dimanche 29 octobre 2023

Mélanges et considérations éparses


Voilà,
une de mes histoires juives préférées qui résonne de façon étrange ces derniers temps.
"des journalistes partent faire un reportage à Jérusalem. Ils filment un peu partout et arrivent au Mur des Lamentations. Après avoir interrogé les gens alentour, ils se dirigent vers un vieil homme qui a prié longuement...
 - Bonsoir Monsieur, vous venez souvent prier au Mur des Lamentations ?
 - Oui Messieurs, je viens ici tous les soirs depuis plus de 40 ans.
- Et pour quoi priez-vous ?
- Je prie pour tout : pour la fin de la guerre dans le monde, pour que la famine cesse, pour endiguer les maladies, la misère, la malnutrition...
- Vous priez vraiment pour tout cela ?
- Et bien plus encore... je prie pour la préservation de la planète, je prie pour ma famille, je prie pour mes amis, je prie pour l'humanité, je prie pour qu'on trouve une solution aux problèmes humains, à la pollution, aux maladies...
- Et qu'est-ce que cette prière vous apporte ?
- Peu de choses... j'ai l'impression de parler à un mur !"
 
 
A Paris, à l'église Notre-Dame des Victoires, les murs sont tapissés d'ex-voto en remerciement des prières exaucées.
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*
 

 
Sinon,  la coupe du monde de rugby s'est terminée. Aucune de mes équipes préférées n'a gagné. Hier en passant du côté de la rue Princesse, j'ai pris cette photo. Au moins au rugby les supporters se respectent. Ils boivent des coups ensemble avant et après les matches. Ils se photographient. Je repense aussi à ce tableau peint en 1912 par Eugène Pascau que j'ai photographié au musée des arts décoratifs représentant Fernand Forgues, capitaine de l'aviron bayonnais.
 

 C’était à la mi-septembre, j'étais un autre homme. Mes soucis étaient d'une nature différente et me semblent bien dérisoires à l'heure qu'il est.
 
*
 
J'avais et j'ai encore de nombreuses publications rédigées à l'avance pour ce blog. J'avais programmé celle-ci pour un de ces jours prochains, qui commençait par un rêve qui m'avait traversé il y a longtemps, sans doute à l'époque du confinement. 



"Après m'être couché à minuit, anxieux à cause des symptômes de rhinite ou de pharyngite que j'ai ressentis, je me réveille deux heures plus tard parce qu'un gros crétin avec une grande gueule, se fout de deux types que je lui aurais recommandés. Ils se font passer pour mes frères, enfin c'est comme ça qu'il me les présente. Il paraît qu'ils commettent, en mêlée fermée des fautes de débutants, chacun à son poste de pilier. En voilà une affaire ! Qu'est ce que j'y peux moi si ces deux guignols poussent de traviole et n'assurent pas leurs appuis. Je ne sais pas d'où ils sortent. Je ne les connais même pas. D'ailleurs leur gabarit peut difficilement faire illusion, et en plus ils ont l'air sacrément cons, et deux trois questions me confirment qu'ils ne sont pas plus rugbymen que je ne suis épidémiologiste et c'est sans doute ça qui me réveille". 
Du coup ça m'a rappelé à ces deux là, bien dépités et pas très frais, mais bien sympathiques cependant, que j'avais croisés en Octobre 2011 rue Princesse au matin, peu après la défaite des français lors la finale de la coupe du monde de Rugby contre les All Blacks. Ils avaient absolument tenu à ce que je les photographie.  
Il existe une théorie dite des six degrés de séparation (aussi appelée théorie des six poignées de main)  établie par le Hongrois Frigyes Karinthy en 1929 qui postule que toute personne sur le globe peut être reliée à n'importe quelle autre, au travers d'une chaîne de relations individuelles comprenant au plus six maillons. Avec le développement des technologies de l’information et de la communication, le degré de séparation a été mesuré de 4,74 sur le réseau social Facebook en 2011, 3,5 degrés en 2016, et à 6,6 sur l’échange de plusieurs milliards de messages instantanés étudiés en 2008 par Eric Horvitz et Jure Leskovec, chercheurs chez Microsoft, en analysant des discussions de Windows Live Messenger.
Donc si quelqu'un parmi mes lecteurs reconnaît un de ces deux lascars, je peux lui faire parvenir cette photo, s'il me joint par l'intermédiaire du formulaire de contact.
 
*
 
Différentes temporalités s'enchevêtrent. Il faudrait qu'à nouveau je fabrique des images qui rendent compte de cela. Mais je ne sais plus de quoi je suis encore capable. Tout me semble obscur.
 

 
L’essayiste américain, John Koenig dans son "Dictionary of obscure sorrows" a inventé de nombreux mots parmi lesquels "Occhiolisme" qui signifie  "Être conscient de la faiblesse de sa propre perspective dans ce vaste monde".
 
