j'ai pas mal réécouté l'album "Revolver" des Beatles, ces derniers jours. C'est mon préféré. Je ne sais pas si c'est mon préféré parce que c'est le premier que j'ai intégralement écouté réécouté et surécouté. Je l'avais enregistré sur mon mini K7 Phillips qui était l'objet à posséder quand on avait treize ans en 69. Ce fut d'ailleurs mon cadeau de Noël cette année là. J'avais trouvé un argument de poids. Le collège du Kremlin-Bicêtre où j'étais nouvellement arrivé ne dispensait pas de cours d'allemand en première langue pour les classes de quatrième. Il me fallait donc rattraper deux ans d'anglais au plus vite et pour cela un magnétophone sur lequel il serait très simple de m'enregistrer et de me réécouter était absolument indispensable. En mettant en avant tout ce que cet appareil pourrait avoir de bénéfique pour les heures studieuses que je ne manquerais pas de passer avec lui, je n'eus guère de mal à convaincre mes parents de ce coûteux achat pour eux (ils ne manquaient jamais de me dire combien à leur porte-monnaie plutôt qu'à leur cœur j'étais un être cher, insistant sur tout ce que je leur coûtais et tout ce qui leur en coûtait).
Mais revenons à Revolver. Sur le pick-up (c'est ainsi que l'on appelait autrefois les tourne-disques) de mes parents dont j'ai retrouvé (non sans émoi) un jour dans une brocante le modèle en bon état, et auquel, sans pour autant être atteint de pareidolie, je trouvais un air tout à fait souriant (moins cependant que la 4CV familiale), sur le pick-up donc, j'avais, au micro (il n'y avait pas de branchement direct) enregistré l'album à l'envers (la face B d'abord puis la face A). Un garçon du nom de Serge Santoro me l'avait prêté. Il était le seul de la classe à avoir les cheveux longs et une moustache. En fait il cultivait sa ressemblance avec George Harrison qui était son Beatle préféré.
Pendant des semaines je me suis endormi en écoutant ce disque dont certains morceaux suscitaient des images mentales. "Here, there, and everywhere" m'évoquait ces paysages enneigés que l'on voit sur les anciennes cartes postales de Noël, "Eleanor Rigby" des souvenirs de romans de Charles Dickens. "For no one", suggérait une détresse qu'il me semblait avoir déjà connue quelques années auparavant, alors que "good day sunshine" était parfait pour décider que la journée qui s'annonçait serait belle. "Tomorrow never knows" et "love you to" si bizarres et chacun exotique à sa manière, l'un avec son sitar l'autre avec ses cris de sioux et ses paroles si énigmatiques m'enchantaient. J'aimais aussi le joyeux "and your bird can sing", le nonchalant "i'm only sleeping" avec ces vers qui me touchent toujours particulièrement "please don't spoil my day i'm miles away", parce qu'ils semblent résumer ma nature profonde. C'est là aussi que j'avais redécouvert "Yellow submarine", souvent entendu à la radio sans savoir que c'était eux. Par la suite, je m'étais aperçu que je connaissais beaucoup de morceaux des Beatles, puisque dans les années soixante leurs chansons avaient inondé toutes les radio du monde. J'avais aussi découvert que Johnny Hallyday, — que je n'ai jamais vraiment beaucoup apprécié — avait adapté une de leurs chansons en français.
Mais revenons à Revolver. Sur le pick-up (c'est ainsi que l'on appelait autrefois les tourne-disques) de mes parents dont j'ai retrouvé (non sans émoi) un jour dans une brocante le modèle en bon état, et auquel, sans pour autant être atteint de pareidolie, je trouvais un air tout à fait souriant (moins cependant que la 4CV familiale), sur le pick-up donc, j'avais, au micro (il n'y avait pas de branchement direct) enregistré l'album à l'envers (la face B d'abord puis la face A). Un garçon du nom de Serge Santoro me l'avait prêté. Il était le seul de la classe à avoir les cheveux longs et une moustache. En fait il cultivait sa ressemblance avec George Harrison qui était son Beatle préféré.
