Voilà,
évidemment j'ai tout de suite établi une relation entre les mots dans la vitrine et l'homme abandonné sur le trottoir. Je ne crois pas qu'une image vaille mieux qu'un long discours. Par contre une image peut susciter une plus ou moins longue réflexion. En ce qui me concerne, j'ai eu envie d'en savoir un peu plus sur ce produit. Il y a bien sûr aucune relation de cause à effet entre le produit et l'état du mendiant. Juste un curieux télescopage,
comme il m'est déjà arrivé d'en entrevoir.
"Booste tes sens" c'est une injonction que je trouve vraiment très conne. La voilà complétée par
"Stay strong" sur le site internet dédié à
Actimel que la société Danone présente comme "
une délicieuse boisson au lait
fermenté, disponible dans une vaste gamme d’incroyables saveurs, dont une délicieuse saveur sans matières grasses. Chaque bouteille contient 10 milliards de bactéries L. casei
Danone ainsi que des vitamines B6 et D !"
Par ailleurs on nous encourage, parce que tout de même on est un peu con, un peu branleur aussi. On nous conseille avec bienveillance de nous ressaisir.
"Aller de l’avant est une attitude. Elle donne le ton de ce que nous
faisons et de la façon dont nous le faisons. Quand on est positif, la
journée se déroule mieux. On met tout en œuvre pour atteindre ses objectifs et on aide les autres à
en faire de même, même lorsque les choses se compliquent. Le monde a besoin de davantage de personnes avec cette attitude. Alors dès le matin, adopte cette façon d’être et quoi que ta journée te réserve, ne lâche rien !"`
Et surtout pas ta petite fiole en plastique particulièrement polluante.
Si l'on souhaite en savoir plus il existe une page sur la campagne "Stay strong".
Dans notre monde en constante évolution, chacun doit, chaque jour,
faire face à de nouveaux défis. Certaines personnes font preuve, au
quotidien, d’une grande force d’esprit. Elles adoptent une attitude
constamment positive et ne lâchent jamais rien, quelles que soient les
circonstances.
Actimel met aujourd’hui ces héros du quotidien sur le devant de la
scène, dans le cadre d’une nouvelle campagne qui véhicule cette attitude
consistant à ne rien lâcher. Cet enthousiasme est un ingrédient
essentiel pour profiter pleinement de la vie.
La campagne se concentre de manière concrète et positive sur des
situations du quotidien : parents coincés dans un embouteillage,
citadins dans les transports aux heures de pointe, employés de bureau
un lundi matin, professeurs dans une salle de classe, etc.
Les personnes mises en avant dans cette campagne sont des exemples
d’optimisme dans leur manière de relever les défis de tous les jours. Un
optimisme contagieux, puisqu’elles inspirent les autres à aller de
l’avant avec elles. Nous côtoyons ces personnes chaque jour ! Elles
font partie de notre vie !
Ne Lâche Rien!
Je me demande quel genre de crétin décérébré peut encore gober toutes ces âneries. Quant à ceux qui les écrivent... Dans les agences de communication on les appelle des créatifs. Souvent, des gens arrogants et cyniques persuadés qu'un adjectif bien placé constitue en soi un concept. Cela fait une bonne trentaine d'années qu'ils manipulent les mêmes mots "positive attitude", "héros du quotidien" "enthousiasme" "défi" "optimisme". Ce sont les mêmes qui fournissent aux politiques ces fameux "éléments de langage" pour leur langue de bois .
On connaît bien Danone, pour toutes les casseroles que traîne cette société. Selon Jeremy Hobbs, directeur général d’Oxfam International, "Aucune des
dix grandes sociétés du secteur agroalimentaire ne fait assez d’efforts
pour rompre avec des pratiques leur permettant de tirer parti d’une
main-d’œuvre
et de terres bon marché afin de réaliser des bénéfices colossaux en fabriquant des produits de
grande consommation à un coût social et environnemental inacceptable". Danone en fait partie.
On connaît aussi l'implication de cette entreprise dans les scandales du lait en poudre. En Indonésie, des bébés
nourris au lait en poudre SGM, fabriqué par Danone, souffraient en effet
de problèmes de santé, parfois fatals. Dans un pays pauvre et en forte
natalité, le lait en poudre souvent mal recomposé, trop dilué, avec une
eau non potable, fait des ravages. Les conséquences sont dramatiques : chute de l’allaitement, déshydratation, malnutrition, mortalité infantile. Bien sûr, Danone a cessé ses activités en Indonésie après la diffusion d'une enquête de l'émission "Cash investigation". Mais on pourrait encore parler des emballages en plastique de la plupart des produits de cette société.
Quant au comportement de cette société vis à vis du fisc je renvoie à cet article d'Eric Rydberg paru sur
www.gresea.be . Certes il date un peu, mais on sait que les pratiques n'ont pas beaucoup changé.
"Chacun a pu suivre les coups de poker menteur de la
multinationale de l’agrobusiness Danone. Après avoir joué la carte du patriotisme économique pour repousser une
OPA
présumée du méchant américain PepsiCo, il s’empresse, très
patriotiquement, de vendre sa division biscuits (rentable mais pas assez
pour les actionnaires) à l’américain Kraft pour 5,3 milliards d’euros
afin de gober – un compatriote ? – le groupe néerlandais Numico. Voilà
qui est bien connu. Voici qui l’est moins. Jusqu’il y a peu, la loi
française prévoyait que la
plus-value
d’une pareille opération devait être imposée à 33%. Achetée au fil du
temps pour 1,7 milliard et vendue 5,3 milliards, la division biscuits a
dégagé une plus-value de A – B, soit 3,6 milliards d’euros, dont 33%
devait donc revenir à l’Etat, c’est quelque 1,2 milliard. Mieux : la loi
française prévoyait encore que la majeure partie du bénéfice devait
être investie dans l’entreprise et non être distribuée aux actionnaires.
C’était sans compter avec l’ingéniosité du législateur qui – en toute
indépendance, insensible au lobbying patronal, soyons-en sûrs – a voté
une exonération fiscale pour les ventes de filiales, ramenant la taxe
à... 1,66% de la plus-value, un cadeau qui pourrait priver l’Etat et la
collectivité de quelque 3 milliards de recettes par an. A voté comment ?
Par un banal amendement introduit au dernier moment par une main
invisible de la commission des Finances du Sénat français et
ingénieusement enfoui dans le "budget rectificatif de 2004" pour entrer
en vigueur au 1
er janvier 2007. Ni vu,
ni connu. Enfin, presque. Puisque la plaisante combine a été révélée
par le Canard Enchaîné qui, observateur attentif de la chose publique,
s’est pour cela appuyé sur des informations publiées par le magazine
"Options Finances" et la revue "Les Nouvelles fiscales",
publications qu’on qualifiera volontiers de spécialisées, voire de
confidentielles. C’est la leçon essentielle de ce petit fait
sociopolitique, car le "législateur ingénieux" comptait sans doute aussi
sur cela. L’information critique circule peu et l’information
indépendante se fait rare. Il faut se réjouir de ce que le Canard
Enchaîné existe."
Du coup on se rappelle que l'évasion fiscale, confisque à l’État de l'argent qui pourrait servir pour les services publics, et l'on se dit qu'il y a peut-être alors une relation entre la misère de plus en plus apparente et l'argent de plus en plus caché par ces multinationales qui nous incitent à consommer
à n'importe quel prix.