(Paris, Mai 2007)




 
Le terme "Sonder" mérite aussi d’attirer l’attention. Il permet en effet d’exprimer cette impression métaphysique désagréable que l’on éprouve lorsque l’on comprend que "chaque personne que l’on croise vit une vie aussi pleine et complexe que la nôtre". Le sonder est un sentiment qui nous submerge : il exprime le fait d’admettre qu’il est impossible de se mettre complètement à la place de l’autre. Et aussi que personne ne peut se mettre à notre place.
 

vendredi 27 octobre 2023

Un lien surprenant

 
Voilà,
parce qu’au cours d’une de mes insomnies j’ai, par hasard, entendu à la radio un morceau (introduction et variations sur une ronde populaire), d’un compositeur dont j’ignorais jusqu'à l’existence (Gabriel Pierné), de fil en aiguilles, comme on disait autrefois, cherchant à en savoir un peu plus sur ce musicien, j'ai découvert un lien tout à fait surprenant intitulé compositeurs négligés, atelier de reparations qui, non seulement répertorie des compositeurs tirés de l’oubli, mais propose aussi pour chacun d’entre eux, des liens renvoyant à certaines de leurs œuvres. 
En fait, ce site tenu par André Hautot est un exemple d'érudition généreusement partagée. J'ai commencé à musarder dedans et je le trouve vraiment exceptionnel. En cette période troublée où mes nuits sont si confuses  — comme cette image — j'ai trouvé un peu de joie à satisfaire ma curiosité autant qu'à la perspective de susciter la vôtre. 
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jeudi 26 octobre 2023

Entre le regard et le monde

Belloc St Clamens, Février 1991
 
Voilà,
un fait constaté depuis longtemps : la mélancolie est toujours plus ou moins à l'œuvre en photographie. Elle compose en partie (en partie seulement) avec ce qui de toute façon est voué à disparaître ou à s'oublier. Elle tente de donner forme et sens à ce "presque-rien" ou ce "je-ne-sais-quoi" qui affleure soudain entre le regard et le monde. Elle substitue une image au récit qui manque et qui de toute façon ne pourrait s'élaborer dans l'instant. Elle figure ce qui dans l'immédiat échappe aux mots, à la trop laborieuse construction d'une narration. 
La photo s'apparente au "quoi-qu'il-en-soit". 
J'ai été là, un trouble m'a saisi. J'ai cadré plus ou moins vite. J'ai appuyé sur le déclencheur. On ne sait pas ce qu'il en adviendra, mais, sauf erreur de manipulation, maladresse à la prise de vue, l'image est "quoi qu'il en soit" dans le boîtier. ("Pourvu qu'elle ne soit pas abîmée ou annulée au tirage" espérait-on avant l'apparition du numérique). Elle sera un jour tirée, et deviendra un objet réel ayant la forme d'un souvenir.
Celle de cette grange à l’abandon a été prise il y a bien des années. Son négatif est demeuré longtemps entre deux fines couches de papier cristal, soigneusement rangé dans un classeur, lui même bien en place sur une étagère. Je ne me souviens pas du moment précis où je l'ai prise. Je peux la situer dans le temps grâce à la "planche contact" qui elle, par contre, permet de construire une vague narration du fait de l'agencement chronologique des images.
Pourquoi ai-je éprouvé le besoin de la ressortir ?
Je lui ai soudain trouvé une certaine beauté. Et puis la neige. Peut-être n'avais-je encore jamais vu la neige sur ce paysage avec lequel j'entretiens une relation ambigüe et où je n'ai plus guère l'occasion de retourner.  

mercredi 25 octobre 2023

En écoutant la radio

 
Voilà,
dans l"Innommable", Beckett écrivait : "Il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, (…) il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer".
Avec les images aussi.
Dehors il pleut. L’automne semble enfin arrivé pour de bon. Je n’ai pas beaucoup d’énergie.
Je suis toujours plus ou moins dans un état de sidération.
Je bidouille des images, sans grande conviction. Je me souviens des années d'enfance. J'essaie de retrouver le graphisme qui avait cours à l'époque. Sans succès. Rien ne me satisfait. L'inspiration ne vient pas. Alors je donne du lisse à des photos énigmatiques.
Je fais ça en écoutant la radio.
c'est comme ça que je découvre à midi après une salade d’endives préparée sur le pouce, la déconcertante musique du compositeur américain Ned Rorem disparu en Novembre 2022. C'est une rediffusion sur France Musique d’un entretien enregistré par Mildred Clary en 1984. Je n’en avais jamais entendu parler, alors que c’est une figure majeure de la musique américaine. Très bien intégré à la vie musicale française de l’immédiate après-guerre, il passa cinq ans à Paris où certaines de ses œuvre furent même créées.
J’ai bien évidemment fait quelques recherches et découvert qu’il fut en outre un diariste opiniâtre puisque la publication de son journal intime s’étale sur plus de cinquante années de sa vie de 1950 à 2005
Dans un entretien  il notait à ce sujet "Un journal intime n’a de portée que par l’accumulation d’observations illimitées (dont beaucoup sont obsessionnelles et récurrentes), et jamais à travers le développement de thèmes (car alors, ce ne serait plus un journal). Les œuvres d’art doivent avoir un plan, un commencement, une fin. Par nature, un journal n’a pas de forme au-delà de celle, accidentelle, de l’improvisation ; c’est pourquoi, même s’il ne peut être une œuvre d’art (l’improvisation l’exclut), il peut être un chef-d’œuvre."
C'était un homme très sûr de lui, de son art, de son pouvoir de séduction et de conviction. 
Je regarde aussi des documentaires à la télévision sur Philip Guston, Mark Rothko...
Je me sens très seul. 
Il existe un mot turc  — Bingildamak — qui signifie trembler comme de la gelée.
Je voudrais que quelqu'un me serre dans ses bras.
J'avais une âme sœur autrefois, il y a longtemps, très longtemps. 

