, à s'extraire de de la gravité pour aller faire sur la lune ce petit pas dont il espérait qu'il serait un grand bond, l'homme semble désormais vouloir tout détruire autour de lui. Et c'est avec une sorte d'effarement, de sidération que l'on en vient à constater tous les ravages dont se rend coupable l'espèce humaine. 
Bien sûr, il en est qui alertent des dangers, mais ils ne sont pas assez puissants. Ce ne sont pas les Chefs, les dominants de l'espèce qui réagissent de la sorte. Ce sont des jeunes, parfois même des enfants, dont on raille l'inquiétude. Comment cette espèce qui a su parfois s'exprimer de façon subtile et sublime, en est elle arrivée là ? Elle a inventé la musique, la peinture. Elle a érigé des monuments extraordinaires. Elle a inventé l'art de guérir... Mais elle a aussi conceptualisé les notions de Dieu et d'Absolu, et inventé des machines meurtrières dont la vitesse excède son temps de réaction. 
Nous disparaîtrons probablement plus vite que les dinosaures. Un autre cycle de vie, nous succédera et s'adaptera à cette planète que nous nous sommes, en particulier au cours de ces deux cents dernières années, tant acharnés à ravager. Continuons donc, avec cette allégresse stupéfiée qui distingue les maîtres de ce monde, notre course folle à la consommation et à l'armement, au pillage des ressources, au suicide collectif. Nos traces s'effaceront, les divinités stupides que nous avons inventées retourneront au silence et au néant. Les petites crevettes qui, au fond des océans, vivent à proximité de volcans sous marins pourront à leur tour prospérer, et c'est très bien comme ça. J'espère seulement que les fougères apparues sur terre il y a plus de trois cents millions d'années, continueront de s'épanouir après notre nuisible et fulgurant passage.

dimanche 27 février 2022

Temps déraisonnables

Voilà,
un joli trompe-l'œil aperçu à Nantes, avec deux boîtes électriques peintes elles aussi. J'ai réalisé quelques photos là-bas, mais je n'avais pas trop la tête à ça. J'étais pris entre l'émotion suscitée par la mise en place et l'émouvante réception de la forme brève du spectacle de Sophie T. présentée devant une assistance constituée de médecins, et la sidération provoquée par l'agression de l'armée russe sur le territoire ukrainien ainsi que par l'effrayante détermination et la folie destructrice de Poutine que rien ne semble pouvoir arrêter. 
Cette image qui évoque un monde paisible, convivial, où il fait bon partager le vin, semble en totale contradiction avec les temps déraisonnables que nous vivons. Alors qu'il faudrait faire preuve de solidarité au niveau mondial pour répondre aux défis que l'humanité doit relever en raison des périls écologiques qui la menacent, Poutine et son gang d'oligarques ne trouvent rien de mieux que de créer encore plus de chaos dans ce monde si dangereusement menacé. 
Quel sens trouver à notre présence sur terre ?
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vendredi 25 février 2022

Invasion


 
Voilà,
C’est dans la salle du petit-déjeuner dont la baie vitrée offrait ce paysage et ensuite dans la chambre du Novotel de Nantes situé à proximité du Palais des Congrès et où j'ai porté pour la première fois un pyjama gris que j’ai appris, hier matin, avec un effroi certain, la brutale déclaration de guerre de Poutine immédiatement suivie de l’invasion de l’Ukraine par les chars russes. 

jeudi 24 février 2022

Perspective éphémère

Voilà,
j'aime bien saisir, dans Paris, des perspectives éphémères. Cette trouée insolite offrant un point de vue sur la tour Montparnasse ne durera que le temps des travaux à l'emplacement de l'ancienne maternité et de l'hôpital pour enfants Saint Vincent de Paul. Il m'était arrivé de m'y rendre lorsque ma fille était toute petite, car s'y trouvait le service d'urgence pédiatrique le plus proche de chez nous. Après la fermeture de l’hôpital, cet endroit devint, durant quelques années un lieu alternatif qui s'appelait "les grands voisins". D'ici peu tout cela sera transformé en un ensemble d'appartements et constituera ce que la mairie nomme pompeusement un écoquartier. Je demande à voir. À part ça, Gary Brooker, la voix et le pianiste de Procol Harum est mort. Je n’ai jamais compris le sens de « wither shade of pale », mais c’est un peu de mon enfance qui prend la tangente…

