jeudi 31 juillet 2025

Paisible balade


Voilà
onze mois 
quand il y avait encore de l'espoir 
à moins que ce ne fut du déni
autour de cet étang, sous cette lumière,
nous fîmes une paisible balade
la dernière ensemble

mardi 29 juillet 2025

Liste des étonnements (3)


 
Voilà,
je m'étonne que l'espèce humaine, plutôt que d'affronter les défis écologiques qui s'imposent à elle, préfère s'autodétruire en diverses guerres

je m'étonne que les masses votent en majorité pour des hommes et des  femmes de peu d'intelligence.

Je m’étonne du nombre de cons qui sont persuadés d’être HPI (haut potentiel intellectuel)

Je m'étonne encore que périodiquement apparaissent dans la langue française des tics de langage qui ponctuent la communication orale de chevilles. Dans les années cinquante il y avait "n’est-ce pas" dont L-F Céline fit un fort usage dans ses interviews. Dans les années soixante-dix il y avait "je veux dire" qui revenait souvent et aussi "quelque part" . De nos jours les gens disent "voilà"  au milieu des phrases à tout bout de champ. "De base" a la faveur des jeunes. A quoi sert ce bruit de la parole sans aucun contenu ?

 

Je m'étonne encore de l'inconséquence du présomptueux de la République qui a déclenché une crise institutionnelle, qui a déclaré pendant la campagne des législatives que la guerre civile était à nos portes, qui ensuite s'est félicité de l'enthousiasme et de l'unité des français aux J.O. et qui aujourd'hui, un an après continue de faire le malin et de donner des leçons à tout le monde, et continue de considérer qu'il n'est responsable de rien  et que les citoyens de ce pays sont une majorité de crétins qui ne le comprennent pas. Il est en outre persuadés d'avoir été choisi alors que la plupart des gens ont voté non pour lui mais contre son adversaire


Je m'étonne du degré de sagesse nécessaire pour vivre sur l’île d’Agashima au Japon. Il faut être philosophe ou croire très fort en la providence.


Je m’étonne que dans un journal pour CSP+ on puisse écrire "étoile universelle du cinéma français "à propos d’un acteur décédé. Étoile universelle ça ne veut rien dire…


Je m’étonne encore de ce moment de suspension de douceur qui fut celui des jeux olympiques de Paris. C'était une sorte de récréation. Les transports publics fonctionnaient, il n'y avait plus d'incidents voyageur, les policiers étaient courtois, les étrangers bien accueillis. La population considérablement rajeunie.


Je m’étonne de certaines coïncidences: alors que les jeux olympiques se terminaient sur l'épreuve du marathon, la ville grecque du même nom était évacuée parce que l’incendie gagnait ses abords. De même que la prochaine ville olympique est Los Angeles autour de laquelle chaque été se propagent de terribles incendies


Je m’étonne de lire dans le très sérieux journal "Le Monde" daté du 30 octobre 2024 que le jours où l’on a le plus de probabilités de mourir est en général celui de son anniversaire ou le 3 janvier. 


Je m’étonne que des gens fortunés dépensent beaucoup d’argent pour envisager d'aller vivre sur Mars au lieu de dépenser leur fortune pour préserver une planète encore viable ici-bas


Je m’étonne qu’un peuple qui a subi un génocide majeur devienne à son tour génocidaire.


Je suis étonné de l’apparition de cette expressions qui n’existait pas il y a trois ans dans le grand public comme "goutte froide" qui décrit un phénomène autrefois exceptionnel et qui tend désormais à se reproduire fréquemment. Cela désigne en météorologie un volume limité d’air froid représenté, sur une carte météorologique, entouré d'isothermes fermées. C'est ce qui a créé des pluies diluviennes et catastrophiques  dans la région de Valence en Espagne.


je m'étonne de ma tendance de plus fréquente à fuir les bulletin d’actualités, les nouvelles à la radio ou à la télévision. Je sens bien que le chaos gagne partout, mais je n'ai plus le courage d'entendre cela et je fais l'autruche pour me préserver

 

je m'étonne que le rêve américain se soit en si peu de décennies transformé en cauchemar.

Comment ne pas en être tout de même un peu chiffonné

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jeudi 24 juillet 2025

L'Inadmissible


Voilà,
je cite in extenso cet article d’André Markowicz au sujet d’Israël, et auquel je pensais en me promenant dans cette rue, avant que je ne prenne cette photo. Je le fais car il est argumenté étayé et surtout parce qu’il est écrit par un auteur juif. Je m’aventure pour ma part assez peu à commenter ce qui se passe à Gaza en dépit des horreurs qui y sont perpétrées. Faire part de son indignation à ce sujet — surtout quand on est goy —, suscite aussitôt la réprobation de bien des gens. Je pense à quelques amies psychanalystes, dont les réactions m'ont, il y a quelques semaines, tout de même bien étonné. La possibilité d’une compassion également partagée pour toutes les victimes civiles de ce conflit, quelle que soit leur origine, semble encore difficilement acceptable pour nombre de personnes. On se retrouve très vite taxé d’antisémitisme. Daté du 8 Juillet cet article s’intitule "L’inadmissible."