mardi 24 octobre 2023

Taniyama

 

Voilà, 
cette histoire m'a toujours troublé. Il y a donc eu, à un moment de l'histoire de la pensée humaine, l’apparition de la conjecture de Shimura-Taniyama. Devenue le théorème de la modularité elle atteste que pour chaque forme modulaire dotée de bonnes propriétés (en particulier de poids 2 et à coefficients rationnels) il existe une courbe elliptique adéquate. 
Je n'ai jamais très bien su ce que cela signifiait, mais j'ai trouvé la formule assez poétique et l'ai quelquefois utilisée pour exprimer la sensation d'inadéquation vis-à-vis de ma propre existence.
C'est en travaillant plus particulièrement sur un point précis de la conjecture (le cas des courbes elliptiques semi-stables), que Wiles révéla l'exactitude du dernier théorème de Fermat. Lisant un livre sur la résolution de ce dernier, j'avais été particulièrement troublé par le destin de Yutaka Taniyama, une sorte de Maïakovski des mathématiques, qui se suicida à 31 ans, et surtout par cette note laissée à l'intention de ses collègues : "Jusqu'à hier, je n'avais aucune intention de me tuer. Mais quelques-uns ont dû remarquer que ces derniers temps j'étais fatigué physiquement et mentalement. Quant à la cause de mon suicide, je ne la comprends pas moi-même tout à fait, et elle ne résulte pas d'un incident ou d'une raison particulière. Je peux simplement dire que je suis dans un état d'esprit où j'ai perdu confiance en mon avenir. Il y aura sans doute quelqu'un qui sera troublé par mon suicide et pour qui cela sera un coup dur dans une certaine mesure. J'espère sincèrement que cet incident ne jettera aucune ombre sur l'avenir de cette personne. En tout cas, bien que je ne puisse pas nier qu'il s'agit d'une sorte de trahison, je vous prie de l'excuser et de le considérer comme le dernier acte d'un homme qui a toujours conduit sa vie comme il l'a entendu." 
C'est très élégamment écrit. 
Peut-être son acte était-il la meilleure issue pour accorder toutes les courbes elliptiques et les formes modulaires qui frémissaient en lui.

dimanche 22 octobre 2023

A Bacalan

Voilà,
prises dans le quartier Bacalan, en Août 21 à Bordeaux, ces photos me rappellent un agréable séjour chez l'amie Christine. C'est en allant dans un lieu alternatif où se tenait une exposition photo que j'ai aperçu dans la même rue ces deux portraits géants. Je n'en connais hélas pas l'auteur


La vie était bien légère alors et je ne m'en rendais pas compte. A présent tous les murs sont couleur de chagrin.
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jeudi 19 octobre 2023

Anormalement chaud pour la saison


Voilà,
je redoutais que le nom de cette maladie puisse un jour m'être adressé. Mais non, ce n'est pas à moi. Pas maintenant. C'est pire encore. Depuis quinze jours je suis pris dans un maelström effroyable, et là désormais cela va aller en se précipitant.
Ce blog, tenu, pour un tas de raisons confuses, depuis bientôt quatorze ans et qui était une sorte d'extension de moi-même ouverte sur le monde, je ne sais pas ce qu'il va en advenir. 
Merci à ceux qui lui ont témoigné de l'intérêt, de la curiosité.
Qui m'ont encouragé.
Maintenant, j'avance dans l'inconnu
Déjà tributaire d’un emploi du temps qui ne m’appartient plus
Plus rien ne sera comme avant (comme ils étaient menus les tracas d'avant)
Je tremble.
le ciel est bleu. Il fait anormalement chaud pour la saison.
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mardi 17 octobre 2023