mardi 22 février 2022

Who's Mister Bones

 
Voilà,
je dois avouer ma parfaite ignorance, je ne connaissais pas la marque Kiehl's, je ne savais absolument rien de Mr Bones, et j'ai été très étonné de le croiser à la Samaritaine, ("on trouve tout à la samaritaine") grand magasin du centre de Paris dressé entre les quais de Seine et la rue de Rivoli, autrefois très populaire — son rayon bricolage en sous-sol était à juste titre fort réputé — et, après des années de travaux, transformé depuis un an une grande surface de luxe. Donc je me suis renseigné sur internet pour en savoir plus, et j'ai beaucoup appris sur cette vénérable institution. J'offrirai peut-être à ma fille une Original Musk Oil, ou comme Andy Warhol me paierai-je de la Blue Astringent Herbal Lotion. De toute façon Google n'a pas perdu de temps pour m'envoyer des notifications par mail pour m'avertir des offres promotionnelles de cette vénérable marque sur laquelle j'en sais beaucoup plus quant à sa localisation géographique à New-York, son marketing, et son autonomie au sein du groupe L'Oreal qui l'a racheté il y a peu.  Je n'en ai pas grand chose à foutre en l'état actuel des choses, à l'heure ou de séniles chefs d'Etat blancs, aux vieilles bites flaccides, compensent le peu de testostérone qu'il leur reste par une furieuse avidité à se castagner par armées interposées. Il ne seront bientôt plus de ce monde, qui est encore cependant leur terrain de jeu, leur bac à sable, et il veulent en profiter jusqu'au dernier moment, pourvu que ça saigne. Pendant ce temps là les chinois, investissent, misent sur la recherche, développent leurs infrastructure et leur marché intérieur et comptent les points. Selon les courbes de Meadows conçues en 1972, la population devrait commencer à décroître d'ici 2030. Pandémies, guerres, famines à venir dues aux sécheresses de plus en plus fréquentes, accident nucléaire majeur qui ne tardera pas à se reproduire tôt ou tard, oui haut les cœurs on devrait peut être y arriver... Allez, une petite tisane et hop ! au lit.
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lundi 21 février 2022

Caché

Voilà,
chaque fois que mes pas m'entraînent, ces derniers temps, du côté de la place du Palais Royal, mon attention est bien évidemment attirée par cette structure en trompe-l'œil qui dissimule en fait un ensemble de cabines de chantier. Le procédé est élégant autant que sa réalisation neo-classique, réplique agrandie d'un angle de la rue Saint-Honoré. A noter aussi, cette petite tente blanche, caractéristique du paysage parisien, et sans doute aussi de la plupart des villes et des villages français depuis l'apparition des tests PCR et antigéniques il y a un peu plus d'un an. De nombreuses pharmacies ont la leur afin qu'on puisse s'y faire contrôler si nécessaire. Un signe des temps en quelque sorte.

