dimanche 29 août 2021

Rouge vif


Voilà,
à l'angle de la Rue du Roi de Sicile et de la rue Vieille du Temple dans le quatrième arrondissement de Paris, on peut remarquer la mosaïque d'un rouge intense qui, pour les différencier des boucheries classiques, caractérisait autrefois les boucheries chevalines. 
C'est à partir de 1866 qu'elles ont vu le jour à Paris car auparavant consommer de la viande de cheval était illégal. A la suite de l’invasion prussienne, et du siège de la capitale qui, durant l'hiver 1870-187, provoqua une famine, l’hippophagie entra peu à peu dans les mœurs. Le développement de tels commerces, offrit l’opportunité d’acheter une viande très énergétique à un prix plus avantageux que la viande bovine. Cette mosaïque soigneusement préservée, même si désormais ce fonds de commerce est dévolu à la vente de chaussettes et de collants, date paraît-il de 1949. Ces vingt dernières années la plupart de ces boucheries ont disparu. On en conserve encore toutefois quelques enseignes. 
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mardi 24 août 2021

142, Boulevard Brune

Voilà,
cette photo ne me satisfait pas pleinement ; pourtant j'y suis attaché. En dépit de ses imperfections (j'aurais peut-être dû attendre une demi seconde afin que l'homme qui marche s'avance un peu plus dans le cadre) elle me charme cependant. Peut-être aussi parce que je l'ai prise très peu de temps après la fin du confinement, période qui au fur et à mesure qu’elle se perd dans le souvenir me paraît d’autant plus irréelle. Nous étions alors tout étonnés de revoir des gens dans les rues et des magasins ouverts, de ne plus avoir d'attestation de sortie à remplir et la possibilité de s'aventurer à plus d'1 km de chez soi.
J'avais accompagné S. venue me rendre visite la veille, et qui ce jour-là était allée rejoindre sa mère à la station service de la porte d'Orléans. Rentrant à pied chez moi, j'avais pris quelques photos. Celle-ci je crois constitue la première de la série. Traversant le Boulevard Brune, le contraste entre cet homme immobile, attendant vraisemblablement quelqu'un, — m'a-t-il aperçu ? est-ce la raison de cet air ombrageux ? —, et, sur le mur, le petit personnage en relief  qui suit son chemin, m'a interpellé. L'irruption fortuite du troisième homme, a créé à l'intérieur du cadre un triangle que je constate seulement maintenant et qui, bien qu'accidentel, ne me déplaît pas. Et puis finalement ce n'est pas mal d'avoir ces deux hommes. 
Bien sûr je pourrais profiter de ce hasard pour ne cadrer que les deux silhouettes qui marchent, cela créerait un effet insolite et amusant. Mais je tenais aussi aux enseignes superposées. Celles indiquant les hôtels ont quelque chose d'incongru. En effet il n'est rien qui ne ressemble à l'Acropole dans le coin. Quant au terminus, il est lui aussi assez surprenant : la gare la plus proche est à six stations de métro. Mais la scène, banale, et les lieux sans charme particulier, m'évoquaient aussi l'atmosphère de certains romans de Patrick Modiano, ou de Simenon. C'est sans doute cela qui a retenu mon attention. Et peut-être aussi que le boulevard Brune me rappelle un souvenir d'adolescence, concernant le peintre Gérardo Chavez déjà évoqué dans ce blog. 
Il y a tant de raisons cachées, parfois même inconscientes pour lesquelles il m'arrive d'appuyer sur le déclencheur. Souvent c'est l'intuition que cela pourrait donner quelque chose d'intéressant. Mais l'énigme réside précisément dans la nature de cet intérêt. Parfois c'est évident. Concernant cette image, ça l'est beaucoup moins. L'observant avec plus d'attention, je remarque néanmoins que de façon subreptice, il est questions de directions qui s'opposent les unes aux autres. Ai-je vraiment pensé à cela ? C'est peu probable. Mais il est par contre vraisemblable qu'à cet instant, mon esprit ait décelé quelque chose qui relevait de l'anomalie — peut-être ce grand vide, entre les protagonistes, comme le signe de "la distanciation sociale" concept qui fit fureur à l'époque — et qu'alors j'ai éprouvé le besoin de retrancher de cette réalité une fraction de seconde afin de la convertir en une matière plus tangible et durable.

dimanche 22 août 2021

Au pied de la lettre (2)



Voilà,
au cours de mes récentes pérégrinations parisiennes j'ai trouvé d'autres représentations d'expressions françaises, sur les murs de la ville. De gauche à droite "pendre au nez", "se serrer la ceinture" et "porter le chapeau", ce qui signifie pour mes amis anglophones "it's hanging over you", "belt-tightening"  et enfin "take the blame" or "take the fall". 
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mercredi 18 août 2021

