mercredi 9 mai 2018

Éteindre la lumière chaque nuit


Voilà,
Éteindre la lumière, chaque nuit, 
est comme un rite d'initiation: 
s'ouvrir au corps de l'ombre,
 revenir au cycle d'un apprentissage toujours remis :
se rappeler que toute lumière est une enclave transitoire.
Dans l'ombre, par exemple, 
les noms qui nous servent dans la lumière n'ont plus cours. 
Il faut les remplacer un à un. 
Et plus tard effacer tous les noms. 
Et même finir par changer tout le langage
 et articuler le langage de l'ombre. 
Éteindre la lumière, chaque nuit, 
rend notre identité honteuse, 
broie son grain de moutarde 
dans l'implacable mortier de l'ombre. 
Comment éteindre chaque chose ? 
Comment éteindre chaque homme ? 
Comment éteindre ? 
Éteindre la lumière, chaque nuit, 
nous fait palper les parois de toutes les tombes. 
Notre main ne réussit alors
qu'à s'agripper à une autre main. 
Ou, si elle est seule,
 elle revient au geste implorant 
de raviver l'aumône de la lumière. 
(Roberto Juarroz, traduction Jacques Ancet)

3 commentaires:

  1. i like this moody poem and photo...how to turn off everything indeed...

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  2. I think there's a lot of turning off going on... I like your image very much.

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  3. Quel beau poème de l'ombre, de la lumière, de la main qui console, secourt.
    Brillant, comme toujours, Juarroz.

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