vendredi 18 février 2022

Formicidés



Voilà,
hier soir à la cinémathèque où je n'étais pas retourné depuis longtemps, j'ai vu "Phase IV", l'unique film de Saul Bass, ce graphiste génial, surtout connu pour ses affiches de films et surtout ses incroyables génériques conçus et cosignés pour la plupart avec sa femme Elaine pour Preminger , Hitchkock (notamment l’introduction célèbre de "Psychose") et même Scorcese ainsi que de nombreux autres réalisateurs. Réalisé en 1974 sur un scénario original de Mayo Simon, le film raconte l'histoire d'une expérience qui tourne mal.   
Le Dr Ernest D. Hubbs, scientifique issu d'une grande université, a découvert qu'un signal venu de l’espace serait la cause de la perturbation du comportement de certaines espèces de fourmis, en Arizona : malgré leurs différences, elles s'unissent, pour éliminer des prédateurs communs et construire des structures inhabituelles. Comme elles semblent faire preuve d'intelligence et de stratégie, Hubbs soupçonne qu'elles peuvent représenter un danger pour l'humanité. Il s'associe avec son collègue James Lesko pour en faire une étude plus poussée. Ils font alors évacuer la région, construire un laboratoire de pointe et commencent à étudier le comportement des bestioles.
Je ne vais évidemment pas divulgâcher ce film qui fut malheureusement un échec commercial.
Lors de cette séance, la fin prévue par le réalisateur, et coupée par les producteurs, fut immédiatement projetée. Plus onirique, graphique et psychédélique que la version commerciale, elle apportait une dimension esthétique supplémentaire dans la veine de ses précédents travaux, constituant la phase IV qui donne son nom au film qui dans sa version publique n'en comporte en fait que trois.
Si, paradoxalement, le film ne possède pas de générique, il s'ouvre cependant sur une longue séquence d'au moins quinze minutes mettant en scène de vraies fourmis en action (parfois en vitesse accélérée, parfois en surimpression sur d'autres images). Cette succession de plans savamment organisée se révèle d'emblée très inquiétante instillant l'impression que ces fourmis constituent une menace, non seulement parce qu'elles participent d'une intelligence collective, susceptible de suivre un dessein précis et organisé, mais aussi parce que certains gros plans où seules leurs têtes sont cadrées les rendent particulièrement effrayantes. 
En sortant de la salle, je me suis rappelé que j'avais, pour répondre à un souhait de Colo qui désirait une illustration, réalisé ce collage il y a quelques années.  

jeudi 17 février 2022

J'aime / Je n'aime pas (15)

 
Voilà
j'aime faire découvrir à ma fille des grands classiques du cinéma mondial
je n'aime pas être obligé de m'asseoir pour mettre mes chaussettes et mes chaussures
j'aime réaliser de nouvelles recettes de cuisine
je n'aime pas céder à la tentation de manger des aliments dont je sais qu'ils sont pourtant mauvais pour ma santé
j'aime les morceaux de jazz où il y a du vibraphone et c'est encore mieux s'il y a aussi un orgue hammond
je n'aime pas bricoler même si j'ai une grande satisfaction lorsque j'y suis parvenu
j'aime mon gel douche à la verveine, qui me rappelle les bonbons PEZ de mon enfance, et tant pis si c'est un parfum de synthèse
je n'aime pas que mes employeurs payent avec beaucoup de retard
j'aime emprunter une ligne de bus que je ne connaissais pas  et découvrir de nouveaux trajets (j'ai des plaisirs simples)
je n'aime pas qu'on réponde "c'est une excellente question" à celle qui vient d'être posée
j'aime les stades de rugby ceints d'un terre plein recouvert de pelouse en guise de gradins comme l'Owen Delany Park à Taupo
je n'aime pas subir ces cauchemars récurrents où il est questions d'assassinats terroristes
j'aime découvrir un compositeur dont l'œuvre m'était totalement inconnue
Je n’aime pas quand la lunette des chiottes ne tient pas verticalement
J’aime les filles qui ont peu de poitrine je les trouve très émouvantes, comme si leur enfance n'avait pas voulu abdiquer
Je n’aime pas le groupe de cinéphiles prétentieux qui parlent très fort entre eux avant les séances de la cinémathèque en faisant étalages de leur savoir et assénant des jugements définitifs sur les films qu’ils ont vus
J'aime aussi les filles avec de la poitrine
je n'aime pas trier les papiers les revues et les journaux
J’aime me limer les ongles
 je n'aime pas constater que je raconte toujours les mêmes trucs sur ce blog depuis douze ans
j'aime l'élocution parfois précieuse et un peu surannée de certains animateurs de France-Musique
je n'aime pas l'apparition de symptômes que j'ignorais jusqu'à présent
j'aime les matinées du dimanche à la Comédie Française surtout pendant les vacances de Noël
je n'aime pas me sentir contraint par mon emploi du temps
j'aime bien la photo qui ouvre ce post
 je n'aime pas devoir subir dans les transports en communs les conversation telephonique des autres 
J'aime cette version de "Don't blame me" par Thelonious Monk, mort il y a quarante ans un 17 février

