dimanche 31 mai 2020

Poudre d'escampette


Voilà,
Ces deux filles semblent vouloir sortir en douce du cadre, pour prendre la poudre d'escampette. Vers un monde plus doux peut-être, moins laid moins sale, moins effrayant, plus harmonieux...
Parfois je me demande ce qu'elle est devenue Brikado qui écrivait des haïkus en dessous de ses photos. Elle est partie comme ça un jour, sans crier gare, sans explication, sans jamais depuis donner de nouvelles. J'espère que rien de grave ne lui est arrivé. Sur son dernier post il y avait des vélos, comme celui-ci dont on ne voit que le guidon sous ce dessin de Fred Le Chevalier aperçu il y a fort longtemps sur l'une des gaines d'aération de la plazza Beaubourg.  (linked with monday mural)

vendredi 29 mai 2020

Deux robes vertes assez laides


Voilà,
au cours d'un récent entretien accordé au journal "Le Monde" l'anthropologue Philippe Descola affirme : "Un virus est un parasite qui se réplique aux dépens de son hôte, parfois jusqu’à le tuer. C’est ce que le capitalisme fait avec la Terre depuis les débuts de la révolution industrielle, pendant longtemps sans le savoir. Maintenant, nous le savons, mais nous semblons avoir peur du remède, que nous connaissons aussi, à savoir un bouleversement de nos modes de vie. Sans doute les marchés traditionnels chinois contribuent-ils à la disparition du pangolin ou du rhinocéros. Mais les réseaux de contrebande d’espèces protégées qui les alimentent fonctionnent selon une logique parfaitement capitaliste. Pour ne rien dire du capitalisme sauvage des compagnies forestières chinoises ou malaises opérant en Indonésie, la main dans la main avec les plantations de palmiers à huile et les industries agroalimentaires." Ne pas être le seul à penser cela et de partager ce genre d'intuition avec des esprits éclairés dont la légitimité est reconnue, me rassure. Car pour ma part je n'en ai aucune. Je n'ai de notoriété dans aucun des domaines que j'ai effleuré, et par conséquent mon point de vue n'a guère de valeur. Mais comme le remarquait Stefan Zweig "celui qui pense librement pour lui-même honore toute liberté sur terre", ce qui somme toute n'est déjà pas si mal. Cela dit, je ne crois pas non plus que la pensée de Philippe Descola, soit d'un poids énorme. Elle a du sens, bien sûr dans le milieu universitaire, intellectuel. Mais il y a bien longtemps que les décideurs de tous poils, industriels, financiers et politiques, n'entendent plus les voix de l'intelligence et du savoir, surtout celles qui condamnent la course démente au  profit et au pillage des ressources. L'aveuglement de quelques uns qui se pensent invulnérables du fait de leur puissance et de leur richesse conduit à la ruine de l'humanité. Ceux qui, comme ces militants écologistes en Amazonie, tentent de s'y opposer sur le terrain se font assassiner. Difficile donc, d'avoir le désespoir joyeux, mais bon que faire ? Il est sans doute trop tard il faut l'admettre. Il n'y aura pas d'intelligence collective pour se mettre au travail et tenter de rendre le monde meilleur. Ça ne s'arrangera pas, il n'y a plus lieu d'épiloguer là-dessus. Mais il y aura toujours, dans ce monde, du moins tant que je peux encore voir, d'étranges ou saugrenus détails pour attirer mon regard.  Ainsi  la surface miroitante et déformante de ces mannequins exposés dans une vitrine de l'avenue du Général Leclerc.  (linked with weekend reflections)

jeudi 28 mai 2020

When i'm 64


Voilà,
Je suis donc arrivé jusque là. Donc ça c'est fait.
J’ai encore tous mes cheveux et ils n’ont pas blanchi.


Je suis loin cependant de cette vieillesse paisible qu’évoque la chanson
Parfois il me semble que je n’ai plus le temps de perdre du temps