Pas de quoi pavoiser


Voilà,
quelques jours durant, il avait emprunté un chemin dont jamais il n'accèderait au terme, s'infligeant une épreuve bien au-delà de ses forces, comme s'il s'était agi de se punir d'une faute obscure et lointaine qu'il eût été incapable de nommer. Sans doute cherchait-t-il à s'oublier lui-même, en même temps qu'à se détacher des nouvelles alarmantes que pourtant, avec une délectation maussade, il avait, sur sa petite machine qu'il ne pouvait s'empêcher de consulter, obstinément recensées durant des semaines, tant leur inquiétante et presque irréelle accumulation le fascinait. Incendies géants, records de températures, crues monstrueuses, fontes glaciaires, vagues épidémiques, tout ça parmi d'autres informations absurdes, saisonnières, dont l'avènement lui suggérait que l'humanité, glissait sur une pente sinon irrémédiable, du moins passablement funeste. La bêtise et l'ignorance le disputaient souvent à la rancœur, et les pensées, réduites à des slogans creux jaillissaient dans un désordre et une confusion toxiques, aussi vite que ce virus qui s'était propagé sur la planète. En dépit des catastrophes annoncées, ou peut-être pour cette raison, on s'ingéniait à en inventer d'autres et, sous certaines latitudes, on en venait à se massacrer avec une ferveur stupéfiante frisant l'allégresse, et cela le laissait vraiment pantois. Sous d'autres cieux, la grande messe olympique se déroulait, fait sans précédent, dans des stades entièrement vides. Des États autrefois prospères, chaviraient comme de vieux gréements ne supportant plus la houle. Il lui semblait n'apercevoir partout que débâcle et chaos. Franchement il n'y avait pas de quoi pavoiser, songeait-il en se grattant, car les moustiques eux, semblaient s'en donner à cœur-joie dans tout cet inextricable merdier. Devant ce paysage il s'était rappelé Van Gogh — après tout un champ de maïs, vaut bien un champ de blé, non ? —. Mais il n'était absolument pas équipé pour le suicide. De cette excursion il avait plutôt escompté une extase mystique qui tardait à venir. Un truc du genre "merveilleuse visite" ou bien "quelque part un visage m'attend" ou encore "cruel et savoureux martyre". Ça tombait parfois sur des bien plus cons que lui, alors pourquoi n'y aurait il pas droit lui non plus ? Au lieu de quoi, en plus de toutes les boufioles qui le démangeaient, ses pieds le torturaient autant que son bide, quand ce n'étaient de soudaines envies de pisser qui lui incendiaient la bite. Il redoutait parfois qu'il n'y ait désormais jamais plus d'été synonymes de vacances et de relâchement, qu'il était voué à ce qu'il y ait toujours un truc pour le contrarier, que ce soit sa viande ses gamberges ou le contexte, et que de toute façon quoi qu'il fasse c'était trop tard — pour ça comme pour le reste — il ne serait jamais bon pour la grâce. (Linked with my corner of the world - skyview - skywatch friday - my sunday best

lundi 16 août 2021

Étrange Aveu

 
Voilà,
ce curieux passage dans "La Transversale" le recueil de mémoires d'Alain Gheerbrant, que j'avais acheté au bouquiniste de la place Saint Didier à Avignon, juste entre l'église où a été baptisé Olivier Messiaen et le théâtre Barretta où nous jouions l'adaptation du livre de Ruwen Ogien "De l'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine". Gheerbrant, dont j'avais gardé un souvenir ému de sa relation de voyage "Orenoque Amazone", se livre à cet étrange et sidérant aveu : "Mais revenons dix ans plus tôt au café des assassins. À quelque maison de là une femme surgit de de l'ombre, silencieuse sur ses pieds nus, et me prit par la main. Je la laissais faire. Elle m'emmena au fond d'un couloir d'une cour obscure, dans une petite chambre meublée d'un lit de fer, d'une paillasse, d'un broc et d'une cuvette. Je cherchais dans mes poches quelque argent à lui donner. Et comme j'avais fait arrêt dans plusieurs bistrots, payant souvent la tournée, je m'aperçus qu'il ne me restait pas un sou. Je le lui dis. Elle me tourna le dos sans répondre et disparut, me laissant assis sur le lit. Mon regard errant remarqua sur le sol de terre battue quelques préservatifs usagés. J'en ramassai un et l'enfilai. Et cette soudaine intimité avec les restes de sperme d'un inconnu suffit à me faire éjaculer. Les transgressions auxquelles peut entraîner le désir ouvrent des fentes vers le ciel hors du sordide." (P82). 
Toutefois la dernière phrase de ce passage me paraît pour le moins contestable.