J’ai découvert l’existence de Nissim Vaturi (en faisant des recherches dont je parlerai plus tard). Nissim Vaturi est un des vices-présidents de la Knesset, membre du Likoud (et non d’un des partis d’ultra-ultra-ultra-droite de Smotrich ou Ben Gvir). Et ce Nissim Vaturi répète, à quasiment chacune de ses déclarations publiques (et depuis octobre 23) qu’il faut « vider Gaza des Gazaouis ». Ce n’est pas pour cela qu’il a été au centre d’un débat de la commission d’éthique (il y a une commission d’éthique à la Knesset), mais parce qu’en octobre 2024, il a fait une série d’autres déclarations. Il disait qu’il fallait « brûler Gaza », qu’il n’y avait « pas d’innocents à Gaza », et que tous les Palestiniens étaient « des sous-hommes ». Il disait de même qu’il fallait régler le problème des Palestiniens en « faisant de Jénine une nouvelle Gaza », c’est-à-dire qu’il fallait réduire en ruines toute la Cisjordanie (Jénine était visiblement métonymique pour toute la Cisjordanie), et donc qu’il fallait tout brûler. Il ajoutait (mais, là, je n’ai pas trouvé de source que j’estime fiable, – était-ce le même jour ou dans une autre déclaration ?) qu’il fallait prendre l’ensemble de la population de Gaza, séparer les hommes des femmes et des enfants, fusiller l’ensemble des hommes et garder les femmes et les enfants dans des camps.

Cet homme est donc l’un des vices-présidents de la Knesset. Un député, communiste, que l’on nomme « radical », membre du parti Hadash (lequel est une coalition, électoralement insignifiante, de partis arabes et de communistes juifs), Ofer Cassif, a porté plainte devant la commission d’éthique. Le verdict de la commission d’éthique a été d’épargner la moindre sanction à Nissim Vaturi. Son jugement, cité par « Le Times of Israël » (journal conservateur, lié aux conservateurs américains), énonce ceci : « La commission estime que les remarques n’ajoutent pas de respect à la Knesset en tant qu’institution, en particulier à la lumière du fait qu’il est vice-président de la Knesset, mais en raison de l’importance de la sauvegarde de la liberté d’expression, rien ne permet de justifier qu’il a violé les règles d’éthique »

Donc, cet homme n’a pas violé, le Parlement israélien, les règles de l’éthique. Il est donc, aux yeux des députés d’Israel, d’énoncer, en tribune, que les Arabes sont des « sous-hommes », il est éthique de vouloir « vider Gaza des Gazaouis » et de brûler Gaza, et de vouloir brûler l’ensemble des habitations palestiniennes en Cisjordanie (ou peut-être seulement à Jénine ?), et il est n’est pas répréhensible, au nom de la « liberté d’expression », d’appeler au génocide (rappelons que l’exécution des hommes et l’enfermement des femmes et des enfants, c’était ce qui s’était passé à Srébrénica. Il y a eu des milliers de morts. Là, on parle, potentiellement, de millions). Nissim Vaturi continue donc d’occuper le poste qu’il occupe, quitte à souiller le parlement israélien, – ce que la commission accepte.

*

Là où les choses sont encore plus frappantes est le cas du député qui avait porté plainte, Ofer Cassif. – Et d’abord, cette évidence : il a été le seul à porter plainte. Les députés de la soi-disant gauche, les travaillistes et les autres, tous, sans aucune exception, ils n’ont pas réagi. La question est de savoir pourquoi : le discours de Vaturi s’est-il à ce point banalisé qu’il est devenu normal ?... Ofer Cassif, lui, est qualifié de "radical". Il est "radical" parce qu’il proclame sa solidarité avec les populations palestiniennes, qu’il a toujours dénoncé les colons (il s’est fait tabasser, a été envoyé à l’hôpital, s’est fait menacer de mort – par un policier), et , en octobre 23, a dit que la politique de l’État d’Israël avait amené au 7 octobre. Il n’a pas, un seul instant (du moins n’ai-je rien trouvé, – ne lisant pas l’hébreu) excusé le massacre du Hamas. Il a dit que ce massacre était le résultat de décennies et de décennies de la politique colonialiste de l’État d'israel. Après cette déclaration, lui, – et à l’unanimité des membres de la Knesset (je ne sais pas ce que faisaient ses quelques collègues de son parti), il a été sanctionné, pour « propos inadmissibles », et interdit, à l’unanimité, de débats au Parlement. Il a le droit de vote, mais il n’a pas le droit de parler.