lundi 25 mai 2020

Cadavres exquis

Voilà,
en fait — et je ne me le formule que maintenant, alors que je suis sur la pente déclinante de ma vie — je n'ai jamais vraiment créé. Quand j'ai commencé à faire des collages, je me suis juste contenté d'assembler des éléments hétérogènes, et lorsque je photographie je n'invente rien, je dérobe des fractions de secondes à la réalité ambiante. Il est possible que ma relative maîtrise de certains outils informatiques y ajoute quelque chose de singulier. Mais bon ce n'est pas vraiment de la création. J'ai certes fait quelques dessins, peintures et coloriages et c'est sans doute cela qui m'est le plus personnel. Ce n'est cependant pas d'un niveau extraordinaire. Je repense à cela parce que pendant quelques jours, vers la fin du confinement je me suis livré à une sorte d'activité maniaque, un peu obsessionnelle, qui heureusement m'a quitté aussi vite qu'elle est apparue (du moins je l'espère). Même si elle ne relevait pas de l'invention d'une forme, elle manifestait toutefois une intention artistique. J'empilais des livres se trouvant dans ma bibliothèque de sorte que, superposés, les titres de leurs tranches formaient ainsi un petit poème. C'est un peu con, un peu futile, ça a commencé comme un gag sur un réseau social, mais j'ai continué. Ai-je fait cela pour me donner la sensation d'exister auprès des autres, pour me sentir moins seul, susciter des réactions, faire mon intéressant en quelque sorte, peu importent au fond les raisons. J'y ai quand même passé du temps, et de la réflexion. Mais, ce qui m'a intrigué — en plus du constat que je ne me souviens assez peu du contenu de la plupart de mes bouquins — c'est la récurrence du procédé utilisé, à savoir l'assemblage, le collage le détournement à partir de quelque chose qui préexiste. Recycler en quelque sorte. Réagencer. Bref pendant quelques temps ça m'a occupé l'esprit. Bidouiller des trucs, même quand on se trouve dans la plus grande indigence intellectuelle, sans grand entrain ni inspiration constitue peut-être un signe de santé après tout. Même si c'est de l'art modeste, c'est quand même un peu de l'art, en tout cas c'est une volonté  d'élaborer une forme aussi succinte soit-elle. Louise Bourgeois faisait remarquer que "faire de l'art n'est pas une thérapie, c'est un acte de survie. Une garantie de santé mentale. La certitude que vous ne vous blesserez pas et que vous ne tuerez personne". Et d'ajouter : "J'exorcise les démons qui me poursuivent depuis l'enfanc. Une fois la sculpture terminée j'ai l'impression que l'œuvre a éliminé l'anxiété que je ressentais. Les artistes progressent comme ça : ils ne s'améliorent pas, c'est juste qu'à chaque fois ils sont capables de résister à leurs propres agressions. Toute ma vie a été l'art de combattre la dépression, la dépendance émotionnelle ... Tout ce qui m'importe c'est de vaincre la peur. Cacher, confronter, exorciser, honte, trembler et finalement avoir peur de la peur elle-même. C'est mon thème." Je trouve ça assez juste.


  

Je vous livre donc quelques un de ces poèmes sur tranches, ces sortes de cadavres exquis comme les nommaient les surréalistes. J'espère qu'ils amuseront mes quelques correspondants qui font vraiment œuvre de poésie. Pour ceux qui ne parlent pas français, j'en livre une traduction anglaise. De gauche à droite et de haut en bas.

Forgetting the time, the evil that's coming. The worst is already foreseen, I'm dead.
I give up the use of speech. Heading for the worst
Who are you, face found in the cafe of lost youth ? One can't see anything.
Dark Sunday, Laure. From the farthest reaches of oblivion, look at the snow falling on the side of Swann's house.
Ah youth! Said the two sons. Emilienne's legs don't lead to anything. It's advantageous to have somewhere to go.
Jerome, (an actor,) his wife Anne-Marie (a desolation), me, my sister, we killed Stella in the heart of darkness.
 On the edge of time, in the mountains of the Netherlands, dreaming of oneself
 gloomy delight face to darkness. Women and ghosts, tell me about love.
Bad news, very bad news. It's fucking war. Destroy, she says. To finish it off again, exterminate all those bully guys
What does love mean? Zig-zag, submission, big hugs for every day
Listen to me, I'm a strange loop, the whisper of ghosts, a moment in the wind, one, no one, and a hundred thousand. Fuck me. 
A flea in your ear, blood in your eyes, it all gets complicated.

dimanche 24 mai 2020

Ceci n'est pas une ordonnance


Voilà,
sur un mur de l'hôpital St Louis, un artiste du nom de Pablo Savon a conçu cette fresque amusante à double titre. Elle fait référence à un célèbre tableau de Magritte et représente une feuille manuscrite indéchiffrable, comme le sont paraît-il la plupart des écritures de médecins, et s'appelle donc "ceci n'est pas une ordonnance". Je ne sais pas si cela fera rire les étudiants en médecine, réquisitionnés au titre de stagiaires pour intervenir dans les hôpitaux durant la pandémie, dans les conditions de sécurité que l'on sait, et qui vu les circonstances ont assumé plus de responsabilités et ont du être plus opérationnels que ce que supposait leur statut, tout cela pour la glorieuse rétribution de 200 euros mensuels. Ainsi vont les choses dans le meilleurs des mondes possibles. (Linked with Monday murals)