dimanche 13 février 2022

Paresse

 
Voilà,
par hasard je suis tombé sur cette citation de Françoise Sagan, que je n'ai malheureusement guère lue, mais que je trouve tout à fait pertinente en la circonstance : "Il est très difficile d'être paresseux, car cela suppose d'avoir assez d'imagination pour ne rien faire, ensuite d'avoir assez de confiance en soi pour n'avoir pas mauvaise conscience de n'avoir rien fait, et enfin d'avoir assez de goût pour la vie, afin que chaque minute qui passe semble suffisante en elle-même, sans qu'on soit obligé de se dire : j'ai fait ceci ou cela. Ne rien faire implique aussi d'avoir de très bons nerfs et que la considération des autres, le fait de se prouver à soi-même qu'on est capable, sont des lettres mortes". Pour ma part, j'ai encore du mal à résister au sentiment de temps perdu, alors qu'en fait, sur le moment, j'éprouve un réel plaisir à ne rien glander, même si cette paresse doit beaucoup à la fatigue quasi ontologique qui me caractérise. Le problème avec la paresse, c'est qu'elle engraisse. La sédentarité augmente les risques cardiovasculaires. Il faut donc flâner aussi, traîner. L'hiver n'incite guère à sortir. Vivement que le temps s'adoucisse, et que je passe un peu plus de temps dehors. 
Cette photo je l'ai prise en Mars dernier, à l'approche du printemps. Si je me souviens bien, il y avait une sorte de semi-confinement. Les rues étaient plutôt désertées, malgré les premiers beaux jours. Ce bas-relief, je ne l'avais jamais remarqué auparavant. Ceci-dit la rue du Jardinet est une sorte d'impasse sans commerce que je n'emprunte jamais, assez peu fréquentée, ce qui fait sans doute son intérêt en plein centre de Paris.
J'ai un souvenir un peu mitigé de cette période. J'avais contracté le covid fin février. J'étais très fatigué. J'avais eu, courant janvier quelques échanges téléphoniques avec mon oncle à peine plus âgé que moi qui ordinairement téléphonait peu. Je ne peux pas m'empêcher, aujourd'hui de songer à lui qui avait décidé de changer tout un tas de choses dans sa vie sentimentale, domestique, pris des résolutions — j'ai gardé les SMS que nous somme envoyés durant les six premiers mois de l'année — et qu'une maladie foudroyante a emporté fin août. Je ne parviens pas non plus à oublier la solitude et le sentiment d'injustice et d'abandon éprouvés aussi à l'époque pour d'autres raisons. Heureusement qu'il y a eu ce spectacle qui s'est esquissé courant mai, et qui d'une certaine façon a imposé une sorte d'objectif et de discipline. Cela m'a tenu en haleine pour quelques mois, et j'ai retrouvé le goût, non seulement de jouer, mais aussi une sorte de légèreté. Et puis c'est toujours bon de retrouver des amis perdus de vue depuis longtemps ou de croiser des inconnus après le spectacle. Je regrette juste que cela finisse bientôt. J'espère que je vais être capable de profiter du temps libre pour faire quelques escapades. Que rien de contrariant ne m'en empêchera.
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samedi 12 février 2022

Divaguer

 
Voilà,
un jour à la radio, j'ai entendu la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, révéler son incapacité à se souvenir, ce qu'elle qualifiait même de pathologie. Plusieurs fois aussi, elle se définit comme psychorigide. A un moment, elle explique que son rapport à l'écriture s'est d'abord déterminé sur une notion quantitative. Très tôt elle s'est astreinte à produire 8000 signes par jours. Elle est même allée jusqu'à s'en imposer 24 000, avant de constater qu'ainsi elle risquait de se faire trop de mal. Elle est revenue à 16 000, qui lui paraît une norme raisonnable, ce qui représente à peu près cinq pages A4 avec une police de 12. Cette discipline lui est nécessaire. Ce n'est qu'ainsi que la réflexion peut émerger. Peu importe, dans un premier temps, la qualité. Elle admet aussi son incapacité, bien qu'elle en soit une fervente lectrice, à produire des œuvres ou de fictions ou poétiques. Écrire, pour elle, consiste à formuler des hypothèses, à construire des raisonnements, éclaircir le maquis de sa pensée. 
 
