mardi 12 octobre 2021

Bayan-Ko


Voilà,
il y a quelques temps je suis allé voir Bayan-Ko un film de Lino Brocka, réalisé en 1984 et qui se donne depuis quelques semaines au Reflet-Médicis dans une version restaurée. Je ne trouve plus beaucoup d'agréments à la vie parisienne, mais celui de pouvoir accéder à des films rares projetés dans de bonnes conditions en est un, tout comme pouvoir me rendre dans cette courte rue Champollion située à deux pas de la Sorbonne où trois cinémas se succèdent sur un même trottoir.
Tournée dans les dernières années de la dictature Marcos, cette œuvre mêle réalité (les scènes de manifestations avec les portraits brandis de Ninoy Aquino, qui venait d'être assassiné sur l'aéroport de Manille à son retour d'exil en 1983) et fiction  — l'histoire de Tuning cet ouvrier imprimeur, contraint par son patron de s'engager à ne pas adhérer au syndicat en train de se former dans son entreprise, en échange d'une avance de salaire —, parce que Luz, sa femme, en raison d'une grossesse difficile, ne peut plus travailler. Le prix prohibitif des médicaments, et le coût d'un séjour hospitalier amène le couple à s'endetter. Lorsque la grève éclate dans son entreprise, et qu'il ne s'engage pas aux côtés de ses compagnons, Tuning se retrouve seul et ostracisé par ses collègues qui le considèrent comme un "jaune". C'est alors que Tuning participe à un cambriolage. 
Ce film, nerveux, en partie auto-produit (Brocka réinjectait l'argent gagné avec des films populaires et commerciaux dans des réalisations plus ambitieuse à caractère social et politique) va bien au-delà du fait divers dont il s'est inspiré. Il fut bien évidemment interdit aux Philippines mais parvint clandestinement au Festival de Cannes en 1984. 
Plus de trente ans après, cet opus ne perd rien de sa puissance ni de son efficacité. Bien qu'il témoigne d'un contexte géographique et historique différent du nôtre, il se révèle cependant, par certaines situations d'une évidente actualité. Les portraits souvent subtils de ces personnages confrontés à la détresse révèlent sans manichéisme une humanité poignante. Le récit quant à lui, se développe, inexorable, avec des accents de tragédie, tout en évitant les écueils du mélodrame.
Ça change évidemment de toutes ces daubes américaines à grand spectacle, où dans une débauche d'effets spéciaux, seuls contre tous, des héros décérébrés sauvent le monde libre et surtout les USA, en se sortant des situations les plus invraisemblables, sans que ne bouge une mèche de leur brushing. 
J'étais en outre, très heureux de partager ce moment avec Peggy (dont le blog m'enchante depuis des années) qui était de passage à Paris. Je savais que ce film la toucherait particulièrement, pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de développer ici, qu'elle n'aurait besoin des sous-titres pour comprendre, et qu'il constituerait une expérience plutôt singulière pour elle, et d'une certaine façon pour moi aussi, car la circonstance après tout, n'était pas banale.

5 commentaires:

  1. Great street photo. Yes, I remember going to the Cinema, but have not been in one in almost two years.

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  2. Art houses, revivals, I loved them when I was young. Now I have most of the movies on disc, and I don't have to explain the film to a date.

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  3. thank you so much my friend, it was a special time and now a very special memory

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  4. Great photo of your part of the world. Alas, here in New Zealand, we get very few movies at all, much less any with such a message.

    Thanks for sharing your link at My Corner of the World this week!

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