ce que j'écrivais il y a quatre ans (
ici, ou bien
là ou
encore là) je le maintiens encore aujourd'hui. Et si j'y reviens c'est que ces publications n'ont pas eu alors beaucoup d'écho, leur diffusion était encore trop confidentielle. Quoiqu'il en soit, je me rappelle - même si cela pouvait à l'époque sembler
quelque peu obsessionnel - combien l'apparition de ces images m'a apaisé et contribué à ce que je ne sois pas totalement privé de moi-même. Elles ont donné une forme à ma solitude et à ma détresse. Elles furent comme un talisman et m'ont aidé à traverser ces jours mauvais. Et quand j'étais en proie aux
idées sombres, elles ont permis donner un contour à ce qui demeurait vague et confus. Hegel aurait parait-il déclaré que l'oeuvre d'art concrétise et incarne ce qui est abstrait. Je n'irai pas jusqu'à dire que ces images sont des œuvres, mais elles relèvent néanmoins d'une intention plus ou moins consciente et voisine de celle qu'exprimait le philosophe. Je crois me souvenir que cela a peut-être commencé dans une chambre d'hôtel à Nancy, mais je n'en suis plus tout à fait certain. Durant les mois qui ont suivi je suis resté fasciné par ce que je découvrais : l'image numérique émancipée de la lumière, simple surface optique composée de pixels, n'est en fait constituée que d'un ensemble d'informations ; par une suite d'approximations successives il est possible de la transformer de la triturer jusqu'à trouver des chemins vers sa part obscure ; les voies sont infinies ; ainsi l'image a sa vie propre ; elle peut se déplacer arbitrairement à l'intérieur d'elle-même et générer des formes aléatoires, des représentations abstraites. Ce qui me fascinait (mais je l'ai déjà dit je crois), c'était ce sentiment enfantin et régressif que l'image m'obéissait
au doigt et à l'œil. Et puis c'était toujours là, à portée de main sur l'IPhone,
comme un médicament que l'on prend dès que l'on se sent mal, comme une pompe à morphine à l'hôpital. Quand je sentais monter l'angoisse je me saisissais de l'appareil et j'intervenais comme le faisait Henri Michaux lorsqu'il s'ennuyait à Honfleur. Cela pouvait se passer dans le métro, une chambre d'hôtel, à la terrasse d'un café, dans mon lit pour
donner un sens à une insomnie, à chacun de ces moments où la pensée s'égare et menace de vous faire chavirer. Je pouvais plier les images, les froisser, les chiffonner, les retourner sur elles même, les essorer, leur faire violence. À présent, je suis en mesure de considérer tout cela avec moins d'affects. Mais j'ai encore envie de quelque chose de nouveau. De formes pures et saisissantes. Intenses.