Donc, d’un côté, des propos génocidaires – clairement génocidaires, – et prônant le crime contre l’humanité (le nettoyage ethnique). Ces propos-là sont « éthiques ». De l’autre, une dénonciation de la volonté génocidaire, – et cette dénonciation est, pour l’ensemble du parlement (pas seulement pour la droite au pouvoir) – « inadmissible ». 

Une image d’Israël aujourd’hui. 

Cela, c'est l’Israël de Trump. C’est aussi, hélas, l’Israel de l’Europe (et donc, d’un point de vue électoral, le nôtre ici), puisque l’Europe continue de collaborer, militairement et économiquement, avec Israël.
*

Deux poids deux mesures. Le boycott de la Russie poutinienne fait consensus (mais n’entrons pas dans les détails...). Ce boycott n’est pas anti-russe, il se veut, au contraire, une arme pour une transformation démocratique de la Russie... même si c’est peu de dire que nous en sommes loin. –  Il est absolument nécessaire, fondamental, que l’Union européenne boycotte, dans les conditions présentes et de la même façon, Israel, un pays qui, au nom de la liberté d’expression, accepte qu’on puisse considérer un homme comme un « sous-homme », et admet les appels au génocide énoncés par des membres éminents de son parlement. Ce boycott ne sera pas anti-israélien, il devrait être, au contraire, un appel à la dignité et à l’éthique. Vouloir « vider Gaza des Gazaouïs » (expression ressassée par Vaturi, mais pas que par lui) est vouloir perpétrer un crime contre l’Humanité, même au nom de la lutte contre le Hamas.
 
Il n'y a rien à ajouter. Sinon qu'on se sent sale d'appartenir à un pays complice de ces atrocités, et où certains députés voudraient considérer comme un délit le fait de mentionner qu'Israël entreprend un génocide dans la bande de Gaza. Alors on dira "un nettoyage ethnique".
Sinon, à part ça, aujourd'hui advient le jour de dépassement de la terre. C'est à dire que l'humanité a consommé à ce jour plus de ressources naturelles et émis plus de gaz à effet de serre que la terre n'est en capacité d'en produire ou d'en absorber au cours d'une année.

mardi 22 juillet 2025

Extra-Muros


Voilà,
c'est une vue dont on ne peut se lasser. C'est l'un des plus beaux panoramas d'Europe. Le pont d'Avignon. Le Rhône. La cité des Papes, le Mont Ventoux au loin. En cette fin d'après-midi j'ai déjà le départ dans la tête. J'ai commencé à faire ma valise. Je suis allé me promener extra-muros, au-delà des remparts vers l'île de la Barthelasse. Comme d'habitude, il y aura eu des jours où j'aurais trouvé le temps long et finalement ce mois aura vite passé. Je n'aurais pas eu le temps de faire ce que j'avais supposé. Visiter des amis à Nîmes, Arles... L'été, durant le festival, Avignon vous tient captif. 
Ce jour là, j'ai réfléchi à ma mélancolie. Mais ma mélancolie, je ne sais pas d’où elle vient exactement. Peut-être de la solitude, d’avoir été longtemps un enfant unique qui en outre, ne pouvait pas avoir beaucoup d’amis parce que la petite cellule familiale déménageait fréquemment. Je me suis toujours senti en quelque sorte coupé du monde, à part. De plus, j’avais des dispositions pour la nostalgie ce qui n’arrange rien. Contrairement à ce que j’ai lu dans un article du journal « Le Monde », il y a quelques mois, j’ai des souvenirs qui datent de bien avant l’âge de trois ans. Oh pas vraiment des souvenirs mais des images associées à des sensations comme ça, précises. 
Et puis à partir de trois ans je peux dérouler le film de mon histoire. Sans doute parce que, à cet âge-là je me suis retrouvé dans un environnement totalement différent. D'ailleurs, j’avais déjà changé d’environnement précédemment. Je suis né en Allemagne. J’ai quelques souvenirs de poussette que j’ai déjà évoqués par ci par-là. Je me suis ensuite retrouvé dans la région de Saumur dans la douceur angevine. Là aussi j’ai des images précises : un accident de voiture, la nuit, la rampe qui menait à la maison de mon grand-père, l'odeur de la Loire. Et puis ensuite ce fut l'Algérie. Je me souviens très bien, non pas de la première partie du voyage parce que la génitrice m’avait drogué au sirop de Phenergan ou de Théralène pour que je sois calme durant le trajet en 4CV de Saumur à Marseille. En fait je réalise à quel point je devais être défoncé. Mais ensuite dans le bateau je me souviens des sensations, des images, de l’arrivée sur Alger, la mer verte, la ville blanche, la découverte du géniteur que j'avais finalement assez peu vu dans les premières années. Très peu de temps après ma naissance il est allé en Algérie parce qu’il était militaire de carrière. Ma génitrice qui quelques années auparavant avait épousé un homme qui une semaine, après leur mariage était parti en Indochine. Donc elle avait passé 18 mois seule et avait décidé que cela ne se reproduirait pas. Elle l'a rejoint en Algérie. De l’Algérie, j’ai des souvenirs nombreux et très précis, parfois pénibles que j’ai déjà évoqués dans ce blog. Je me souviens que là-bas, j’avais déjà la nostalgie de paysages d’endroits que je ne connaissais pas, mais qui m’étaient suggérés par des chansons, en particulier, l’adaptation de green fields par les Compagnons de la Chanson. Et vers huit ans il me semblait avoir énormément de souvenirs comme si j'avais déjà vécu une longue vie. Tout s'imprimait, les chansons les visions les odeurs... Les images du passé remontent, je n’y peux rien, c’est comme ça, je suis goupillé comme ça. Aujourd’hui encore c’est la même chose. Le présent me renvoie souvent au passé. Avignon par exemple, je suis à Avignon  à l’époque du festival. J'y ai exercé mes premiers jobs d'été quand j’avais 17 ans, 18 ans. Eh bien tout ça remonte terriblement. A cause des murs, des rues. Les visages, les noms, les gens de l’époque, les spectacles vus à ce moment là, oui la jeunesse, les souvenirs de jeunesse ont la même densité, peut-être même plus de densité que le présent. Je ne prenais pas de photos à l'époque. Aujourd'hui les photos aident à se rappeler. En ce temps là, la sensation s'imprimait sans que je réalise que cela serait pour longtemps. Pourtant, j'ai toujours autant de mal à reconnaître les visages. C'est curieux... Mais finalement, j'aime bien avoir cette faculté de souvenirs. Je ne m'ennuie pas. C'est juste parfois que cela me rend un peu vague, tout ce temps qui me traverse.