Par la vaste lande

Cantal, Juillet 2013


 Cheminant par la vaste lande
Les hauts nuages
Pèsent sur moi.
Yosa Buson

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lundi 16 octobre 2023

Dans l'écho des voix qui se sont tues


 
Voilà, 
samedi dernier il a fallu se réveiller tôt, après une nuit où j'ai peu dormi. Au matin, j'ai entendu une conversation à la radio à propos de la mort d'Hubert Reeves. On rapportait des propos qu'il avait tenus. "Le moment présent est comme la proue d’un navire qui fonce dans l’océan du temps et transforme le futur incertain en un présent devenant sitôt après un passé immuable. Ce passé contient tout ce que je connais de l’histoire. Tout ce que je sais du temps, c’est que je suis dans le temps. Le temps passe et je "passe" dans le temps, c’est un phénomène que je vis, que je sens, qui me transporte irrésistiblement. Tout ce dont je suis sûr, c’est qu’il est plus âgé que moi, mais quand a-t-il commencé? Et y a-t-il même eu eu une création ?
Au cours de l'émission, Etienne Klein, lui aussi physicien, qui a fréquenté Hubert Reeves, a fait part d'une question qu'il se pose souvent : "Est ce que le futur est déjà là quelque part ailleurs que là où nous sommes, ou bien le futur est il à l'heure où je vous parle dans une sorte de néant et qu'il deviendra quelque chose que lorsque le présent l'aura atteint ?" 
Je me suis aussi souvenu qu'au cours de la nuit précédente, j'avais entendu un très vieil entretien de Daniel-Henry Kahnweiller où il évoquait "les cubistes mineurs" qui avaient théorisé cette approche picturale. Dans cette salle d'attente, où, il y a une semaine à peine, je n'aurais jamais imaginé me retrouver, j'ai cherché sur mon smartphone à savoir de qui il s’agissait. Il y avait donc, Henri Le Fauconnier, et Albert Gleizes dont j'ai déjà vu des œuvres, et bien sûr Jean Metzinger, que j'aime beaucoup et dont je ne comprends pas pourquoi il n'a pas encore fait l'objet d'une rétrospective. Vieilles d'un siècle, leurs productions sont toujours puissantes et valent largement celles de Picasso et Braque. J'ai particulièrement été touché par les toiles représentant des paysages et des villages de Provence, peintes par Gleizes. 
J'ai voulu donner au parc, de cet endroit où je me trouvais, et dont je n'ose même pas prononcer le nom, un semblable rendu.

dimanche 15 octobre 2023

Pierre et carton

Voilà,
cet été l'œuvre de la plasticienne Eva Jospin a eu les honneurs du palais des Papes à Avignon. Ces bas-reliefs en carton alvéolé, représentant des sortes de végétations ou de mystérieuses forêts, s'accordaient parfaitement à la couleur des pierres moyenâgeuses de l'ancien palais épiscopal.

mercredi 11 octobre 2023

Le poids de toute ma vie

La Seine depuis La Roche-Guyon, Juin 2022

Voilà,
"Je sens le poids de toute ma vie morte, de tous mes songes vains, de tout ce qui a été mien sans jamais m’appartenir, dans le bleu de mes ciels intérieurs, dans ce bruissement visuel des fleuves coulant dans mon âme, dans la vaste quiétude agitée de ces champs de blé que je vois sans les voir" Fernando Pessoa (Le livre de l’intranquillité, p. 482)

