Voilà,
ça se goupillait bien, ce n'était pas très loin de l'appartement où nous séjournions, et la première visite fut pour la Casa Batllo, de nuit. Gaudi, j'en avais entendu parler, bien sûr et j'avais vu des photos, lu des articles. Mais j'ai été fasciné par ce mélange de fantaisie décorative qui tient de l'art brut et de rigueur architecturale qui caractérise cette maison.
Aucun détail n'est laissé au hasard, tout est fonctionnel et ergonomique (les poignées de porte, les système d'ouverture des persiennes). L'espace est traité avec subtilité et de façon organique, comme si la maison était un corps vivant. Les fluides (l'air, les eaux de pluies) y circulent de la façon la plus agréable. La lumière doit toujours être la plus douce possible de sorte que jamais elle n'éblouisse. Ainsi, dans le puits de lumière qui se trouve au centre de la bâtisse, le carrelage bleuté est de plus en plus foncé au fur et à mesure que l'on monte les étages, pour que l'intensité lumineuse soit la même.
En fait je suis très troublé par le génie de Gaudi. Par cette rigueur scientifique qui lui permet de concevoir des volumes étranges, des agencements de pièces plus ou moins courbes, où l'air doit circuler de sorte qu'il soit toujours supportable, été comme hiver, mais aussi par sa fantaisie qui lui fait dire par exemple qu'une maison à besoin d'un chapeau et d'une ombrelle.
Sa dévotion à la nature, et cette idée qu'il faut exclusivement s'inspirer de celle-ci pour imaginer concevoir des demeures, des édifices, cette modestie là me touche.
Évidemment, ça m'embarrasse de m'extasier sur de somptueuses demeures commanditées par de richissimes propriétaires. Mais ceux-ci étaient capables cependant d'une audace certaine, d'une intuition juste et d'une probable excentricité pour s'en remettre à Gaudi et lui confier ainsi leur cadre de vie. De ceux qui ont travaillé avec lui, Gaudi rapportait qu'il les avait beaucoup fatigués, en essayant toujours d'améliorer les choses qu'il ne donnait jamais pour bonnes jusqu'à ce qu'il soit convaincu de ne pouvoir les rendre plus parfaites.
Ici, dans la Casa Batllo, je me suis réjoui des vitres donnant sur l'escalier intérieur, dont le verre, traité de façon irrégulière, offre des distorsions qui m'ont plu, augmentant l'effet d'étrangeté suscité par cet édifice.
Un jour prochain, j'évoquerai le choc de la Sagrada Familia...