vendredi 22 mai 2020

Porte dorée


Voilà, 
juste une histoire de symptôme qu'on néglige de prendre en considération on sait que ça pourrait être grave mais on s'efforce de ne pas y croire Où que se porte l'attention, on n'entrevoit guère de salut Douleur dans le haut de la cuisse On ne veut surtout pas prendre de disposition Sensation que l'histoire repasse les plats que la catastrophe est imminente que l'on a peut-être même un pied dedans Comment se démerdent-ils les autres avec les nouvelles du jour Quand je suis ici je voudrais être ailleurs  On dirait une douleur musculaire  Il n'y a aucune raison pourtant on ne fait rien ne bouge pas on ne fait pas d'effort. Difficile de trouver la joie tout en sachant que rien ne semble devoir s'améliorer  Étrange d'assister à ce délitement où tout devient déraisonnable et de ne pouvoir rien faire d'autre que de le constater  Non en fait c'est un ganglion Quand je fais cela je voudrais faire autre chose quand je suis ici je voudrais être ailleurs  Et je vois ces deux types sur un grand banc la tête dans les mains et le grand nageur derrière  Ce que je lisais autrefois dans les livres d'Histoire lorsqu'il était question de la montée des périls, je le comprends mieux aujourd'hui, disons que je l'éprouve Et puis toute cette fatigue, est-ce d'avancer dans la vie avec la conscience que l'avenir est pauvre en promesses mais on ne veut pas y croire Il y a le Brexit il y a la montée des populismes sur tout le continent, et maintenant la pandémie on se dit qu'on ne doit pas qu'il ne faut pas y croire  On verra bien quand la maladie se déclarera mais peut-être est-elle déjà déclarée Je regarde les gens qui sourient dans la rue, ceux qui semblent heureux d'être là malgré tout comme si de rien n'était  Comment font ils ont-ils conscience d'être en sursis mais bon même avant-guerre on fredonnait des chansons drôles Le monde sur lequel je me suis construit, émotivement, intellectuellement, s'effondre  Cela sera d'ici peu le monde d'hier  On continue à boire, à fumer, on sait que c'est mauvais, mais on ne va pas changer son mode de vie. on continue à dépenser l'argent qu'on n'a pas On ne regarde pas les analyses des spécialistes, on retarde le temps d'effectuer les examens on fait comme si rien ne pouvait arriver oui comment font les autres comment  ? s'obligent-ils à ignorer ce qui se trame ou bien ne le voient ils pas c'est sans fin croit-on mais ça finira Pendre un jour après l'autre Tu la connais celle du vieux patient et du jeune médecin ? Non Après un bilan approfondi le médecin dit au patient vous êtes en bonne santé Je vous assure dit le patient j'ai mal partout, j'ai sûrement une maladie vous ne voulez pas me le dire c'est sûrement grave  Mais pas du tout répond le médecin tout va très bien Docteur vous croyez connaître les maladies mieux que moi ?  Bien sûr je suis médecin Ah oui depuis combien de temps ?  Depuis huit ans  Ah bah oui voilà c'est ce que je dis, vous n'êtes médecin que depuis huit ans, alors que moi ça fait quarante ans que je suis malade
(Linked with the weekend in black and white)

jeudi 21 mai 2020

J'aime / Je n'aime pas (11)


 Voilà
J'aime réentendre un vieil air de musique qui m'était sorti de l'esprit
Je n'aime pas le mensonge et l'irresponsabilité des autorités françaises durant la pandémie
J'aime les couleurs chaudes de Bonnard dans le tableau "Soirée sous la lampe"
Je n'aime pas quand les gens oublient de s'acquitter de leurs dettes
J'aime les libertés que prennent les animaux dans Paris depuis l'instauration du confinement
Je n'aime pas le mot "ressenti" substantivé qui a peu a peu supplanté le mot sensation
J'aime les nouveaux mots français qu'inventent les québécois comme "les gougounes", "la douillette" ou "divulgâcher"
Je n'aime pas non plus "le vivre ensemble" je trouve cette expression moche ça m'a rappelle les discours politique de ce gros con de François Hollande
J'aime les chiottes japonaises et coréennes
Je n'aime pas que pas un jour ne se passe sans que j'aie mal quelque part
J'aime voir les enfants qui s'agitent dans les parcs de jeux, du moins le souvenir que j'en ai
Je n'aime pas devoir être obligé de porter un masque dans la rue
J'aime les ports, tous les ports pour leurs promesses de départs
Je n'aime pas être obligé de reparcourir ma carrière professionnelle pour vérifier mes points-retraite
 J'aime le melon (en tout cas cette année je préfère le melon à la pastèque
Je n'aime pas être tenaillé par la faim alors qu'il me faut perdre du poids
J'aime les danses polovtsiennes dans "Le Prince Igor" de Borodine
Je n'aime pas la novlangue du confinement et en particulier les mots "présentiel" et "distanciel'" qui n'ont rien de céleste
J'aime le calme des rues désertes au petit matin
Je n'aime pas être assigné à résidence
J'aime sentir l'odeur du jasmin fraîchement éclos
Je n'aime pas ce que le monde est en train de devenir
(Linked with skywatch friday - blue monday)