lundi 9 octobre 2023

Un Peintre de la Modernité

 
Voilà,
j'ai donc vu, le premier dimanche suivant son ouverture, l’exposition Nicolas de Staël au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Si j'ai manifesté une certaine impatience, c'est qu'il était fait beaucoup de bruit autour de cette manifestation — le plan media est parfait — et que je redoutais qu'il fut très vite impossible d’y accéder en raison d'une trop forte affluence.
Je n'ai jusqu'à présent pas accordé un grand intérêt à ce peintre. En fait j’avais, jusqu'à présent, vu assez peu de vrais tableaux ; surtout des reproductions. Pour promouvoir cette exposition, on n'hésite pas affirmer que sa peinture a ouvert une voie nouvelle, à la lisière de la figuration et de l’abstraction. On pourrait en dire tout autant des premières œuvres de Kandinsky. On sent d'ailleurs son influence, ainsi que celle de Domela et Magnelli dans les premiers dessins, dans ses fusains et pastels datant des années 40.
Très vite il opte pour l’abstraction. Il utilise des outils de maçon, des truelles, des racloirs, des spatules et sculpte en quelque sorte ses toiles obtenant ainsi des reliefs avec des matières très épaisses aux couleurs dans un premier temps sombres, plus vibrantes par la suite. "Pour peindre, il faut travailler beaucoup, disait-il, une tonne de passion et 100 grammes de patience". Pas mal de kilos de peinture aussi. Il faut aimer les empâtements. Si on a un problème avec la matière comme c’est le cas pour moi, De Staël ne passe pas trop bien. Je comprends mieux d'où vient le terme péjoratif de croûte attribué autrefois à certaines toiles.
Je ne remets pas en cause la démarche et ne conteste pas l’authenticité de la recherche de cet artiste. Ni son exigence. Que cela soit clair, ce n’est pas un jugement de valeur. C’est juste que sa manière me déplaît. Que quelque chose dans ce rendu me heurte. L’épaisseur, la lourdeur. "Parc des Princes", une grande toile de 7 mètres carrés pèse d’ailleurs près de 200 kilos tellement elle est riche en matière.
Pour ma part, j’aime et j'ai toujours aimé le lisse. Voilà pourquoi certaines périodes de son travail me laissent totalement indifférent et ont même tendance à m’agacer un peu. 
D’autres au contraire m’ont passionné.
L’exposition chronologique et didactique s'avère très intéressante car elle montre le cheminement du peintre, en particulier ses aller-retour entre figuration et abstraction. En outre près de 70 œuvres proviennent de collection privées dévoilant une part méconnue de son travail.  
J'ai déjà évoqués ses pastels de petit formats à fait étonnants, datant des années 40. Mais ses dessins préparatoires, ses croquis et même des collages m'ont également réjoui. En fait, me plaît sessentiellement tout ce qui témoigne du travail d'élaboration, et aussi plus tard dans le courant des années 50, toute la période suivant son voyage en Italie, en Sicile. Il en ressort des toiles extrêmement colorées où le ciel est vert, le sol violet, la ville jaune, les routes rouges. C’est la joie insolente de la couleur. Ça décomplexe le daltonien que je suis qui a tendance à saturer les couleurs sur certaines photos. Il traduit la violence de la lumière en usant de couleurs comme jaune citron,  vert émeraude, aubergine, orange. Durant cette période clé, il change sa manière de peindre, revenant à des surfaces plus lisses.
Et puis comment ne pas être sensible au destin tragique de l'artiste, à son instabilité qu'il a autant que possible tenue à distance en se réfugiant dans un travail acharné, épuisant. Ses démons l'ont finalement rattrapé puisqu'il mit fin à ses jours. La dernière photo qu'il reste de lui, prise dans la rue, la veille ou l'avant-veille de son suicide, par son galeriste je crois, le montre pourtant souriant.
C'est toujours mystérieux ce genre de décision. Il faut en tout cas une grande force morale et un grand courage pour passer à l'acte. 
Pendant longtemps j'ai confondu la mort de Yves Klein et celle de Nicolas de Staël. Klein ne s'est pas suicidé, il est mort jeune d'une crise cardiaque. Mais il y a cette photo qui s'appelle l'envol, ou le saut dans le vide, je ne sais plus, que j'associe toujours au geste de Nicolas de Staël qui s'est jeté de sa terrasse de l'immeuble où se trouvait son dernier atelier.
Autre étrangeté que j'ai remarquée : parmi les premières œuvres de Nicolas de Staël, de nombreux tableaux représentant des mouettes. On retrouve celles-ci dans les toutes dernières toiles. Curieuse coïncidence.
Il est possible que j’en revienne ultérieurement à reparler de ce peintre. Je ne publie dans ce post aucune reproduction de son travail. J’encourage mes lecteurs à fureter sur le net.
À la sortie de l’exposition, je n’ai  pu m’empêcher de faire quelques photos. Sans doute ai-je repensé aux tableaux de la période grise. Ce ne sont pas ceux que je trouve les plus intéressants. Mais ils m’ont amené à considérer le muret qui longe l’avenue de Iéna d’un œil différent. Oui out à coup ce mur que j’ai aperçu de nombreuses fois près duquel je suis souvent passé m’est apparu d’une façon totalement autre, et j’ai eu envie de photographier quelques fragments. Celui-ci me semble particulièrement intéressant.
Après tout, n’est-ce pas une des vertus de l’art que de transformer notre regard sur les choses ? De leur restituer une puissance qui souvent passe inaperçue, d'agir comme un révélateur

*
 
J'avais autrefois écrit un texte intitulé "S'oublier". J'y repense bien évidemment aujourd'hui pour des raisons qu'il m'est pénible d'évoquer. Il a un rapport avec l'abstraction et les vertus que je lui trouvais alors. Seront elles encore secourables au regard de ce qui s'est introduit dans ma vie. Je l'ignore. Toujours est il que j'ai retrouvé dans mes affaires ces images réalisées un peu plus tard. Toujours dans le même style. Un peu obsessionnel.
 