J'admire les gens qui parviennent à s'imposer de telles contraintes, à décider d'un emploi du temps, à établir des plans, à organiser leur journée. J'ai l'impression pour ma part d'aller de-ci de-là. J'ai besoin de marcher, de me promener, de divaguer, ou bien de paresser. Regarder me suffit. Témoigner, transformer, transmettre, agencer, bidouiller, traficoter, jouer au théâtre faire rire, dire des bêtises, ça j'aime bien. Je sais un peu le faire. Je ne sais plus qui affirmait, qu'il faut faire sérieusement des choses pas sérieuses. Je crois que c'est à cela que j'ai employé toute ma vie. Je ne peux d'ailleurs pas faire autrement. Ces derniers temps, ce qui m'amuse c'est d'aller jouer au théâtre. J'y interprète un gars bien bas de plafond et incarner un crétin total me convient parfaitement. Mais ne rien faire est ce pour quoi je suis tout de même le plus doué
 
 

 
De toute façon, depuis quelques temps tout semble se dérober. En premier lieu ma capacité à construire des raisonnements. Je ne sais si c'est un effet de cette phase d'accablement qui a succédé au covid, attrapé en Février dernier, si quelque chose en moi a jeté l'éponge. J'ai toujours eu de sérieux problèmes avec le passage à l'acte, mais aujourd'hui... 
En revanche, je suis plutôt aux antipodes de Cynthia Fleury en ce qui concerne les souvenirs. Ils ne me lâchent pas, les bons comme les mauvais, même si j'ai une plutôt bonne aptitude au refoulement concernant les mauvais. Il me reste des rêves et des images. Et puis il y a toute cette zone indistincte, floue relative à ces années où je traînais à la Défense. J'y ai pris beaucoup de photos. Longtemps que je n'y suis pas retourné. Je pense à ça entre les draps chauds d'une nuit qui peine à s'achever.



Souvent, je m'identifie à cette chanson. De plus en plus souvent. Car me lever le matin, s'avère de moins en moins facile. Je peux traîner des heures dans mon lit comme autrefois, lorsque j'étais enfant et que j'avais toute la vie devant moi. Maintenant je l'ai derrière, et je suis toujours keepin' an eye on the world going by my window / Takin' my time / Lyin' there and staring at the ceiling / Waiting for a sleepy feeling ...

jeudi 10 février 2022

Devant un paysage d'enfance

 

Voilà,
devant ce paysage qui me rappelle tant mon enfance, je n'arrive pas à réaliser que la cinquième limite planétaire vient d’être officiellement franchie. Cela demeure une information que je ne peux mettre en lien avec ce que je vois, et ce que je ressens, parce que rien ne semble avoir changé ici, pour qui ne fait que passer. Pourtant, le 18 janvier dernier, des scientifiques du Stockholm Resilience Center (SRC) ont confirmé que nous avons franchi la limite “pollution chimique” aussi appelée “introduction d’entités nouvelles dans la biosphère“. La cinquième donc, sur les neuf limites planétaires identifiées. C'est une menace supplémentaire contre la stabilité des écosystèmes mondiaux nécessaire à la survie de l’humanité. Rien d'étonnant : la production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950 et devrait encore tripler d’ici 2050. Une progression jugée "préoccupante" — c'est un euphémisme — selon une étude récemment publiée dans la revue Environmental Science & Technology, puisqu'elle nous fait franchir une "limite planétaire". 
Inventée en 2009 par des scientifiques du climat et de l’environnement, cette notion exprime les seuils que l’humanité ne doit pas dépasser dans certains domaines pour que les conditions dans lesquelles elle a pu se développer ne soient pas compromises
Au total, neuf limites ont été répertoriées :