lundi 18 mai 2020

Le Jaloux des Vivants


Voilà,
il y a quelques années j'ai interprété le monologue, d'un personnage appelé "le Jaloux des vivants" dans la pièce "L'Enfant rêve" du dramaturge israélien Anokh Levin, mise en scène par Philippe Adrien. J'y étais paraît-il très convaincant. Je me souviens de Mimi, qui pourtant a souvent la dent dure, mais un si beau sourire et une jolie fossette me refaisant après la représentation un gimmick que j'avais trouvé pour une scène.
J'étais père depuis peu, ma fille n'avait pas encore un an. Je coachais aussi de temps à autre des journalistes pour une des chaînes de la télévision d'État. A l'époque je roulais à moto, et c'était très pratique pour me rendre, en passant par les boulevards extérieurs du pont de Garigliano où je travaillais avec les journalistes jusqu'à la Cartoucherie de Vincennnes, pour les représentations. Un soir, en rentrant du théâtre il s'en est fallu de quelques mètres pour que je sois fauché par une voiture folle, du côté de la porte de Bercy.
A présent, je repense à tout ça et aussi à un spectacle assez loufoque de Christian Pereira que j'ai vu lorsque j'avais vingt ans et qui s'appelait "Mourir ! Beau ?". C'est Philippe Tiry qui m'avait recommandé de le voir. Le titre le faisait rire.
Cet après midi, je regarde les nombreux moineaux pépiant avec insouciance sur les branches. Ils me disent la vie. Toute la vie. Là. Terriblement. J'ai tellement sommeil pourtant. (saturday critters)

dimanche 17 mai 2020

Le destin par derrière, ricane en silence



Voilà,
"Mais le fait est là. Pendant que les hommes, le dos courbé, font des petits calculs, échafaudent des plans pour les mois, les années à venir, le destin par-derrière ricane en silence. Son calendrier n'est pas celui des hommes, il a ses perspectives à lui, ses échelles de valeur à lui ; il fait fi des échéances humaines, soumises aux intérêts trop immédiats, trop visibles. De leurs sentiers précaires le destin arrache les hommes, au beau milieu de leur cheminement, pour les mettre sur une voie qu'ils ne peuvent prévoir, dont ils ne connaissent ni la distance ni la direction." En apercevant cette misérable porte de chantier, j'ai songé à cet extrait de François Cheng dans l'une de ses "Méditations sur la beauté" lues pendant le confinement. Sur cette paroi subsiste la trace d'une peinture réalisée il y a quelques mois pour célébrer l'année nouvelle. Celle que nous vivons encore, dans l'alarme et dans la crainte, quand tant d'autres y sont morts, et qui nous voit désormais contraints de sortir masqués, aux abois. Il y est écrit "respect, paix, amour", mais le dessin, d'inspiration cubiste suggère quelque chose de plus rude de plus âpre, et finalement plus conforme à ce que nous traversons aujourd'hui.  (Linked with Monday Mural)

vendredi 15 mai 2020

Mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe


Voilà,
ça me revient il y avait dans l'équipe de football des Girondins de Bordeaux dans les années 60, un joueur qui s'appelait Abossolo —je crois que son prénom était Gabriel — mais je n'en suis pas certain, et qui portait le numéro huit. Je m'en suis souvenu, un jour sur le quai de la gare du Raincy parce qu'une femme venait de prononcer ces quatre syllabes au téléphone, 
 
Ça me revient 
quand j'étais petit il y avait une émission sur les arts, présentée par une femme qui s'appelait Lise Elina je me souviens des noms de peintres Van Dongen, Modigliani,  Soutine ...
 
Ça me revient
le premier album du groupe Violent femmes, celui avec la chanson "Blisters in the sun" fut aussi un des premiers que j'ai intégralement téléchargés sur mon ordinateur 
 
Ça me revient, 
la fois où je suis allé au jardin d'Agronomie tropicale, je m'étais promis d'y retourner au printemps. Ça risque d'être difficile avec ce confinement qui n'en finit pas 
 
Ça me revient
Philippe Tiry, un jour m'a offert, en m'en vantant les vertus cicatrisantes après rasage, un bloc hyalin, que j'ai toujours, dans une boîte rétro. Le bloc osma je crois.
 
Ça me revient
dans ma classe en troisième il y avait un garçon qui s'appelait Pierre Tillol. Il fut le premier à me parler des sagas nordiques et du Kalevala. 
 
Ça me revient 
que dans les années quatre-vingts, parmi mes relations, les gens qui aimaient les livres de Marguerite Duras étaient souvent les mêmes que ceux qui aimaient les films d'Eric Rohmer 
 
Ça me revient 
les mercredi soirs d'hiver à la communale de Biscarrosse-Plage. Il faisait sombre dehors. Attendre impatiemment la parution du prochain numéro du journal de Tintin qui occuperait toute la matinée du jeudi qui était alors le jour de congé.
 
Ça me revient,
Dominique fredonnant dans le salon de la maison de Châteaudouble la chanson de Ferré d'après le poème d'Aragon  "je chante pour passer le temps / petit qu'il me reste de vivre..."
 
Ça me revient.
dans les années soixante, le jour de Noël, il y avait une émission présentée par Pierre Tchernia, la figure la plus joviale de la télévision, où n'étaient diffusés que des extraits de films de Walt Disney que les téléspectateurs étaient supposés choisir en direct dans une liste 
 
Ça me revient,
à la fin des années 80, avant que n'existent les téléphones portables, lorsque je partais en vacances (car à l'époque je partais en vacances) je mettais sur mon répondeur téléphonique ce vieux tube des années soixante chanté par les Happenings "see you in september"
 
Ça me revient
"Us and them" de Pink Floyd dans ma tente sur mon magneto à cassette, lorsque je faisais l'écimage du maïs en 1973. 
 