 
 
 
Je suis encore étonné de les avoir conçues. Cela ressemble à ceci ou bien à cela qui accompagnait de jolis textes qui me plaisent encore à l'heure qu'il est. C'était mon époque deleuzienne (), j'étais fasciné par les plis. Je théorisais un peu la question. C'était une période tourmentée de ma vie. Autrement moins qu'elle ne l'est à présent. Je faisais de l'art brut numérique. Au lieu de couvrir des pages d'écriture asémique (quoique cela aussi il m'est arrivé de le faire à une certaine époque), je tordais des images

*
 
Sinon, je sais — comment ne pas le savoir on ne parle que de ça dans les journaux, à la radio, sur la toile — qu'il se passe en ce moment des choses atroces au Moyen-Orient, des actes terroristes qui dépassent l'entendement. Il arrive aussi des choses effroyables en Ukraine (cela risque de durer), dans le Haut-Karabakh, au Soudan, dans la société iranienne, en Afghanistan, au Congo, dans de nombreux pays d'Afrique et dans tant d'autres lieux dont on ne parle pas. Il y a des désastres écologiques qui affament des populations, les réduisent à la misère au dénuement en de nombreux endroits du monde. Mais, je ne peux pas y penser, car d'autres événements qui défient pour le moment ma capacité d'analyse occupent tout mon esprit.

dimanche 8 octobre 2023

Du pastel plein les doigts


Voilà,
c'était si doux de peindre et dessiner ensemble
ces moments autrefois partagés
du pastel pleins les doigts

*
 

 
Sinon rue Daguerre, cette peinture murale éphémère pour maquiller un chantier 

*


Aujourd’hui, il a fait une température incroyablement chaude pour un 8 Octobre, 27°
J'ai passé un peu de temps au parc Montsouris avec ma fille.
Nous traversons des jours étranges et incertains

vendredi 6 octobre 2023

Chiringuito

 

 
Voilà
"A peine dehors, dans la rue, le voici déjà plus déloyal à son propre endroit que dans la chambre. Il regardait des femmes qui ne lui disaient rien, il lisait les menus et n'avait même pas faim"  (Peter Handke,  in "Histoire du crayon")

mardi 3 octobre 2023

Nuages

Guéthary, Août 2009
 
Voilà,
je me permets de reproduire intégralement cet article particulièrement bien écrit par Anaïs Moran au sujet des nuages (édition du 30 septembre du journal Libération) .

"On les rêve, les poétise, les dévisage, les redoute, les cartographie. Ils sont autant objets de contemplation que de récits apocalyptiques. Peuplent la fantasmagorie. Bref, les nuages magnétisent. Dans le champ scientifique aussi, ces amas cotonneux captivent. Mais l’intérêt qu’on leur porte cache une réalité moins légère : sur une Terre en surchauffe et déréglée, la couverture nuageuse présente de grands risques de métamorphose. Le problème est d’importance car les nuages sont la bête noire des modélisateurs. Un mystère suspendu dans la communauté des savants.

Anticiper leurs comportements futurs, leur physionomie prochaine, leurs effets déterminants sur le climat, relève de la mission laborieuse, mais primordiale. «Le rôle des nuages était un gros sujet dans les années 80-90, et puis d’autres thématiques importantes pour l’étude du changement climatique sont apparues et les efforts de recherche se sont éparpillés, contextualise Sandrine Bony, directrice de recherche CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD). Aujourd’hui, les nuages se rappellent à nous parce qu’ils sont l’une des principales incertitudes pour les prévisions climatiques. On ne peut les ignorer.»

Sans aucun doute, «la» grande énigme porte sur le rôle des changements nuageux dans l’amplitude du réchauffement climatique. Cette interrogation devenue obsession, les chercheurs lui donnent un nom : la «rétroaction radiative des nuages». En moyenne, ceux-ci ont un effet refroidissant sur le climat planétaire. Ils renvoient plus d’énergie solaire vers l’espace qu’ils ne conservent de chaleur sur Terre. «Les nuages bas, épais et opaques, sont comme des parasols qui réfléchissent une partie du rayonnement solaire et tendent à rafraîchir le climat, synthétise le physicien Olivier Geoffroy, spécialiste de modélisation climatique à Météo-France. Les nuages hauts et froids, qui culminent à 15 kilomètres dans les airs à -40°C, ont, au contraire, un effet de serre notable car ils ont cette capacité d’empêcher une partie du rayonnement infrarouge de s’échapper de l’atmosphère.» Ainsi, le rôle refroidissant de la couverture nuageuse l’emporte globalement sur l’effet de serre. Tout l’enjeu est de déterminer à quel point le changement climatique pourrait modifier l’équilibre de ces deux influences. De premiers éléments laissent penser que la hausse du thermomètre mondial diminuera l’effet refroidissant des nuages. Seulement de fortes incertitudes persistent et la science tâtonne encore.

Les nuages portent une ribambelle de caractéristiques potentiellement évolutives. Largeur, hauteur, densité, façon de se mouvoir, de grossir, d’interagir avec les autres… Face à l’augmentation des températures planétaires, ces propriétés risquent d’être bouleversées. «Tous les types de nuages ne répondront pas à l’identique au réchauffement, c’est toute la complexité de l’affaire, analyse Jean-Louis Dufresne, co-auteur du sixième rapport Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et directeur de recherche à l’Institut Pierre-Simon Laplace en parallèle du Laboratoire de météorologie dynamique. Ce que nous cherchons à appréhender, c’est la répercussion générale de ces différentes réponses nuageuses sur le climat. Est-ce que l’effet dominant et refroidissant des nuages va se fortifier ou bien s’atténuer ? Même une petite diminution de ce mécanisme de régulation pourrait avoir un immense impact sur le réchauffement.» Dans l’hypothèse d’un réchauffement planétaire de +3,5°C par rapport à la période préindustrielle, le Giec vient d’estimer que jusqu’à 1°C de hausse de température pourrait être attribué aux comportements des nuages.

