mardi 12 novembre 2013

Impression nuit tombante

Avenue de France, Paris 13
Voilà,
je ne parviens pas à me souvenir de la raison pour laquelle vers l'âge de quatorze quinze ans je me suis pris de passion pour les impressionnistes. Ça reste un mystère. Rien dans mon environnement familial ne pouvait me guider vers eux. J'ai grandi dans des casernes. Les militaires tiennent les artistes pour des parasites inutiles. Ils ont tendance à penser qu'un peu de plomb dans la tête ne leur ferait pas de mal. Mon géniteur adorait citer cette formule : "Quand j'entends le mot culture je sors mon révolver" qu'il faisait suivre d'un rire sonore exprimant la satisfaction d'énoncer sa propre bêtise. Je n'ai appris que bien plus tard d'où sortait cette maxime. Je crois que c'est le mot, juste le mot qui m'a entraîné vers cette peinture.  Ai-je lu quelque chose dans un journal ? Suis-je allé voir seul une exposition ? Ai-je découvert ces peintres à la galerie du Jeu de Paume où ils étaient alors rassemblés avant l'ouverture du Musée d'Orsay ? Je sais que j'ai acheté quelques numéros de cette revue intitulée "Connaissance des arts" dont le format fort malcommode pour le rangement offrait cependant de larges reproductions. J'aimais par dessus tout Sisley Monet et Pissarro. Oui peut être cela n'a-t-il tenu qu'à un mot. Ne manifestant aucune disposition pour la logique, je me méfiais de la pensée raisonnante. Je le regrette encore aujourd'hui. Je n'ai que des intuitions. Il fallait que je me construise contre ce qui me faisait défaut. Je n'avais à l'époque aucune aptitude pour le dessin, aucun pratique de la photo ni d'aucun art. Ce domaine me semblait interdit. Mais j'aimais cette façon qu'ils avaient de rendre compte de ce qu'ils voyaient, de restituer leur perception. Et puis leurs images témoignaient d'un monde qui renvoyait a ce dix-neuvième siècle de Rimbaud de Verlaine dans lequel mes rêveries m'exilaient parfois. J'avais tant de mal a me sentir de ce monde d'où sans doute je voulais m'absenter. Évidemment j'étais alors trop naïf et ignare pour réaliser qu'il y avait beaucoup de travail pour parvenir à cette technique. Je pense encore à eux parfois, à ce désir qu'ils ont eu de transformer le réel, de l'interpréter d'une façon radicale à l'époque où apparaissent précisément les premières plaques d'impressions photographiques. Et parfois dans certaines images, il m'arrive de leur adresser un salut discret. 

2 commentaires:

  1. Toujours beaucoup d’intimisme dans tes billets, comme ces petites touches d’impression qui t’ont inspirées. Le droit à la différence quand on naît dans un environnement qui se veut rationnel. Cela voudrait-il dire que la sensibilité personnelle est plus forte que la culture ambiante ? Je l’espère, en tout cas, sinon qu’adviendrait-il de la créativité ?
    A l’époque, je griffonnais, je dessinais par réflexe mais je n’ai pas eu l’occasion d’apprendre des techniques. Aujourd’hui, parce que je fais de la photo (et ce depuis bien longtemps) j’ai eu envie de recommencer à dessiner pour avoir une autre approche de ce que je vois par le biais de la photo. J’ai repris des cours à l’Académie, j’aime cette ambiance de gens qui veulent autre chose que des matérialités.
    J’aime beaucoup de ta façon de parler de ta perception des choses.

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  2. je comprends mieux ton style "impressionniste" dans tes photos ! j'aime beaucoup
    ces images qui bougent, les ombres, les lumières ! très original, très beau !
    quand je suis allée au musée d'Orsay la première fois, j'ai eu aussi un gros choc
    émotionnel....
    ton texte, un bout d' histoire écrit avec talent !

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