mardi 14 novembre 2017

Plus rien à battre


Voilà,
tu ne penses plus à rien, seulement à ce qui fuit, se dérobe. Tu n'as plus envie d'essayer de faire semblant d'être efficace, performant. D'ailleurs tu ne l'as jamais été. Tu n'en as plus rien à battre. Les ombres sur la surface granuleuse de la vitre suffisent à t'enchanter quelques minutes au moins. Tu te parles à toi-même comme si tu t'étais déjà quitté. Tu retournes te coucher en te disant qu'il faudra quand même bien que tu lises un jour "L'Essai sur la Fatigue" de Peter Handke, avant précisément d'être trop fatigué pour pouvoir le faire. Désormais, bien des livres te tombent des mains. Allez vas piquer un petit roupillon, pour le reste il sera bien temps de voir après. Une fois dans ton lit bien au chaud sous les couvertures, des trucs idiots te reviennent en mémoire, comme la vision de cet enfant, par exemple, il y a quelques semaines, agrippé à la main de sa mère qui l'accompagnait à l'école. Il fredonnait "un kilomètre à pied ça use ça use un kilomètre à pieds ça use les souliers". Tu les avais d'abord vus de dos et, parvenu à leur hauteur, t'étais retourné sur eux. La mère semblait exténuée et comme ailleurs, le regard perdu dans ses pensées. Lui continuait sa ritournelle. Tu t'es rappelé ces vieilles gens d'autrefois qui disaient le mot soulier, semble-t-il tombé en désuétude et aussi avoir entendu il y a fort longtemps, l'expression "les souliers du dimanche", la mère oui, elle ne le regardait même pas son gamin, (pourquoi mettent-elles tant d'acharnement à se reproduire si c'est pour en arriver là) et puis tu as repensé sans comprendre pourquoi, à ce peintre portugais dont tu avais vu, l'année dernière une exposition qui t'avait particulièrement ému, c'était quoi on nom cardoso, quelque chose comme ça ah oui Amadeo de Souza-Cardoso, artiste peintre portugais génial, mort à trente ans de la grippe espagnole et dont l'œuvre portait en elle des possibles et des promesses qui ne sont pas advenus. Un peu comme si Picasso était mort en 1911. Et puis tu t'es endormi, oh pas très longtemps tu as vaguement somnolé, te laissant bercer par la radio qui diffusait de la musique baroque italienne, oui vraiment tu n'es plus bon à rien mais au fond ce n'est pas si grave, il est si doux de ne rien faire quand tout s'agite autour de soi, c'était le titre d'une émission de radio sur France Inter dans les années soixante-dix. A ta façon tu es devenu très vintage

11 commentaires:

  1. Mais c'est parfait comme programme (enfin ça me parle ou je le comprends si bien ou j'aurais pu écrire....heu, j'ai d'ailleurs mis un caillou dans mon "soulier" ce matin encore !)

    RépondreSupprimer
  2. T'as pas de souliers ? Mets ton chandail et ton cache-col, c'est perdu aussi ces mots, c'est normal. Crise de blog chez toi, chez moi, chez Marc Mosnier (pourtant un blog professionnel), tu devines le post de toi de début novembre que je voulais commenter et où je ne l'ai pas fait. Bon. Une chose virtuelle dont je suis fier : lire chez toi un commentaire de Christine Saint-Geours, c'est un lien plus fort que si je n'en fournirais sur un blog, ça au moins c'est une chose que je tiens, que j'ai faite, ça fait du bien dans la fatigue que je dois me reconnaître, moi itou.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh, oh, j'aime croiser les mots , mais quand même, comme vous y allez !!!

      Supprimer
    2. Ben ouais ! C'est comme ça. Ce n'est pas de ça que meurent ce que certains sont, même s'ils mourront comme les autres. Non ?

      Supprimer
  3. correction : "que je n'en fournirais" etc.

    RépondreSupprimer
  4. De la chaleur. Manque de yang.

    De la chaleur, de la chaleur : manque de yang !


    RépondreSupprimer
  5. Je découvre Amadeo de Sousa-Cardoso avec plaisir. Ton mi-hibernage est plein de ressourses, rêves et souvenirs, c'est beau.

    RépondreSupprimer
  6. Too cloudy--- but the image is fascinating. The center shadow looks like an friendly insect.

    RépondreSupprimer
  7. Je me retrouve dans ce texte, mais pour une mère perdue dans ses pensées, ce "pourquoi mettent-elles tant d'acharnement à se reproduire si c'est pour en arriver là", ça fait un peu mal...

    RépondreSupprimer
  8. i like the photo and the text too...i can feel it

    RépondreSupprimer
  9. Hello!! I'am glad to read the whole content of this blog and am very excited. Thank you…
    ผลบอล

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires a été activée. Les commentaires ne seront publiés qu'après approbation de l'auteur de ce blog.