Ça me revient,
c'est Claudia Stavisky, la metteuse en scène franco-argentine qui la première, dans un restaurant m'a parlé, au début des années 90,  du quinoa alors qu'il n'était pas encore introduit en France, 
 
Ça me revient 
qu’au début des années 80 les gens qui avaient une vie active avaient des agendas Filofax. 
 
Ça me revient 
la passion adolescente d’Agnès pour le poète Gerard de Nerval. Je crois même qu’elle avait fait une série de collages pour le recueil "les filles du feu".. 
 
Ça me revient 
j'aimais, enfant, paresser sur la plage et regarder les nuages. Et puis lorsque j'en avais assez avec les nuages je retournais plonger dans les vagues. Cette innocente insouciance, je voudrais être capable au moins pour quelques jours de la retrouver. 
Ç
a me revient
au dernier trimestre de 1964 au magasin CooP ou UNA, qu'on n'appelait pas encore supérette de Biscarrosse-Plage, j'ai découvert les bonbons PEZ au goût de citron ou verveine que l'on disposait dans un petit chargeur en plastique coloré à tête de Donald de Mickey ou de Pluto. Il doit bien exister des collectionneurs de tels objets et je demande bien de quel nom on peut les affubler.  Je me rappelle aussi de la petite chapelle en bois juste en face de l'école, où j'ai du assister à quelques leçons de catéchisme, avant qu'elles ne soient données dans la nouvelle église construite.
 
Ça me revient,
c'est de la bouche de S, que j'ai entendu pour la première fois l'expression "j'ai des papillons dans le ventre".  J'étais l'objet d'un désir partagé et je trouvais ça revigorant.
 
Ça me revient,
lorsque je suis retourné à Londres, en Novembre 1989, j'avais acheté là-bas une cassette de Flash and the Pan, un groupe australien que j'apprécie. J'habitais chez Kathie Owen, près de Portobello Road, dans un quartier très chic.
 
Ça me revient
la fois où j'ai acheté trois premiers disques  d'un coup à la Fnac des Halles, alors qu'elle venait tout juste d'ouvrir et que je travaillais au centre Pompidou. le premier album de Madness, le premier album des Specials, et le premier album des B52's 
 
Ça me revient 
mon oncle Philippe m'a dit un jour qu'il trouvait qu'une des plus belle chanson jamais écrite était "The Letter" des Box Tops. Maintenant on écrit plus de lettres mais des SMS 
 
Ça me revient 
Delphine chantant à tue-tête "yesterday's papers" que je lui avait fait découvrir vers 1973
 
Ça me revient
"Sunny afternoon" des Kinks que j'avais complètement effacé de ma mémoire, et que j'ai réentendu début mai 1981, dans le juke box du Corona, près du pont de l'Alma, quand nous nous retrouvions après les répétitions de Société 1, la pièce de Luc Ferrari que mettait en scène Didier Flamand. C'est à ce moment là que j'ai fait la connaissance de Mortensen. .Je crois que c'est un de mes plus doux souvenir de spectacle. Toute la troupe nous n'arrivions pas à nous quitter. Et puis peut-être aussi que nous entions que quelque chose était vraiment en train de changer dans ce pays.
 
Ça me revient
au début des années soixante dix quelqu'un avait transcrit la symphonie 40 de Mozart au synthétiseur et que ça avait eu un grand succès 
 
Ça me revient 
mais il y a tant de choses qui m'échappent
(linked with the weekend in black and white)

mercredi 13 mai 2020

La Gare de Caen


Voilà,
un jour devant la gare de Caen, je me suis souvenu des trains électriques de mon enfance, de la marque Jouef. Il me semblait en effet qu'elle ressemblait à celles que l'on pouvait trouver en modèle réduit. Pourtant cette rénovation de la façade qui a un petit air des années cinquante a été réalisée bien tardivement en 2009. (Linked with skywatch friday)