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samedi 19 juillet 2025

Inquiet comme un enfant

 
Voilà,
pour penser, écrire, dessiner, bricoler des images, tenter de mettre en forme des idées — ce qui peut se révéler parfois chronophage et laborieux — il est souvent besoin de solitude. Mais il arrive que celle-ci pèse et devienne angoissante quand on n'a pas retrouvé un ou une presque-pareille qui soit dans de semblables dispositions. Et l'on se sent alors inquiet comme un enfant qui se réveille la nuit dans une maison vide. C'est à cela que je pensais, errant à une heure tardive parmi les rues désertes. Jusqu'à cette rencontre. 

mardi 15 juillet 2025

Comme un bateau-mouche

 
Voilà,
Je ne suis pas particulièrement hypermnésique, mais tout à coup reviennent en mémoire, ces mois de juillet que je passais à Paris, lorsque j'habitais sous les toits du bâtiment Boncourt de l'École polytechnique, rue de la montagne sainte Geneviève. Cela se passait lorsque mes parents avaient "posé leurs congés" pour Août. J'aimais ces temps de solitude où je traînais essentiellement au quartier latin, dans les librairies, chez les disquaires alors nombreux du côté du boulevard St Michel ou de la rue des écoles. J'aimais me promener. Parfois, je longeais la Seine avec ses bouquinistes et je poussais jusqu'au pont Alexandre III pour voir la Tour Eiffel. Je le fais encore souvent, c'est un panorama dont je ne me lasse pas car je suis toujours un touriste dans cette ville.
Ou bien lorsqu'il faisait très chaud je passais l'après-midi à la maison à regarder le tour de France, surtout les épreuves de montagne. C'était au temps de  la rivalité entre Eddy Merckx et Luis Ocaña. Je glandais pas mal, lisant parfois, écoutant de la musique sur mon Teppaz. Parfois, je me faisais du pop corn à la poêle. 
C'était une préadolescence paisible. Les deux parents travaillaient. Je pouvais jouir pleinement du temps qui passe. Tout était au présent ou au futur proche, et l'avenir pouvait bien attendre.
A présent j'entrevois le terme de ma vie trop vite passée. Impossible de ne pas y penser. C'est dans l'ordre des choses. On ne peut sans cesse procrastiner. Il faudrait que je me prépare. 
Trop de gens autour de moi disparaissent. Pour le moment je suis encore là, relativement valide. Tant que dure le miracle, quelle que soit sa nature, il faut à tout instant s'en réjouir, bien sûr. Mais tout de même, il arrive parfois que, telle un bateau-mouche sur la Seine, passe une légère angoisse...

vendredi 11 juillet 2025

Défilé nocturne

 
Voilà,
En choisissant d’offrir aux Français un "défilé nocturne" pour le 14 juillet 1982, François Mitterrand avait fait le choix de l’innovation protocolaire. De façon symbolique, c’était une manière pour ce premier président socialiste de la cinquième république élu depuis un peu plus d’un an seulement, de marquer la singularité de son septennat.


