mardi 28 juin 2022

Mélanges


 
Voilà,
ces temps-ci se tient à la cinémathèque une rétrospective consacrée aux films noirs britanniques à laquelle je me rends plutôt assidument, même si je n'ai pas eu le temps de tout voir. Cela faisait longtemps que je n'avais pas enchaîné tant de films et j'ai vu quelques chefs-d'œuvre, tels que "Hell is a city" de Val Guest qui se passe à Manchester, le magnifique "wanted for murder" de Lawrence Huntington, et aussi "It always rains on Sunday" de Robert Hamer avec une musique de Georges Auric, dont l'intrigue se passe dans l'east end, d'après guerre, et qui est un film qui tient à la fois du néo réalisme italien, du film social français d'avant guerre comme ceux de Carné, avec cette touche anglaise le sens de l'intrigue, l'humour, des personnages hauts en couleurs. Un film que je ne connaissais pas et qui est une merveille. Robert Hamer, qui est aussi l'auteur, dans un genre tout à fait différent, de "Noblesse oblige" qui mettait en joie Philippe Tiry à sa seule évocation — rien que le doux écho de son rire gaillard de bon vivant et sa figure qui s'illuminait alors me le rend doux à mon souvenir et continue de m'enchanter par delà les années —. 
Le soir, je rentre à vélo le long des quais profitant de la tiédeur nocturne. Paris apparaît alors comme une ville un peu futile, désinvolte où il fait bon flâner. Les gens dansent ou pique-niquent sur les quais, s'attablent en nombre à l'une des nombreuses guinguettes au bord du fleuve. parfois je m'arrête pour photographier (J'ai attendu longtemps que le métro passe. J'y tenais absolument mais je craignais que les deux amoureux du bord de l'eau s'en aillent)
 
 
 
 
On ne songe pas à la guerre qui  menace de s'étendre à toute l'Europe. Je ne sais si tous ces gens n'en ont pas conscience ou feignent de l'oublier. A la vue de ce spectacle, parfois, je pense à la chanson de Claude Nougaro "Il y avait une ville"Sans doute suis-je très secoué aussi par la lecture du journal de guerre d'Evgenia Belorusets qui, au quinzième jour de son journal de guerre intitulé "Il est 15h30 et nous sommes toujours vivants", note ceci :"J’ai toujours du mal à imaginer ce qui se passe quand on apprend à l’avance, qu’une guerre est à nos portes, une guerre dont le cycle consiste a terroriser des villes pacifiques en larguant des bombes et à assassiner des milliers de personnes. On annonçait aujourd’hui aux informations que les pertes de la population civile ukrainienne sont bien plus élevées que celle de l’armée. Je suppose qu’avant le début de la guerre, même les hommes politiques qui l’avaient prophétisée n’y croyaient pas et espéraient qu’on pourrait l’éviter. Sans quoi le monde aurait tout fait et plus encore – pour ne pas laisser s’ouvrir cet abîme. La guerre était irréaliste, absurde, inimaginable. Et quand on se réveille au milieu de la guerre, elle conserver exactement cette qualité : elle reste toujours inconcevable. C’est la peur que nous a ligoté. La prudence paraissait une sage attitude. Chacun attendait que la catastrophe commence réellement. Désormais, à Kiev, je suis condamnée à voir en même temps que le reste du monde les maisons, les vies humaines, et les souvenirs disparaître dans un gigantesque brasier." 
Je ne peux pas m’empêcher de penser que Poutine qui fait toujours ce qu’il dit, a menacé de lancer une bombe nucléaire sur Paris Bruxelles ou Strasbourg qui sont des symboles de tout ce qu’il abhorre. 
 
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Ces temps-ci les nouvelles sont consternantes aussi d'outre-Atlantique. J'ai trouvé ce dessin de Biche, paru dans Charlie-Hebdo et qui circule sur le net et que je traduis pour mes lecteurs non francophones : End of the abortion, the americans are reassured : "patience in five years he will be murdered in the school."

 

 


En décembre 2020 , j'avais rassemblé quelques notes pour un texte laissé en souffrance : en Iran, si une fille de 13 ans est violée et mise enceinte par son père, elle doit porter l'enfant à terme ou être jetée en prison jusqu'à la fin de ses jours. Ah non, pardon, c'est en Alabama. Dieu bénisse l'Alabama. Danielle Thornton a très justement remarqué que lorsque la sentence pour l'avortement est plus sévère que celle punissant le viol, on sait alors que c'est une guerre contre les femmes qui est déclarée. La raison pour laquelle un fœtus à plus de droit qu'une femme aux USA c'est qu'il peut éventuellement devenir un homme.