  • le changement climatique (la concentration de CO2 doit rester inférieure à 350 parties par million – PPM – dans l’atmosphère), 
  • l’érosion de la biodiversité (mesurée en disparition d’espèces et en perte des fonctions écologiques),  
  • la modification des usages des sols
  • la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore
  • l’utilisation d’eau douce (inférieure à 4 000 km3/an), 
  • la diminution de la couche d’ozone, 
  • l’acidification des océans, 
  • la concentration des aérosols atmosphériques 
  • la pollution chimique. 
Les quatre premières limites sont déjà considérées comme franchies à des niveaux divers. Par exemple, la teneur de l’atmosphère en CO2 s’établit déjà aux environs de 420 ppm.
Cette fois, les scientifiques se sont concentrés sur l’impact de la pollution chimique sur la stabilité du système terrestre, pour constater que cette limite était également dépassée. Selon l’étude, il existe environ 350 000 types différents de produits chimiques manufacturés sur le marché mondial : plastiques, pesticides, produits chimiques industriels, produits chimiques dans les produits de consommation, antibiotiques et autres produits pharmaceutiques. Or, des volumes importants pénètrent les écosystèmes et les organismes vivants chaque année. Le rapport conclut que "le rythme auquel les sociétés produisent et libèrent de nouveaux produits chimiques et d’autres nouvelles entités dans l’environnement n’est pas compatible avec le fait de rester dans un espace d’exploitation sûr pour l’humanité". Les chercheurs appellent à la création d’un plafond sur la production et au rejet de produits chimiques. Ils préconisent en outre de se tourner vers l’économie circulaire.
 En France, la nouvelle n'intéresse aucun média mainstream. On préfère relayer les conneries des différents candidats à l’élection présidentielle, comptabiliser le nombre de médailles d'or de la France aux Jeux olympiques, se féliciter de la vente de quelques avions de combats à une puissance étrangères, se passionner pour les marques qui se tournent vers le métavers, débattre du  port du hijab dans le football féminin scolaire et autres compétitions sportives etc...
Selon la neurobiologiste Sylvie Granon, l'inaction face au désastre planétaire en cours tiendrait au fait que le cerveau humain est réticent à toute modification de ses habitudes parce que "le changement est extrêmement énergivore et stressant pour l’organisme, lequel va essayer de diminuer l’impact de ce stress en adoptant les comportements les plus automatiques et les plus rassurants possible. Quelqu’un qui propose de continuer comme d’habitude aura toujours raison face à quelqu’un qui appelle à changer". Il faut sans doute trouver là une des raisons pour lesquelles l'un des candidats de l'extrême-droite recueille tant d'intentions de vote. Il exalte la possibilité de retrouver la France d'avant, une France fantasmée (qui n'a jamais existé) où tout allait bienEst-ce un effet de dissonance cognitive ? Pour ne pas se mettre psychiquement en danger, l’individu a besoin de maintenir une certaine cohérence entre ses croyances, ses attentes et ses actes. Quand la dissonance est trop grande, cela provoque une réaction de négation, de rejet, d’évitement ou d’oubli. Lorsque l'on comprendra qu'il est temps de réagir peut-être alors sera-t-il trop tard. Je fais sans doute partie de la dernière génération qui n'aura pas eu à trop souffrir durant sa vie active, de la dégradation de l'équilibre écologique mondial.