J'éprouvais alors un réel plaisir à saisir toutes ces personnes qui ne se préoccupaient absolument pas de moi tant elles étaient absorbées par le spectacle qui leur étaient offert. Ayant grandi dans l'armée, il va sans dire que je n'ai aucune appétence pour ce genre de manifestation, et j'ai toujours considéré les gens qui y trouvent quelque agrément, avec une certaine réticence.
 

L'occasion était trop tentante d'une série de clichés à la manière de Lisette Model, où les gens sont toujours plus ou moins ridicules. J'ai appris il y a peu, qu'elle déclarait photographier les choses qu'elles ne comprenait pas, et que, "appuyer sur le déclencheur était pour elle une façon de poser une question, dont la photo lui révèlerait possiblement la réponse". Je n'en crois évidemment pas un mot. J'ai plutôt tendance à considérer que dans l'Amérique puritaine, et au moment où la tendance était à la photographie humaniste, il lui était difficile d'admettre publiquement qu'on pouvait être fasciné par les tares, la laideur, les anomalies, les difformités, les comportements étranges qui se manifestaient dans une société d'abondance de loisirs et de confort.  
Pour en revenir à ces photos de défilés qu'on trouvera rassemblées sous le libellé spectateurs de ce blog, elles ne sont pas franchement généreuses, c'est sûr, mais plutôt effrontées. C'était une façon de montrer que le socialisme, dont le slogan  — pompé sur Arthur Rimbaud — était "changer la vie", ne changeait –de ce point de vue – rien du tout. Le populo quel que soit le régime en place, était comme avant, et comme il sera toujours, forcément assez con pour être au rendez-vous et regarder "défiler et complimenter" l'armée française.

mercredi 9 juillet 2025

Autrefois l'insouciance

 
Voilà,
c'était il y a dix ans. La plus grande nation occidentale n'était pas encore gouvernée par un malade mental complètement sénile. C'était même quelque chose d'inenvisageable. Elon Musk, quant à lui était encore un jeune entrepreneur "une sorte de gourou, un porteur de rêves qui aime se lancer des défis disait on de lui dans les gazettes. Les entreprises Paypal, Space X, Tesla, le projet Hyperloop... Autant de défis lancés ou relevés par celui qu'on considérait comme un entrepreneur génial bien que déjà controversé. Après un premier succès économique dans les années 2000 avec la revente de l'entreprise Paypal, Elon Musk s'était lancé dans le challenge technologique en pariant sur la voiture électrique avec la firme Tesla : «Je veux démontrer que la voiture électrique est la voiture la plus prometteuse de monde !», confiait-il alors. À l'époque, son projet c'était Hyperloop. Lancé en 2013, il rêvait au voyage ferroviaire à très grande vitesse avec une ligne reliant Los Angeles à San Francisco en moins de trente minutes. C'est à cette époque aussi qu'il lançait Open AI dont l'Objectif affiché était de développer des technologies d’intelligence artificielle et de les mettre à disposition de tous, pour qu'elle bénéficie à l'humanité « En tant qu’organisation à but non lucratif, notre but et de créer de la valeur pour tout le monde, plutôt que pour des actionnaires », pouvait-on lire dans le texte de présentation, sans réaliser à quel point cette nouvelle technologie serait gourmande en énergie.
Dix ans à peine, depuis cette photo sous le ciel bleu de Madère ; cela me paraît si loin, presque irréel. Ce n'est pas que les choses allaient particulièrement bien à l'époque, mais comparées à maintenant, c'est sans mesure. Ce qui est stupéfiant, c'est l'impression d'une inéluctable accélération vers le pire, dont on ne connaît pour le moment pas la nature exacte. 
On est désormais dans le temps de la force désinhibée, comme jamais peut-être auparavant. Au regard de la puissance de destruction dont l'humanité dispose, on ne peut que s’en inquiéter. Surtout quand la bêtise est à ce point plébiscitée. C’est quand même une sorte d’Amin Dada qui a été démocratiquement élu dans ce qui, voilà peu de temps encore, passait pour la première puissance mondiale. Si, pour l'humanité ce n'est pas encore la fin des temps, il est cependant possible que, comme l'écrit Pierre-Henri Castel dans son ouvrage "Le mal qui vient", ce soit déjà le temps de la fin. De toute façon, cela prendra une forme autre que ce que nous sommes en mesure d'imaginer.
 