Ils votent une loi qui interdit l'avortement même en cas de viol ou d'inceste. Au nom du respect de la vie ils condamnent la destruction d'un ovule fécondé mais en même temps ils ont instauré la peine de mort.
En même temps l'Alabama est paraît-il l’État où l'impôt pour les riches est le plus faible du pays mais où la TVA sur les produits de première nécessité, la plus élevé. C'est aussi l’État qui vampirise les plus pauvres en leur prélevant leur sang en guise d'amende, l’État où les bureaux de votes sont inaccessibles mais où il y a le plus de débits de boissons, l’État où où il y a le plus de prisonniers mais aussi où les prisons sont abandonnées faute de personnel et où la criminalité explose à tel point que l’État fédéral US a du condamner l'Alabama pour l'insalubrité de ses prisons, etc, etc... 
A part ça 28 autres États américains ont instauré des restrictions au droit à l'avortement maintenu seulement dans les états de la côte Ouest et du Nord-Est de la confédération.
Aujourd'hui ce qui fut la première démocratie et le leader du monde libre, devient une théocratie aux mains de fanatiques religieux qui n'ont rien à envier aux mollahs iraniens. Les droits y régressent au point que les armes y sont mieux protégées que les femmes et les enfants. On ne peut plus guère considérer ce pays comme un modèle de civilisation. Pourtant, j'écris sur un ordinateur conçu là-bas, j'écoute du jazz et du rock, je porte des jeans, je vois encore quelques films indépendant US... C'est aussi, hélas, la seule puissance militaire occidentale sur laquelle l'Europe insuffisamment armée peut compter...
 

 Sinon, aujourd'hui je me suis souvenu des vieux et des adultes qui dans ma jeunesse ne comprenaient pas nos tenues vestimentaires, nos cheveux longs, nos rites, n’imaginaient pas nos vies sexuelles, ne soupçonnaient pas nos activités clandestines, s’étonnaient de nos enthousiasmes pour tel artiste ou tel courant de pensée. Leurs canons esthétiques et idéologiques n’étaient pas les mêmes. et souvent nous devions leur paraître arrogants naïfs ou irrespectueux. Je suis à présent à leur place dans un autre temps qui m’échappe. Je n’imaginais pas que tant de filles seraient tatouées ou auraient un anneau dans le nez par exemple. Que tant de jeunes gens seraient travaillés par les questions de genre et d’identité sexuelle. Mais leurs sourires autant que leurs indignations et leurs inquiétudes m’émeuvent même si je ne comprends pas toujours leurs engouements. 

 
Cinquante années, que je n'ai pas vu passer et que je n'ai pas non plus vraiment comprises. Je me suis débrouillé jusqu'à présent pour me faufiler entre les gouttes, pour survivre tant bien que mal. Bien qu'assez sauvage et peu doué pour la socialisation, la providence m'a tout de même fait quelques beaux cadeaux.

9 commentaires:

  1. Au moins pour les photos parfois, cela vaut la peine d'attendre. Quelle magie de la première !

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  2. I am astounded that we are still so slow to accept the LBGT community. It seems disgraceful that they are still fighting against such a backwards mentality in a lot of societies....I really find it perplexing that we can put a man on the moon but can't understand basic medical or scientific facts when it comes to human experience. I'm listening to a book on race at the moment and it is awful to think of how this is still even a thing for discusssion in very multicultural societies, but here we are. As for the film festivals, in Australia, we just have them non stop (literally) German just ended and Scandi begins...

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  3. I really like urban Low Light Photography. That first one is a Great example of it. Kudos!

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  4. Quel plaisir de lire ce mélange de genres, toi toujours si attentif à l'humain, à la culture.
    Tu m'as donné fort envie de voir It always rains on Sunday, les chaleurs de l'été, enfermés de jour, sont parfaites pour ça.
    Guerre, avortement, des sujets hélas récurrents.
    À l'époque pas lointaine où la droite espagnole parlait de supprimer le droit à l'avortement, je me suis retrouvée, 30 ans après, à re-manifester, cette fois avec fille et fils, mari, amies de ma fille et leurs mères!!! Quand il s'agit de procréation, je crains que le sujet ne revienne encore et encore sur le devant de la scène...

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  5. J'ajoute au plaisir de lire ta grande sensibilité qui fait un bien fou, et oui, il faut craindre que ce qui semblait acquis de nos libertés soit en danger ailleurs et ici.

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  6. Ukraine, Alabama, tragiques circonstances qui montrent, hélas, que le pire n’est pas toujours incertain. Il faut le garder en mémoire mais garder aussi ce quai de Seine, la nuit, avec ses amoureux…

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  7. Très inspiré ce mélange (: C’est un plaisir de te lire, et les images sont très belles

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  8. Wow, you are even more pessimistic and discouraged than I am. It's a Film Noir world these days. Here in the US, we know that the destruction on democratic values and laws has just begun, and the means are in place for total obliteration of what we knew and cherished. And our democracy will probably be dead even before the effects of climate change and war manage to destroy the planet.

    best... mae at maefood.blogspot.com

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  9. I refuse to give up hope that as the pendulum swings yet again we will find our world reversing the downward spiral.
    Thank you for joining us at http://image-in-ing.blogspot.com/2022/07/happy-independence-day-usa.html

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