En 2020, Sandrine Bony s’est lancée dans la coordination d’une mission internationale, près de la Barbade, dans les Caraïbes, pour tester grandeur nature la crédibilité des mécanismes prévus par les modèles de simulation du climat. Une campagne pharaonique, impliquant quatre avions, autant de navires et des dizaines d’équipes de recherche. L’objectif principal de l’opération : disséquer les cumulus d’alizés, ces nuages bas et moutonneux les plus fréquemment observés à la surface de la Terre. «Il y en a tellement qu’un petit changement de leurs propriétés peut avoir un fort impact, explique la climatologue. La grosse crainte est de voir ces nuages diminuer avec la hausse des températures, ce qui diminuerait aussi l’effet parasol et amplifierait le réchauffement climatique.» Les observations de terrain ont quelque peu rassuré. Les cumulus d’alizés pourraient finalement être «plus résilients» que prévu.

Désormais, les cumulonimbus (caractéristiques des phénomènes orageux) et les stratocumulus (les plus bas) sont au centre de l’attention. «Si le rôle des nuages dans la machine climatique est aussi incertain, c’est parce que leur comportement dépend d’un nombre de facteurs considérable, de l’échelle microscopique à l’échelle planétaire, souligne la chercheuse. La science des nuages, c’est comme un puzzle géant. On doit décomposer le problème en mille morceaux et voir comment les uns s’articulent par rapport aux autres. On a posé quelques éléments mais il reste encore des pièces à placer.»

Dans cette équation aux variables éclectiques, un autre facteur est scruté par la communauté scientifique : la pollution. Car la vapeur d’eau présente dans l’atmosphère a besoin des particules fines en suspension, les «aérosols», pour se condenser et devenir nuages. «Il en existe d’origine naturelle, comme ceux provenant des embruns marins, des pollens, des volcans ou des poussières désertiques ; et d’autres liés aux activités humaines, aux suies, aux fumées d’industrie, au gaz d’échappement, liste Jean-Louis Dufresne. Plus ces particules sont nombreuses, plus les gouttelettes d’eau se forment facilement, sont de toute petite taille, et créent des nuages brillants et réfléchissants. Or qui dit réfléchissant, dit effet refroidissant sur le climat.» Plus l’humanité limitera sa pollution, plus le ciel nuageux au-dessus de sa tête perdra son pouvoir rafraîchissant. Effet indésirable et très fâcheux

Déjà en mer, les scientifiques se sont rendu compte des prémices du phénomène. Particulièrement depuis que l’Organisation maritime internationale (OMI) a imposé aux bateaux, en 2020, de limiter la teneur en soufre du fioul à 0,5 % (contre 3,5 % auparavant) pour raison de santé publique. «Les paquebots fonctionnaient avec du fioul de très mauvaise qualité, qui contenait beaucoup de dioxyde de soufre, et qui, une fois libéré sous forme de particules, influençait fortement les propriétés réfléchissantes des nuages, détaille Olivier Boucher, directeur de recherche au CNRS et responsable du centre de modélisation du climat de l’Institut Pierre-Simon Laplace. Depuis quelques années, les traînées de navire tendent à s’atténuer et l’effet refroidissant des nuages s’estompe. Mais nous ne sommes pas encore capables de mesurer l’impact précis de ce changement d’interactions aérosols nuages sur les températures.» Même flou s’agissant de la terre ferme. Que se passera-t-il, à mesure que la pollution continentale diminuera ? «Probablement la même chose que sur les océans, poursuit Olivier Boucher. On va vers un réchauffement, mais on ne sait pas de combien, tout est incertain.»
 
 

 
Les chercheurs s’affairent aussi à mieux saisir le lien entre vapeur d’eau et évènements climatiques extrêmes. A commencer par les fortes pluies. Le principe de base est celui-ci : en se réchauffant, l’atmosphère s’humidifie. Partant de cette règle d’or confirmée par les modèles et les observations, les scientifiques estiment que ce phénomène conduira à une intensification des précipitations. Seul point solide et consensuel entre eux sur les nuages. «Les fortes pluies vont devenir de plus en plus extrêmes dans la plupart des régions et cette intensification sera amenée à se poursuivre tant que la température du globe ne sera pas stabilisée, commente Hervé Douville, climatologue à Météo France et coordinateur du chapitre consacré aux «changements du cycle de l’eau» dans le sixième rapport du Giec. Les récentes inondations en Grèce et en Libye ne sont qu’un aperçu de la situation à venir. Les précipitations extrêmes vont gonfler de l’ordre de 7 % pour chaque degré de réchauffement atmosphérique supplémentaire. Si par malheur nous nous dirigions vers une hausse globale des températures de +3°C, les pluies intenses pourraient donc croître d’environ 20 % et entraîner des pertes humaines et des dégâts considérables si les mesures d’adaptation restent insuffisantes.»