lundi 11 mai 2020

Chevaucher le tigre dit-il



Voilà,
pour avoir durant ma vie professionnelle souvent improvisé sur des plateaux de théâtre ou bien encore dans des cours ou des formations qu'il m'arrivait quelquefois d'animer, pour m'être aussi livré à des tentatives d'écriture, enfin bref, pour avoir un peu tâté de ce travail qui consiste à transmettre sa pensée, je crois savoir, qu'une métaphore, surtout lorsqu'on s'exprime oralement, ne vient pas de n'importe où. Et s'il peut nous arriver d'être surpris de l'énoncer, elle ne surgit jamais par hasard. Elle affleure parce qu'elle nous a marqués et il est rare qu'on ne se souvienne pas de qui l'a formulé, ni de quelle lecture elle se fait l'écho. Lors de sa pitoyable  — et là, je renvoie au pertinent article de Céline Nogueira — prestation destinée aux signataires d'une tribune parue dans le journal "Le Monde", répondant à ceux-ci inquiets du peu de cas qu'on faisait des professions de la Culture dans le programme de mesures économiques liées à l'Après-confinement, notre président, a, dans l'ivresse d'un monologue exalté et quelque peu confus, succombé à la tentation de la métaphore. "Il faut chevaucher le tigre" s'est-il exclamé sous le coup de l'inspiration à propos de laquelle Boris Vian, écrivait "il y a des gens qui n'ont pas peur des coups". Assurément notre petit président fait partie de ceux-ci. Pour tout dire j'ai trouvé la formule assez peu élégante. Je ne l'avais jamais entendue.  Ça m'a tout de même intrigué.
"Chevaucher le tigre" est le titre d'un livre de Julius Evola, un des théoriciens du fascisme. Ainsi, au détour d'une conférence de presse, de nouveau s'exprime le refoulé macronien. Déjà, il y a deux mois, qui paraissent d'ailleurs lointains, la référence maurrassienne au "pays réel" du président avait paru suspecte. Aujourd'hui, ses influences pseudo-philosophiques ajoutées à un hubris de plus en plus délirant ne manquent pas d'inquiéter. Du coup on comprend mieux dans quel fumier s'est épanouie une autre métaphore celle du "président jupitérien". Rappelons que l'hubris (du grec ancien ὕβρις "excès, démesure, orgueil"), désigne cette confiance excessive en soi, et sans doute aussi la foi en la Providence qui souvent mène à des erreurs fatales. Chez les Grecs anciens, cet orgueil inacceptable de la part d’un mortel, cette prétention à une supériorité insolente parmi les hommes devait, pour les dieux immortels, entraîner une punition cruelle. Mais ça c'est la mythologie.

dimanche 10 mai 2020

Un Drapé insolite



Voilà,
à l'angle de la rue Furstemberg et de la rue Jacob, où se trouve le magasin de l'éditeur de tissus d'ameublement Pierre Frey, on a, pour attirer l'attention, disposé un drapé au motif subtil et coloré. A partir de demain, le quartier St Germain-des-prés va, bien que les terrasses des cafés et des restaurants demeureront encore fermées, s'extraire de la torpeur du confinement. Maintenant que l'autorisation de sortir peut excéder 1 km de son domicile, nul doute, que je m'y rendrai d'ici peu si toutefois les rues ne sont pas encore trop encombrées et polluées, ni la circulation chaotique. Je reste pour ma part assez dubitatif. Tant qu'il est impossible de tester massivement les gens, la prudence s'impose. Et puis tout dépend de la discipline collective. De toute façon les fortes pluies qui s'abattent en ce moment sur Paris, et la chute des températures n'incitent guère à mettre le nez dehors (linked with Monday mural)

vendredi 8 mai 2020

Air du Temps (de quoi gerber)

linked with weekend reflections

Voilà
te souviens tu de ça ?
En Belgique, au carnaval d'Alost en plein cœur de l’Europe en 2020 des citoyens hilares costumés en nazis défilaient derrière un char représentant la caricature d’un juif, nez crochu et sac d’argent à la main, pendant que d'autres personnages en redingotes noires et schterimel étaient déguisés en cafards

A Idlib, pour préserver des relations économiques avec la Russie, le France et la plupart des nations occidentales ont perdu leur propre humanité en se rendant complices de crimes de guerre perpétrés par le gouvernement de Bachar El Assad vassal de Poutine.

il n’est pas impossible que l’on dénombre, à la fin de la décennie, plus de 50 000 nouveaux satellites dans le ciel. Un chiffre à comparer avec les quelque 8 000 engins envoyés en orbite depuis le début de l’ère spatiale, en 1957.

En Novembre 2018, Newsweek indiquait que les États-Unis avaient dépensé près de 6000 milliards de dollars dans des guerres qui ont directement contribué à la mort d’environ 500 000 personnes depuis les attentats du 11 septembre 2001. Pendant ce temps là, les chinois investissaient dans des infrastructures et modernisaient leur pays

les propos d'Aurore Bergé, députée du parti présidentiel La République En Marche relevaient-ils du cynisme ou de la bêtise lorsqu'elle affirma début 2020, lors de l'opposition d'une partie de la population aux nouvelles propositions de loi sur la retraite — le Conseil  d'Etat n'avait pas encore émis les réserves que l'on sait depuis  —  "Il convient de s’interroger sur la légitimité de ceux qui contestent nos choix politiques. Les retraités votent pour l’avenir de notre pays alors qu’il n’en feront plus partie. Il faut que cela change". Finalement la crise du covid aura sûrement éliminé bien des opposants.

L'abjection intégrale : l'Administration Trump avait annoncé le 31 janvier 2020 un changement de politique assassin sur les mines antipersonnel, autorisant de fait les États-Unis à reprendre la production, l'utilisation et le stockage de mines antipersonnel".

L'ignominie : pendant une heure le matin du 30 janvier 2020, les députés se sont déchirés dans l’hémicycle autour d’une question : faut-il allonger de cinq à douze jours le congé légal accordé pour le décès d’un enfant mineur ? Le député du Nord, Guy Bricout (UDI), avait déposé une proposition de loi en ce sens, profitant d’une des rares niches parlementaires laissées aux députés. Le gouvernement s’y était opposé, estimant qu’il ne revenait pas aux entreprises de financer cet acte de solidarité à l’égard des parents endeuillés. Le groupe parlementaire LREM avait suivi l’avis du gouvernement et le texte avait été repoussé par 40 voix contre 38. 