 
Mais tout de même, à défaut d'être joyeux, apprécions — puisque de toute façon il ne nous reste guère d'autre alternative —,  le plaisir de pouvoir encore, sous un ciel radieux flâner en paix dans la splendeur d'une sainte et moyenâgeuse cité.

mardi 8 juillet 2025

Paisible campagne


 
Voilà, 
j'ai le souvenir de paysages de campagne, paisibles, mais de plus en plus incertains dans ma mémoire, comme si je les avais rêvés. Les oiseaux y brodaient leurs trilles. On y voyait des papillons. Des fleurs multicolores égayaient certaines prairies.
Aujourd'hui 8 juillet, Le parlement français risque d'adopter une des lois les plus dangereuses contre la biodiversité,. Les députés qui s’apprêtent à la voter sont supposés défendre l'intérêt général et le bien commun. Pourtant cette loi, initiée pas le député Duplomb, un ancien syndicaliste de la FNSEA, le syndicat agricole des grands producteurs, se propose de lever les "contraintes" concernant l'usage des pesticides ou le stockage de l'eau. Elle réintroduit un pesticide extrêmement dangereux de la famille des néonicotinoïdes : l’acétamipride, substance interdite en France depuis 2018 en raison de ses effets sur les pollinisateurs et du danger qu’elle représente pour la santé humaine.
Plus globalement la loi Duplomb si elle est votée définitivement à l'Assemblée nationale, contribuera à favoriser l’apparition de cancers et de maladies chroniques à échelle industrielle. 
Véritable bombe sanitaire, elle constitue un recul majeur pour la santé publique et témoigne d'une vision court-termiste de l'agriculture. Le choix du profit immédiat plutôt que celui de la vie.
Les députés approuvant cette loi  acceptent de protéger les intérêts de l'agriculture productiviste au détriment de notre santé et de l'intérêt général. Et tout cela en parfaite conscience de la catastrophe sanitaire et environnementale à venir. La surveillance de la qualité des cours d'eau et des nappes phréatiques montre que les pesticides y sont présents et qu'ils se retrouvent souvent dans l'eau du robinet et certaines eaux de sources. Des études estiment que nombre d'aliments vendus en France contiennent des pesticides. Jusqu'à présent l'usage de ces derniers était conditionné à l'avis de l'ANSAES (agence nationale pour la sécurité sanitaire de l’alimentation et de l'environnement). La loi prévoit une autre instance (probablement noyautée par le lobby de l’agroalimentaire) qui informera directement le ministre ayant autorité en matière de pesticides, contournant ainsi les préconisations des scientifiques. 

dimanche 6 juillet 2025

Pêle-mêle avignonnais (2)

 
Voilà,
ces jours-ci dans une rue d'Avignon, j'ai vu ce rideau de fer. Je l'ai trouvé, pour un commerce de bouche, assez peu engageant. L'image d'un bousier, dont l'encyclopédie nous dit que c'est un insecte coléoptère coprophage qui se nourrit presque exclusivement d'excréments et de résidus de parturitions, n'est peut-être pas la plus adaptée.
 
 
Je réalise que, voilà un an, suite à la stupide dissolution de l'assemblée nationale par notre crétin de président, tombait le résultat du deuxième tour. Depuis l'environnement international n'a cessé d'empirer, devenant de plus en plus anxiogène et délétère. Quant au contexte de politique intérieure il est toujours aussi inextricable. Sans parler de la situation budgétaire lamentable. Mais bon, ici c'est toujours le même cirque. Les années se suivent et se ressemblent. On vit dans une bulle. Je fais aussi partie de cette faune. Difficile de s'en extraire quand on est là. Avec le début du festival, les affiches ont submergé la ville. Devant ce nombre effroyable de spectacles, on se demande que faire de cette terrible frénésie à vouloir à tout prix signifier, à la fois pour le monde et en dehors du monde. C'est parfois du grand n'importe quoi. "Tchekhov en commedia dell’arte" par exemple. Pendant ce temps-là, les États-Unis où un autocrate idiot et sa bande de gangsters se sont emparés de tous les rouages du pouvoir, deviennent une nation policière. Le moyen-Orient ressemble à un feu de tourbe. Même quand on ne le voit pas ça continue de brûler. Poutine détruit l'Ukraine sans que plus personne s'en émeuve. L'Europe ne réalise pas encore qu'elle n'a plus aucune influence sur le monde. La situation climatique ne cesse de s'aggraver partout sur la planète à une vitesse qui surprend même les spécialistes. Mais ici, la seule obsession est d'attirer le potentiel spectateur en le harcelant dans la rue et en lui distribuant force tracts. 
Peut-être certains regretteront-ils l'année prochaine ce folklore. Ici aussi les temps vont devenir plus difficiles. Peut-être la plupart des festivaliers auront-ils d'autres préoccupations que le théâtre à pareille époque.


