Voilà,
Quelqu'un m'a fait remarquer, il y a peu, que "j'avais un drôle de truc" avec les souvenirs. J'ai perçu dans son intonation comme une nuance de reproche. En tout cas une façon de prendre avec dédain, peut-être un léger mépris ou une vague condescendance ma propension à me laisser revisiter par le passé. Comme si c'était une tare, la manifestation d'un manque d'appétence pour la vie, comme si la vie devait se réduire uniquement au présent et à l'action. Je suis par nature plutôt contemplatif. J'aime beaucoup ne rien faire. C'est à dire remplir ce rien de pensées d'images de sensations. J'aime me promener, apercevoir, cueillir ces fractions de secondes sur lesquelles je pourrais faire mon miel de pensées et de songeries. Je ne vois pas la nécessité de s'agiter, outre-mesure. Ce qui m'intéresse c'est d'accueillir ce qui émerge en moi, à partir de moi. D'ailleurs avec les ans et l'usure ce n'est pas maintenant que je vais faire des extravagances. Mais pour en revenir à cette histoire de souvenirs, c'est aussi que ma relation au temps est très espiègle. Par exemple sur ce blog, il y a des parutions programmées pour plus tard et même bien plus tard, en un temps ou peut-être je ne serai plus, et d'autres qui n'apparaissent que maintenant et qui ont été rédigées il y a des semaines des mois ou des années. On n'est pas obligé de coller à l'actualité n'est-ce-pas ? Les moments d'autrefois, je ne les cherche pas, mais s'ils ressurgissent je les attrape comme le ferait un chasseurs de papillons. Qu'y puis-je s'ils se posent sur moi, s'ils reviennent, s'ils se manifestent, s'ils se représentent ? Je ne vis pas dans le passé, mais c'est le passé qui se réactualise, c'est comme ça. Là cette photo c'est une affaire de permission. J'ai pris ce cadre à la sauvette. Comme je voulais faire un truc un peu mieux, j'ai demandé au pêcheur si je pouvais le prendre en photo et là je me suis pris un râteau. j'avais voulu essayer la technique de James Nachtwey — j'avais vu ça dans un documentaire à son sujet — qui demande gentiment aux gens ( là il s'agissait d'estropiés et de mendiants vivant près d'une voie ferrée en Inde) leur autorisation, et en général il semble plutôt bien accueilli. Je ne sais pas, peut-être que je n'inspire pas confiance, que j'ai une sale gueule ou que je ne sais pas demander sans avoir l'air de trop m'excuser, enfin bref, maintenant je ne demande plus. Je n'arriverai sans doute jamais dans ma vie, — sauf à tomber sur des exhibitionnistes — à faire, comme Peggy ces incroyables portraits de rue, où les gens regardent l'objectif en souriant. (linked with the black and white weekend)