vendredi 14 octobre 2022

Migraine


Voilà,
peur de s’endormir et de ne pas se réveiller. L’essentiel qu’on n’a pas dit, aux uns et aux autres. Les mots d'amour qui se sont perdus, les excuses demeurées au bord des lèvres, les choses gentilles qu’il eût été bon de partager.
Il aura suffi d'un choc stupide, d'un accident idiot. Parce qu'il s'est cogné la tête contre une porte vitrée  — vraiment c'est trop ballot —un certaine matinée de cette funeste année, il souffre depuis de terribles migraines que chaque nouveau jour rend plus insupportables. Jamais il n'avait envisagé qu'une telle choses pût se produire ni que la souffrance le minerait à ce point. Incapable de faire quoique ce soit. Ni se concentrer ni se reposer.  Ses forces dont il a trop souvent présumé, autrefois, déclinent à présent. La réalité se dissipe dans un brouillard indistinct. Tout échappe  : la vigilance, l'à propos, le courage
Parfois les analgésique lui offrent un répit. Gisant alors sur son lit, parmi tant de pensées si difficiles à formuler, si confuses, il se sent comme une serpillère usée. Et toute cette fatigue qui pèse et l'entrave... Certitude que le temps manquera irrémédiablement... Fermer les yeux, écouter à la radio les histoires des autres, les voix des autres... A bien y réfléchir, il a si peu vécu, lui, au regard de tous les rêves qu'il formait autrefois. Trop traîné, trop paressé, trop bavardé. Sans doute n'était-il pas armé pour faire autrement. Ou bien la pente à gravir était-elle trop raide. Il revient de si loin – mais est-il seulement parti ? –. Sans doute n'a-t-il pas su s'y prendre, saisir les opportunités. Rien de lui ne subsistera. Sera vite oublié. Voudrait être à la fois ici et là, quand déjà il n'est plus vraiment quelque part.  Freddy Capolongo ne se sent pas vieux pourtant, mais passer à l'acte — ce qui n'a jamais été un truc facile pour lui — relève désormais du grand steeple-chase. Il comprend mieux maintenant pourquoi on a élevé la paresse au rang de péché capital. Pfff... N'ira pas au paradis. N'aura pas mis d'ordre dans ses affaires. À peine pris quelques dispositions. Mûrie dans l'étau la douleur, une face hideuse éclôt avec la stridence d'une mèche de perceuse vrillant dans le béton. Envie de s’endormir, de ne pas se réveiller, voilà.

6 commentaires:

  1. THIS IS BRILLIANT! The face of migraine. I have had them all my life and your description in the story is perfect. I love this post very much. Thank you for joining Friday Face OFF.

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  2. What a story, Kwarkito. Feeling like a worn mop is not good. You capture the feeling of a migraine in your image. I get the visual aura of a migraine in yellows and red violet, but fortunately not the pain. My heart goes out to migraines sufferers. Have a good week!

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  3. Wow ... Wow that was truly an amazing trip through what could really be, but hopefully not, anyone's experience. You nailed it almost as if you had been there. Any truth to that or is your imagination just that magnificent :) And the artwork looks just like I think a migraine would look if you could paint it. This was an imposing piece ...

    Andrea @From the Sol

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  4. Pfff es increíble lo que has relatado...

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  5. I am grateful not to have suffered the agony of a migraine, but I know of it first hand as my mother used to suffer from them. The image is evocative of suffering and pain, not only physical, but emotional as well... Thank you for taking part in the "My Sunday Best" meme.

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