Voilà,
il faudrait être capable de s’en tenir à cette sage résolution d’Henry Miller : « Ne pas dire un mot de toute une journée, ne pas voir de journal, ne pas entendre de radio, ne pas écouter de commérage, s'abandonner absolument, complétement à la paresse, être absolument, complètement indifférent au sort du monde, c'est la plus belle médecine qu'on puisse s'administrer. Il n'y a pas plus grande, plus extraordinaire bénédiction que l'absence de journaux, l'absence de nouvelles sur ce que peuvent inventer les humains aux quatre coins du monde pour rendre la vie vivable ou invivable. Si seulement on pouvait éliminer la presse, quel grand pas en avant nous ferions, j'en suis sûr ! La presse engendre le mensonge, la haine, la cupidité, l'envie, la suspicion, la peur, la malice. Qu'avons nous à faire de la vérité, telle que nous la servent les quotidiens ? Ce qu'il nous faut, c'est la paix, la solitude, le loisir...»
Cela exige de nos jours, une plus grande détermination encore, une aptitude au renoncement que je n’ai pas. Je redoute, chaque fois que je tente d’adopter cette ligne de conduite, d’être surpris par la violence du Réel comme ce fut le cas il y a huit ans ou encore ce matin de février, l'année dernière. Ce sont des temps où il faut se tenir aux aguets, sur ses gardes. Il faut retrouver les vieux réflexes, mais au fond les ai-je jamais perdus ? Tout cela m'épuise. A défaut de me "retrancher du cocotier de l'espèce", je voudrais être capable de me promener, plus souvent sans songer aux catastrophes qui ne cessent de se répandre sur le monde, juste flâner, et m'attarder parfois sur d'étranges reflets, sur des bouts de réalité insolites, comme ce jour là dans le jardin de la galerie de l'Institut, découvert un peu par hasard, un soir d'Octobre lors d'un vernissage où je m'étais invité. De toute façon les années passent et je ressasse les mêmes conneries. Il y a trois ans déjà, les choses en étaient, pour ma part, sensiblement au même point. Anamorphose et poids du monde. Besoin de fuite aussi. Mais depuis, il s'en est tout de même passé, des trucs bizarres et un peu inquiétants. Je n'y suis vraiment pour rien.