Pendant des semaines je me suis endormi en écoutant ce disque dont certains morceaux suscitaient des images mentales. "Here, there, and everywhere" m'évoquait ces paysages enneigés que l'on voit sur les anciennes cartes postales de Noël, "Eleanor Rigby" des souvenirs de romans de Charles Dickens. "For no one", suggérait une détresse qu'il me semblait avoir déjà connue quelques années auparavant, alors que "good day sunshine" était parfait pour décider que la journée qui s'annonçait serait belle. "Tomorrow never knows" et "love you to" si bizarres et chacun exotique à sa manière, l'un avec son sitar l'autre avec ses cris de sioux et ses paroles si énigmatiques m'enchantaient. J'aimais aussi le joyeux "and your bird can sing", le nonchalant "i'm only sleeping" avec ces vers qui me touchent toujours particulièrement "please don't spoil my day i'm miles away", parce qu'ils semblent résumer ma nature profonde. C'est là aussi que j'avais redécouvert "Yellow submarine", souvent entendu à la radio sans savoir que c'était eux. Par la suite, je m'étais aperçu que je connaissais beaucoup de morceaux des Beatles, puisque dans les années soixante leurs chansons avaient inondé toutes les radio du monde. J'avais aussi découvert que Johnny Hallyday, — que je n'ai jamais vraiment beaucoup apprécié — avait adapté une de leurs chansons en français.
En fait, pour faire court, c'est après être à Paris que j'ai commencé à m'intéresser aux chanteurs anglais et américains. Cette première année au Kremlin-Bicêtre, fut assez étrange. Contrairement à mes camarades, je venais assez souvent à Paris, profiter de la petite piscine de l'École Polytechnique où mon père travaillait à l'époque. Et puis c'est à ce moment que j'ai commencé à traîner dans le quartier latin, sur le Boulevard Saint Michel qui j'ai arpenté de haut en bas des milliers de fois dans ma vie, et où ma fille à présent poursuit ses études. Serge Santoro, m'avait une fois emmené chez un disquaire aujourd'hui disparu de la rue des écoles, juste en face du cinéma Champollion, et il y avait acheté l'album "Let it be". Pour ma part c'est à "Paris Musique" en bas du boulevard Saint Michel que j'avais fait l'acquisition de mon premier album qui fut "Sergent Pepper".
Sinon la vie au Kremlin-Bicêtre n'était pas très exaltante. Je me souviens juste d'avoir été étonné qu'il y ait deux filles noires (et d'un noir très différent) dans ma classe. Je venais de province, et dans le sud-ouest à l'époque il n'y avait pas de mixité raciale. L'une d'elle, d'origine sénégalaise s'appelait Brigitte Prouha. Elle était très belle très gentille et sa peau très sombre. Elle habitait deux étages au dessus de chez moi, et sa famille nombreuse disposait de deux appartements sur le même palier. Il m'arrive quelquefois de penser à elle. Je l'associe à un sentiment de hontee que j'éprouve toujours rétrospectivement, en y songeant.
Un jour elle m'avait prêté des disques de musique soul, et de rythm'n blues, Otis Redding, Aretha Franklin, James Brown. "pour me faire partager sa culture" m'avait elle dit. J'avais accepté par politesse, en avais écouté quelques uns, mais j'avais trouvé ça "criard" c'était ainsi que je me l'étais formulé. Mais à la vérité, c'est parce que j'étais encore sous l'influence raciste de mes parents, et que je ne pensais pas nécessaire d'accorder une attention soutenue à cette musique, parce que ce n'était après tout que de la musique de noirs, alors que sans le savoir il y avait beaucoup de morceaux composés ou interprétés par des artistes noirs — les Supremes, Armstrong, Sydnet Bechet — que j'aimais et que j'avais entendus en radio... Je regrette encore aujourd'hui de ne pas avoir prêté une oreille plus attentive à la généreuse proposition de Brigitte ni d'avoir compris comme c'était important pour elle. Je m'en veux en outre, d'avoir alors été aussi con et de ne pas avoir été en mesure de me débarrasser tout seul de toute cette merde qu'on m'avait collé dans la tête et de me débarrasser de tous mes préjugés. C'est aussi à cette période que l'on m'annonça de façon tout à fait inattendue qu'un frère ou une sœur viendrait compléter la famille. J'allais avoir treize ans j'étais fils unique et cette nouvelle ne me fit pas, sur le coup (c'est assez banal comme réflexe) particulièrement plaisir, mais ça c'est une autre histoire.
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your memory (and the find in the flea market) is wonderful, i like it very much, it leads me think of when I first heard and liked the beatles... how i put a picture of them that i tore out of a music magazine and put it on the wall, now my daughter is the musician and of course she too found her way to the beatles as well as all the other heavies and greats...
RépondreSupprimerIt's funny how we associate emotions to music and items! What a great walk down memory lane.
RépondreSupprimerSo glad you joined us at 'My Corner of the World' this week! Merry Christmas!
I was the youngest, so I never suffered the indignity of having a usurper announced. That certainly is a colorful Philips Radio/Phonograph. I'd love to have it decorating my music/computer/movie/occasional napping site. A fine post.
RépondreSupprimerI think we still have the LP of Revolver (but maybe we gave it to our granddaughter). It really is wonderful music. But even being "stuck in the 60s" isn't a thing any more.
RépondreSupprimerbe safe... mae at maefood.blogspot.com