mercredi 9 février 2022

Station Saint Michel


Voilà, 
sur la ligne 4 la station de métro Saint Michel a, en raison de sa singularité architecturale, toujours exercé sur moi une fascination particulière. Je crois que son éclairage à l'ancienne, dans le style art déco n'existe malheureusement plus désormais, car cette photo a été prises en 2011. Mais il y a toujours cette perspective qu'offre la hauteur de ses escaliers en fer forgé, depuis ce silo métallique qui la caractérise. Lorsque je passe par là, étrangement, je suis content de n'être qu'un passant de plus. J'oublie que ma vie n’a guère d’importance, guère de sens et que je compte pour si peu dans cette réalité, car il me semble qu'une multiplicité d'autres mondes est possible. Cela peut paraître bizarre, mais c'est comme ça. Je m'explique : ici plus qu'ailleurs, différentes époques de ma vie, me reviennent en mémoire. J'ai remarqué que certains lieux, excitent l'imagination et semblent aussi receler des accès vers d'autres dimensions où des réalités concomitantes pourraient s'enchâsser les unes aux autres. C'est une illusion, bien sûr à laquelle, maintenant que le corps se déglingue un peu plus chaque jour, je voudrais cependant me fier, afin que ma pensée puisse migrer dans un de ces hypothétiques mondes parallèles. Comme Mitterrand, je voudrais "croire aux forces de l'esprit". À ce propos comme cette expression n'a été prononcée qu'aux cours d'une allocution télévisée, et que je n'en connais pas le verbatim, a-t-il écrit "je crois aux forces de l'esprit" ou "je crois aux forces de l'Esprit". Ce qui convenons en, ne signifierait pas tout à fait la même chose
(...)
Me voilà à chercher sur le net la définition exacte du mot "Esprit". La première occurrence sur laquelle je tombe est celle-ci : Esprit.fr la boutique en ligne Esprit. Confortables & décontractés, chics & élégants. Trouvez vos looks chez Esprit! Essentiels intemporels et tendances actuelles. Vous trouverez tout chez Esprit. Retour jusqu'à 100 jours. Soyez durable avec Esprit. 10% de remise Newsletter. Livraison pour 0,99€.
"Soyez durables avec Esprit". Je suis tenté de laisser tomber. Et si ce monde n'était que la version dévoyée d'un autre où l'intelligence ne cesserait au contraire de se déployer.
Mais quand même. Je constate que la définition "principe et activité de la pensée" ne vient qu'en huitième position. En même temps le 8 ressemble au signe de l'infini.

lundi 7 février 2022

A quoi sert la philosophie ?

Voilà,
c'était au printemps dernier, dans le treizième arrondissement de Paris. Le ciel était pur. Je me souviens très bien à quoi je pensais ce jour-là et précisément au moment où j'ai déclenché. Au pied de cet immeuble peint par Bom-K (diminutif de Bombing Killa), situé au croisement de la Place Pinel et du Boulevard Vincent Auriol, au pied de cette oeuvre intitulée “Jeune graffeuse” représentant une fillette en train d’utiliser une bombe de peinture pendant que sur son épaule une souris tient par une patte une tasse avec l'inscription “J’aime Paris", en cet endroit précis, donc, j'essayais de me remémorer cette réflexion de Gilles Deleuze au sujet de la bêtise, que j'avais lue il y a bien longtemps et dont il ne me restait qu'un souvenir vague et confus, raison pour laquelle je m'étais alors promis de la retrouver "un de ces jours". C'est enfin chose faite, dix mois après, c'est dire mon aptitude de procrastination. C'est en l'occurrence formulé ainsi : "La bêtise est une structure de la pensée comme telle : elle n'est pas une manière de se tromper, elle exprime en droit le non-sens dans la pensée. La bêtise n'est pas une erreur, mais un tissu d'erreurs. On connaît des pensées imbéciles, des discours imbéciles qui sont faits tout entiers de vérités ; mais ces vérités sont basses, sont celles d'une âme basse, lourde et de plomb. La bêtise et, plus profondément, ce dont elle est le symptôme : une manière basse de penser. [...] Lorsque quelqu'un demande à quoi sert la philosophie, la réponse doit être agressive, puisque la question se veut ironique et mordante. [...] Elle sert à nuire à la bêtise, elle fait de la bêtise quelque chose de honteux. C'est dans l'ouvrage "Nietzsche et la Philosophie". Plutôt bien, non ?