Quoi qu'il en soit, je continue de me promener, vaquant dans l'Incertitude qui est au principe de la condition humaine prise entre l'inéluctabilité de la mort et le mystère du moment où elle nous saisira. Ici, je ne peux m'empêcher de penser à des gens que j'ai aimés. et qui ne sont plus. Ils m'ont fait découvrir ce festival, il y a fort longtemps. Pour moi, les rues sont surtout peuplées de fantômes. 
Parfois, je m'attarde devant la beauté des pierres.

vendredi 4 juillet 2025

Mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe (19)

 
Voilà,
ça me revient 
j'étais au stade Charléty pour voir sur grand écran la demi finale de la coupe du monde 1998 opposant la France à la Croatie durant laquelle Lilian Thuram a marqué les deux seuls buts de sa carrière internationale. Je me souviens de la joie des guadeloupéens et guadeloupéennes présents. Et de cet inexplicable moment de grâce qui tenait du miracle
 
ça me revient ,
Une anecdote rapportée il y a longtemps par Philippe Tiry. Une compagnie bordelaise « Fartov et Belcher » du nom de deux personnages de Beckett avait du changer de nom, pour la programmation d’une tournée aux USA, parce que l’intitulé de la compagnie signifiait Pêteur et Roteur, et certains théâtres américains menaçaient de refuser d’accueillir une compagnie ainsi nommée 
 
ça me revient
dans les années 70 au théâtre, il y avait une imagerie récurrente dans bien des spectacles, celles d'hommes vêtus de noir avec des chapeaux melons et des parapluies
 
ça me revient 
Patrick Busignies, un jeune homme qui perdait progressivement la vue et qui venait souvent manger chez Philippe et Dominique vers 1974-75. Il était associé avec un groupe de gens et ils avaient créé le théâtre Essaïon dans une cave, située rue du Renard
 
ça me revient
enfin non, ça ne me revient pas, j'y pense souvent, à la gentillesse de Michel Jacquelin qui s'était mis en relation avec ma fille, parce qu'il avait eu la même maladie qu'elle, et qui l'appelait après chaque période critique de son traitement pour prendre de ses nouvelles.
 
ça me revient 
la sidération éprouvée à la lecture du livre de Jean Rouaud, "Les champs d'honneur" lorsque je suis arrivé à ces quelques pages de description de toutes les variétés de pluies qui peuvent tomber en pays nantais
 
ça me revient 
je possédais "L'astronomie populaire" de Camille Flammarion vers l'âge de 13 ans. Je crois que j'avais demandé à ma mère de me l'acheter à Arcachon, après une visite chez le médecin. C'était une de ces fois où j'avais simulé un terrible mal de ventre pour échapper à quelque composition de math
 
ça me revient
"Miroir du cyclisme" et "Miroir du football" des revues sportives dans le courant des années soixante. Plus tard j'ai appris que ces revues appartenaient à un groupe de presse proche du parti communiste, et qu'on y faisait des analyses marxistes du jeu. Ainsi considérait-on que la défense en ligne constituait l'acte progressiste alors que le catenaccio symbolisait "le fric pour ne pas perdre, soit le capitalisme le plus ordurier".
 
ça me revient  
Le Villars ce café en face du lycée Victor Duruy qui a depuis été remplacé par un "Monceau fleurs"

ça me revient
j'ai découvert l'existence du papier d'Arménie à 17 ans parce qu' Agnès en avait dans sa chambre
 
ça me revient 
une finale du championnat de France de rugby à l’époque où c’était encore un sport amateur que les joueurs du Racing avaient joué avec des nœuds papillons sur leur maillot et s'étaient fait servir du champagne à la mi-temps. Je crois que dans l'équipe il y avait Franck Mesnel et Jean-Baptiste Lafont (un joueur qui fut d'abord sélectionné chez les barbarians anglais, avant de l'être en équipe de France). Par contre je ne me souviens plus de l'année.