Un soir subissant les pubs au cinéma avant un film tu avais vraiment pensé qu’on ne s’en sortirait pas, que le monde occidental ne voulait pas changer de modèle, qu’il désirait vraiment crever au milieu de ses bagnoles pourries, dans ses clubs de vacances de merde, en consommant toujours plus de hamburgers sursaturés de graisses et de produits toxiques

Dans les campagnes, En France, sous la pressions des lobbies agricoles des milliers de cours d'eau avaient été volontairement rayés des nouvelles cartes préfectorales. Cette disparition administrative est synonyme de feu vert pour épandre des pesticides. Car suivant la même logique que pour les zones de non-traitement aux pesticides à proximité des maisons, les cours d'eau sont protégés, avec une interdiction d’épandage de quelques mètres autour d'eux
.
Une ministre de la République avait dit que l’insulte à l’encontre d’une religion est une atteinte grave à la liberté de conscience'!". Nicole Belloubet, ministre de la justice pourtant ancienne membre du Conseil constitutionnel, méritait ce jour-là un 0/20 en droit constitutionnel car en France, s'il est interdit d’insulter les adeptes d’une religion on peut insulter une religion, ses figures, ses symboles .

Les enseignants présents le 3 octobre dernier devant le rectorat de Bobigny, venus manifester leur soutien après la mort de leur collègue Christine Renon, avaient constaté une retenue sur leur salaire  Interrogé, le ministère n’avait pas réagi.

les équipes de construction du mur de Trump avaient déjà dynamité des lieux de sépulture de la tribu Tohono O’odham. Ce dynamitage avait été autorisé par le ministère de la Défense et servait de préparation au terrain sur lequel serait ensuite construit un mur de 9 mètres de haut séparant les États-Unis du Mexique

et j'en passe

mais ça c'était avant. C'est étrange comme tout cela paraît lointain, presque relégué aux oubliettes. Il y a bien d'autre saloperies depuis, mais c'est comme si cela n'existait pas

En France, pour ne parler que de ce que je connais aujourd'hui il y a des préfets qui réduisent les distances de protection d'épandage de pesticides au détriment de la santé des populations environnantes et les lobbies font passer des lois écocides en profitant de l'état d'urgence

en pleine crise sanitaire pendant que les gens, malades et soignants, démunis de tout, tombent comme des mouches tués par l'épidémie, pendant que les mensonges d'état s'accumulent et que le scandale dépasse toute limite, le gouvernement lance un appel d'offre pour grossir son stock de bombes lacrymogènes.

 La ZAD de la Dune a été brûlée par les partisans du Port de Brétignolles-sur-Mer, suite à un déploiement militaire impressionnant avec de nombreux effectifs de gendarmes, drones et un hélicoptère !Alors que la priorité des autorités devrait être d’ordre sanitaire, l’état paye le prix, par nos impôts, d’une opération militaire au moment même où le manque si primordial de tests, de respirateurs, de masques de protection pour les soignant.e.s et la population est incompréhensible. Pour rappel, une heure de vol d’un hélicoptère de gendarmerie peut coûter jusqu’à 4000€. »
Une évacuation armée qui s'est effectuée dans le mépris des règles de sécurité sanitaire et légales en cours pendant cette période de confinement, mais aussi de la trêve hivernale qui dure jusqu'à fin mai cette année. Les travaux de ce projet pensé en 2002 devraient reprendre à l'automne 2020. Au total, le port de plaisance va détruire une partie du Marais Girard, zone naturelle d’expansion des crues et havre de biodiversité, une ferme en agriculture biologique, et une réserve d’eau douce de 340 000m3.

En Seine et Marne, le préfet "afin d'assurer la sécurité des gens" a, par un arrêté, — heureusement invalidé ensuite, mais c'est l'intention qui compte —réquisitionné les chasseurs pour faire respecter le confinement. Pendant les quelques jours où ils ont disposé de ces prérogatives, (patrouiller, traquer les promeneurs se baladant en forêt et dans les espaces naturels et donc faire appliquer les restrictions liées au covid 19. Ils ont pu verbaliser au même titre qu'un fonctionnaire de police dont ils se distinguaient par leur uniforme  vert. Ceux dont le plaisir est d'exterminer la faune sauvage ont très vite mis le même zèle à sanctionner les promeneurs qui essayaient de recharger au contact des arbres et de la naturele peu d'énergie qui leur restait. Ces chasseurs, déconfinés, se baladant, eux, librement en forêt, ne furent un temps ni plus ni moins que l'ébauche d'une - milice d'Etat - une police à tendance totalitaire. Et dans certaines régions, ils se sont très vite acharnés sur ceux de leur voisinage catalogués anti-chasse.

