Voilà,
quand je suis passé rue Daguerre, ce soir là, j'ai été saisi par la solitude de cet enfant penché sur son écran, et par sa posture, recroquevillée, foetale, régressive, qui m'apparaissait aussi comme une posture de soumission. je ne sais pas pourquoi, j'ai songé que cette image aurait pu être prise en Asie. J'ai aussi pensé que c'était bien une image de notre temps et je me suis alors souvenu d'un article lu, il y a peu que j'avais mis de côté, parce qu'il me semblait évoquer avec justesse des symptômes de notre époque. Le voici : "la vacuité du sujet néo-libéral et de son monde, la généralisation de la guerre de tous contre tous comme norme comportementale, l’absence d’idéal, de toute spiritualité et souvent de toute capacité à la sublimation, ne laisse plus qu’une alternative à la fascination spectrale des écrans : le passage à l’acte violent; Ce genre d’itinéraire n’est pas seulement l’envers d’une impuissance et d’une désocialisation organisées, c’est aussi la marque d’un « désamorçage du désir », trouble qui requiert toujours plus d’excitants pour pallier cette désaffection vitale et l’approfondissement abyssal de la solitude qui en découle.
En outre, la pensée est désactivée par un maelstrom médiatique diffusé en continu dans les yeux, les oreilles, le cerveau et l’ensemble du corps. Le langage se voit systématiquement appauvri (aussi bien dans ses ressources lexicales que syntaxiques) ce qui diminue la possibilité de se construire un jugement libre et critique ; la route de l’intellection, de la compréhension, de l’analyse est ainsi barrée ; c’est la possibilité d’agir pour modifier les conditions d’existence qui est ainsi neutralisée. De ce point de vue, il est urgent de reprendre les termes de la discussion, de rectifier les non sens, de mettre à nu les injonctions subliminales etc."(Jean Marc Royer)