Ça me revient, 
la première fois où j’ai tiré directement de l’argent en devise locale avec une carte bleue. C’était à Hong Kong en 1989

ça me revient,
les réveils le matin à Londres lorsque nous étions venus avec Agnès passer des vacances dans la maison que sa sœur partageait avec des copains, au 41 Westbere road, dans le quartier de Kilburn. Quelqu'un posait le disque des doors sur la chaine et l’intro de "L’america" nous réveillait

Ça me revient 
lors de mon séjour en Guadeloupe à Gosier, j’achetai souvent de la boisson à l’Aloé vera à la boutique du chinois

Ça me revient 
comme c’était bon d’avoir seize ans et d’écouter "Exile on main street" des Stones. De la fenêtre de ma chambre, au loin on pouvait apercevoir le rocher des singes du zoo de Vincennes
 
ça me revient
il y avait un monsieur dans les années 80 et 90 qui venait voir les acteurs à la fin des spectacles pour qu'on lui signe des programmes, il connaissait le nom des acteurs ce qu'ils avaient fait il nous déclinait notre carrière
 
ça me revient 
le souvenir de Philippe Tiry chantant "l'alouette" pour nous faire rire
 
ça me revient
les noms bizarres entendus dans l'enfance, des collègues de régiments de mon père, et qui surgissent parfois comme cela Strapazon surnommé strapa, Lolivrel, Slivenski surnommé Sli, le capitaine Pompée en Algérie, le colonel Trébel
 
ça me revient 
ce prof de musique en troisième pour nous convaincre d'aimer autre chose que le rock nous faisant écouter "Pacific 231" d'Arthur Honneger, ou "variation pour une porte et un soupir" de Pierre Henry, alors que messe pour le temps présent aurait autrement suscité sinon notre adhésion du moins notre intérêt
 
ça me revient
dans la bibliothèque de Lestiou, il y avait un livre intitulé "Dieu est il français", publié dans les années trente. J'ai fait des recherches. Son auteur était allemand et s'appelait Friedrick Sieburg. Sous ce titre provocant l'auteur dresse un tableau pertinent de l'état moral et culturel des Français. Des études légères côtoient des réflexions sur le catholicisme ou le face-à-face France-Allemagne.
 
ça me revient 
il n'y a pas si longtemps j'ai vu un documentaire sur Pierre Boulez. C'est le seul homme qui en vieillissant a eu de plus en plus de cheveux sur la tête
 
ça me revient
dans la bibliothèque de mes parents les douze césars de Suétone et les pages concernant Caligula
 
ça me revient
la première fois — c'était au début des années 80, sur France-musique ou France-Culture — où j'ai entendu un enregistrement de musique javanaise du pays sunda, le début de ce disque précisément, de la collection "ocora musique du monde produit par Radio France". J'en fus saisi, et cela m'arrive encore souvent de le réécouter et cela me met dans un état de suspension tout à fait salutaire, cela touche une part de moi que je ne sais nommer,
 
ça me revient 
l’odeur du buis dans les jardins de la cité universitaire  en juin 1996 lorsque nous y répétions « la cerisaie de Tchekhov avec les metteurs en scène Margarta Mladenova et Ivan Dobchev pour les festival d’Avignon
 
ça me revient 
les camemberts de chez Barthélémy, un fromager situé au début de la rue de Varenne que Philippe ramenait de temps à autre rue de Vaugirard
 
ça me revient
c'est sous la halle du marché de Pau, à la fin des années 90 que j'ai découvert les pêches plates (paraguayo)  que j'adore et qu'on ne trouvait pas encore à Paris. 
 
ça me revient 
"locomotive d'or" de Claude Nougaro,  en 1973 un long morceau sur des rythmes africains, un truc complètement insensé qui durait 9 mn et qui constituait un tournant dans la discographie du chanteur, et que j'écoutais le soir sur mon magnétophone , c'était l'année de l'amour, l'année de la vie enfin, l'apprentissage de la liberté et de l'émancipation intellectuelle
 
ça me revient 
la fête pour les 19 ans de Laurence qui est née avec l'été. De la sangria avait été servie dans des pastèques. Le jour même j'avais passé l'oral de mon bac français au lycée Camille Sée.
 
 
ça me revient 
la boutique "Crabtree & Evelyn" boulevard St Germain, non loin de chez Lipp, avec une vasque pour pouvoir se laver mains et poignets après avoir testé crèmes et parfums. J'ai appris il y a peu que le nom de l’enseigne  désignait deux botanistes anglais du XVIIIe siècle (George Crabtree et John Evelyn) Rien que de voir une ancienne bouteille, cela me procure la même senstion que lorsque je vois une boîte de Dinky-toys 
 
ça me revient, mais il y a toujours quelque chose qui m'échappe

jeudi 3 juillet 2025

Possible

 Voilà,
en juin 2024
Aperçue à travers la vitre musée d'Art moderne 
du Centre Georges Pompidou 
cette scène m'avait furtivement semblé
une possible image du bonheur.
Aujourd'hui ce lieu où je me suis si souvent réfugié
pour y trouver dans le foisonnement des œuvres
une joie paisible et muette
où j’ai même travaillé 
(cela me semble désormais une autre vie)
va 
– car on doit le rénover –
fermer pour plusieurs années.
Vivrai-je assez longtemps
pour remettre un jour les pieds dans cet endroit ?