Le confinement est le prétexte à tester  des nouveaux modes de surveillance installation de caméra  et de drones, traçage informatique. Quand aux flics, ils ont de plus en plus tendance à abuser de leur pouvoir 

La France laisse entrer Huawei sur son territoire avec une usine d'équipement pour la 5G — une première mondiale.

Benyamin Nétanyahou a réussi à former une coalition gouvernementale dont l’objectif principal est l’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie. Il dispose pour cela du soutien de Donald Trump et de la passivité complice de la communauté internationale 

Des dizaines de manifestants, dont certains armés, se sont rassemblés dans l’entrée du Capitole, siège du Parlement du Michigan à Lansing, sa capitale. Ne portant pas de masque, certains ont hurlé au visage de policiers masqués, pour réclamer l’accès à la Chambre et  exiger l’assouplissement des mesures de déconfinement mises en place pour lutter contre la propagation du Covid-19.

Allez on arrête là. la liste est trop longue, trop douloureuse.
Fuyons l'air du temps. Retournons vers les territoires de l'enfance

jeudi 7 mai 2020

Statue de Jean-Jacques Rousseau au pied du Panthéon


Voilà, 
au cours d'une de mes promenades de santé, j'ai revu, au pied du Panthéon, la statue de Jean-Jacques Rousseau, devant laquelle je n'étais pas passé depuis longtemps. J'aime cette ville avec ses rues vides. Certains soirs juste avant que ne tombe la nuit, reviennent les souvenirs de sensations anciennes, lorsque je me promenais seul dans les rues d'Alger déserte, un lointain mois de juin, juste avant la rupture du jeûne. (linked with skywatch friday)

mercredi 6 mai 2020

Colonnes Morris


Voilà,
en cette période de confinement, la mairie de Paris, sans doute pour suggérer aux rares passants la nécessité de rester chez soi, a eu l'idée d'habiller nos célèbres colonnes Morris privées d'affiches publicitaires, d'une image représentant des gens chez eux à leur fenêtres. Toutefois l'une d'entre elle demeure volets fermés. Mes quelques rares lecteurs qui ont appris à me connaître, peuvent aisément deviner quelle genre de pensée a pu germer dans mon esprit. Est-ce l'appartement d'un de ceux qui ont fui la ville pour confiner à la campagne, ou celui de quelqu'un en réanimation dans un service d'urgence hospitalier ? Quoiqu'il en soit, cela me plaît, lorsque les colonnes Morris affichent autre chose que des publicités pour des films ou des spectacles, comme ce fut le cas cet hiver, lorsque, en exposant dans la ville quelques uns de ses dessins, on rendit hommage de son vivant au génial Sempé, qui a su si bien traduire, avec une espiègle et délicate poésie les rêves de ceux qu'on appelait dans les années soixante dix "les français moyens".

Linked with Signs 2
Linked with Paris in July

lundi 4 mai 2020

La Palette


Voilà,
hier en fin de journée au cours de ma promenade quotidienne, je suis passé devant La Palette, ce café très connu du quartier St Germain, et j'ai réalisé que je ne l'avais jamais vue fermé. J'ai ainsi découvert ces peintures sur le rideau de fer. 
En fait, j'aime beaucoup ces promenades dans les rues désertes. On entend les oiseaux chanter, tous les bruits désagréables de la ville ont disparu. Cette sensation d'irréalité ne me déplaît pas. Certes c'est parfois un peu angoissant, mais cela offre la possibilité de voir des immeubles comme on ne les a jamais vus, de ressentir la ville plus paisiblement. Je crois que je redoute ce moment où les voitures vont de nouveau envahir les rues. (Linked with monday mural)

vendredi 1 mai 2020

Les amoureux du premier mai 2020


Voilà,
en fin de journée je me suis promené dans le périmètre qui m'est autorisé. Je trimballais une inquiétude qui ne me quitte pas depuis hier soir, une inquiétude de vieux dont j'espère qu'elle n'est qu'un produit de ma névrose plutôt qu'une juste intuition. Et puis j'ai vu ça. Eux deux. Je les avais aperçus de loin, et bien sûr je m'étais dit qu'ils ne respectaient pas les règles de distanciation. Mais je les enviais, j'enviais leur jeunesse, leur insouciance, ou leur intense désir de vivre, d'aimer de s'étreindre, de braver le danger,  — mais quel danger il y a-t-il quand on a dix sept ans ? — oui, je les comprenais bien. Confinés dans leurs familles respectives, il y avait peut-être là un rendez vous furtif. Qui n'en a pas eu, de ces moments clandestins où l'on a que la rue et si peu de temps pour s'étreindre, sentir l'autre, la peau de l'aimé, de l'autre désiré qui vous manque tant, qui occupe toutes vos pensées, auprès de qui l'on voudrait être quand le printemps vous chauffe les sens et  que la vie appelle ? Oui, ils avaient bien raison de s'aimer de se toucher ces deux là. Et puis en face, cette pauvre banderole — oh je pense qu'ils y étaient pour rien, quand on s'aime on est seuls au monde — une banderole sans défilé, une revendication de fantômes, une colère sans voix. Et ce moment a réclamé son image.