S’agissant du nombre d’évènements pluvieux, tout est plus confus. «On se dirige probablement vers le scénario “il pleut moins souvent, mais quand il pleut, il pleut plus fort”, même si on ne peut pas affirmer que c’est une vérité générale acquise. Ces changements de fréquence vont dépendre de la zone géographique, de la saison, et même de l’intensité des pluies elle-même… Régionalement, nous avons des débuts de réponse. Mais c’est encore insuffisant, aujourd’hui, pour trancher cette question pour le sud-est de la France, par exemple», admet le chercheur du service national de météorologie

Le devenir des vents est scientifiquement irrésolu. Et la future organisation spatiale des nuages n’est pas encore bien comprise. Ces deux éléments majeurs pourraient dessiner l’identité complète des prochaines pluies. «Il est possible que des routes dépressionnaires dévient de leur chemin, selon des vents plus ou moins puissants et le brassage plus ou moins fort des couvertures nuageuses, développe Caroline Muller, chercheuse en sciences de l’atmosphère et du climat au CNRS et à l’Institut autrichien des sciences et technologies (ISTA). De même, si les nuages commencent à s’agglomérer et se déplacer en bande plus qu’à l’accoutumée, ou, au contraire, partir davantage en mode solitaire, la retombée des pluies sur le sol ne sera pas identique. Cela peut paraître pointu, mais derrière toutes ces interrogations se cache la réalité des sécheresses et des saisons pluvieuses de demain. L’étude des nuages concerne tout le monde.»

Prenez les cyclones, ces nuages monstrueux et redoutés jusque dans l’imaginaire. Le réchauffement climatique va-t-il les rendre plus menaçants encore ? Ce n’est pas un détail, alors la science fouille, tâtonne, explore. «Pour l’heure, nous ne savons pas si le nombre global de cyclones va augmenter, on pense même qu’il pourrait baisser. En revanche, de plus en plus d’études montrent que la proportion de cyclones intenses va significativement s’amplifier par rapport au nombre total de perturbations tropicales par an, clarifie Fabrice Chauvin, spécialiste de ces tourbillons au Centre national de recherches météorologiques. On est quand même dans les limites de l’exercice. Les projections de l’activité cyclonique dépendent de la qualité de nos modèles et de leur degré de raffinement pour représenter les phénomènes de petite échelle, notamment la microphysique des nuages qui est très difficile à appréhender.»

Voilà en partie pourquoi les nuages demeurent des ovnis scientifiques. Ce qui se trame dans le ciel n’est que partiellement détectable par les outils techniques. Les particules qui composent les nuées sont trop minuscules pour la résolution utilisée dans les modèles climatiques. «Les gouttes d’eau ou les cristaux de glace des nuages sont millimétriques, alors que les modélisations météorologiques sont destinées à couvrir des surfaces d’une dizaine de kilomètres dans leur maillage le plus fin, explicite Andrea Flossmann, coprésidente du groupe d’experts sur la modification météorologique de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et professeure à l’université Clermont Auvergne. Ces tout petits processus sont imperceptibles, pourtant ils cachent l’une des clés d’accès aux prévisions du changement climatique. On cherche, on trouve des indices, mais la route est longue et brumeuse.»
 
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Sinon, il y a quelques heures, j’ai appris la disparition de Veronika Varga. Cette nouvelle m’accable. Elle était encore si jeune. C’était non seulement une actrice rare, mais une personne belle souriante et lumineuse comme on en rencontre peu dans une vie. C'est une chance de l'avoir croisée. Je me souviens de ce court métrage d'Yvon Marciano "Emilie Muller" où elle est tout à fait stupéfiante (le lien est sous-titré en anglais). J’avais eu le plaisir de travailler avec elle, il y a bien longtemps, durant un mois sur un atelier consacré à "La mouette" de Tchekhov. Elle m’avait aussi ébloui dans l’interprétation d’un texte étrange "Solomonie, la possédée" de Gilbert Lely mis en scène par Christian Rist, que j’avais vu en Septembre 1996, à la maison de la poésie où je me trouvais précisément hier soir, parce que Mathieu Simonet y lisait des extraits de son livre « La fin des nuages ». Oui Veronika avait la grâce et la légèreté d'un nuage. Elle pouvait aussi susciter de puissantes émotions. Toujours mise en scène par Christian Rist, elle fut en outre une Phèdre de Racine insurpassable. La plus juste la plus touchante la plus vulnérable qu'il m'a été donné de voir.