mercredi 30 avril 2014

Au train bleu


Voilà,
il traînait parfois le soir dans les gares songeant aux destinations où jamais plus il ne retournerait. Des femmes passaient qui détournaient le regard, évitant soigneusement le sien, lui qui attendait un miracle souhaitant que dans cette foule quelqu'un peut-être le reconnaisse. Mais les gens sont toujours pressés qu'ils reviennent ou qu'ils repartent toujours de passage. Il avait un jour mangé au restaurant Le train bleu" (c'était quand déjà si loin une autre vie). Dans cette confusion il ne savait même plus à quoi il ressemblait ; d'ailleurs il évitait les miroirs, détournait les yeux quand une vitrine lui offrait son reflet. Lui aussi avait autrefois connu une vie normale faite de joies simples et de de menus bonheurs : un appartement, un balcon avec des plantes vertes qu'il aimait arroser aux premiers jours du printemps et des fenêtres fleuries, et une valise toujours prête pour un voyage décidé au dernier moment. Mais le malheur avait frappé et jamais depuis il n'avait trouvé la force ni le courage de s'en remettre. Mathieu Minella traînait ce qui lui restait d'apparence avec des souvenirs d'un autre âge d'une autre vie d'un autre visage qui n'avait pas encore été mangé par la flamme. Jamais plus personne ne le prendrait dans se bras il en avait désormais la certitude. D'ailleurs cela faisait longtemps que le désir l'avait quitté. A quoi bon songer à des choses impossibles. Un jour peut-être trouverait-il le courage de se jeter sous un train. Mais de cela même, il n'était pas très sûr. S'il n'avait plus la force d'espérer, lui manquait cependant le courage de renoncer.

2 commentaires:

  1. aahh!! j'adore l'image avec plein de petits bouts de gare et de voyageurs !
    si je vois mathieu, je l'invite au train bleu et je lui dirai.....
    je n'ai pas peur de regarder ceux qui ne se regardent plus
    toi aussi tu l'as vu !

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  2. Je te lis souvent à reculons, car tu es plus régulier que moi sur l'ordinateur. Donc ne t'étonne pas de mes réactions parfois tardives. Bien sûr la montre molle prend ici tout son sens. Du texte je suis capable de faire une dictée, pour mes vrais élèves. Sauf la fin : des fois que les parents... ou, pire, que l'un passe à l'acte même par coïncidence. Il faut des dictées tristes même sans Cosette et sans Jules Vallès.

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