vendredi 13 août 2021

Reflet Rue Jacob

Voilà,
quelques unes de mes lubies en matière d'image : la fragmentation, la déconstruction, l'anonymisation. Ça m’apparaît rue Jacob le 13 juillet dernier, jour pluvieux. Ce matin là, le XV de France a battu l'équipe de rugby d'Australie sur son terrain pour la première fois depuis trente ans. Je sors du Musée d'Orsay où j'ai réalisé de nombreuses photos en vue d'expérimentations graphiques. Mais aussi quelques clichés d'extérieur pas inintéressants non plus. Je vagualame mollement, me demandant quand je quitterai Paris, sans en avoir une grande envie non plus. Mais la crainte d'un possible reconfinement à la rentrée m’incite, en dépit du manque d'argent, à tenter quelques virées hors de la capitale. La veille, le président a annoncé des mesures très coercitives à l'égard des gens non encore vaccinés suscitant des réactions plutôt aigres dans bien des secteurs professionnels, d'autant qu'elles contredisent des promesses et des engagements pris par notre zézayant jupiter quelques mois auparavant. C'est pourtant un dicton bien connu en politique, "les promesses n'engagent que ceux qui y croient". De nombreux observateurs, et même dans la presse conservatrice dénoncent une main-mise de l'exécutif sur les décisions et un déni de démocratie croissant. J'ai pourtant la tête ailleurs. Je songe à toutes ces choses de la vie quotidienne que je ne suis plus en mesure d’accomplir, à la fatigue qui m'anéantit, au poids que je prends, aux projets que je ne pourrai mener à bien, à la solitude, à mon envie d'altérité et à mon incapacité croissante de parler aux gens, même familiers. Je réalise aussi combien cette pandémie a mis les individus à cran, et comme elle a changé nos comportements quotidiens, et aussi nos façons de penser. Et puis, il y a ce mot de ma camarade Anne, qui n'est pourtant pas du genre mélancolique, publié sur un réseau social bleu "18 ans: avoir la route devant soi, entre Bordeaux, Royan et un mas perdu dans les vignes occitanes. C'est l'été, et t'as Bryan Ferry dans ton walk-man. L'entendre aujourd'hui, et pleurer comme une madeleine, avec cette impression que le soleil ne reviendra jamais."
Mois pluvieux donc, et la nuit suivante, je cherche sur le net à combien de temps, remonte un juillet aussi humide. Je découvre que ce fut durant celui de 1972, (mois où j'ai fait la connaissance de mon oncle Philippe, et où je suis allé voir Paul Mc Cartney en concert à l’Olympia) que furent recensées les précipitations les plus abondantes depuis 1886 date des premiers relevés. Nous voilà désormais à la mi-Août. Il fait à nouveau chaud depuis peu. L’inquiétude ne me lâche pas. Si je parviens encore à sauver les apparences, j’ai cependant de plus en plus de mal à rassembler mes idées. Je me désagrège lentement. Toujours à deux doigts que ne se lézarde la souriante façade qui me protège. Ce que je sais, ce que je sens m’effraie. Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive. Je me sens incapable de réagir. Je navigue à l’aveugle.

dimanche 1 août 2021

Café du Loup

Voilà,
en descendant vers le sud en TGV, il m'est arrivé quelquefois, pour peu que mon attention fut distraite par le paysage, de furtivement apercevoir, l'espace d'une seconde, cette énigmatique enseigne et ce bâtiment. Un jour, je suis passé à proximité. "Le café du loup", devenu désormais une résidence, a perdu sa vocation première. J'espère que les nouveaux propriétaires préserveront néanmoins la façade. J'ai bien évidemment effectué quelques recherches. Le Journal de Saône et Loire rapporte que "l’ouverture du café « doit remonter au XIXe  siècle, les documents n’en font mention qu’à partir des années 1870, avec l’essor de la D 28. Il est tenu par la veuve Boucansaut, puis par un de ses fils, Jean Badet, jusque dans les années 1890. En 1933, il est tenu par Claude Badet, fils de Jean, après bien des vicissitudes car il a pris feu en 1929. Un bal public y était régulièrement organisé.  Dans une photo d’archives datant du début du XXe  siècle, on distingue sur la façade la silhouette d’un loup peint au-dessous du mot “Café”. Fermé pendant longtemps, l’établissement a brièvement rouvert ses portes, fin 2010, à une clientèle venue des communes environnantes. Le bar tenu par Isabelle Flèche proposait pas moins de 46 bières différentes. Des petits concerts y étaient organisés. C’est à cette époque qu’aurait été dessiné sur la façade le loup hurleur. Le café avait finalement baissé le rideau en septembre 2016. Selon Guillaume Génelot, un habitant de Saint-Martin d’Auxy qui a mené des recherches historiques sur sa commune, l’enseigne du café a pour origine la présence ancestrale de l’animal dans les environs, jusque vers 1907, année au cours de laquelle il aurait été vu pour la dernière fois dans la commune. Linked with Monday murals